La marche de Mina

Publié le 17 septembre 2011 par Sebulon

La marche de Mina - Yoko OgawaActes Sud (2008)Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle

En 1972, Tomoko vit seule avec sa mère à Okayama. Son père est mortquelques années auparavant et sa mère est couturière. Pour se perfectionner,celle-ci décide de suivre une formation à Tokyo et confie pendant ce tempsTomoko à sa soeur qui vit à Ashiya, dans une région montagneuse. Tomokofait alors connaissance avec sa tante, le mari de celle-ci qui dirige une usinede fabrication de limonade, leur fille Mina qui a un an de moins qu'elle et lagrand-mère Rosa, qui est allemande. Dans leur grande maison vivent aussi MadameYoneda, la gouvernante, et monsieur Kobayashi le jardinier qui s'occupeégalement de Pochiko, un hippopotame nain, sur le dos duquel Mina, de santéfragile, se rend à l'école tous les jours. Trente après, Tomoko revient sur leslieux et se remémore les quelques mois passés dans cette famille et lesévènements qui ont marqué son passage de l'enfance vers l'adolescence.


Au début, ce roman ressemble à un conte : Tomoko découvre une famille qu'elle neconnaissait pas, dans une région éloignée de chez elle, et se trouve intégréedès son arrivée dans un univers paisible, un cocon d'affection et debienveillance. Entre elle et Mina s'établit une relation confiante et complice.Et la présence de l'hippopotame nain, dernier pensionnaire de l'ancien parczoologique qu'accueillait la propriété, accentue encore l'aspect féerique ducadre de vie. Au contact de la Grand-mère Rosa, Tomoko apprend l'existenced'une autre culture, d'autres coutumes. Elle s'intéresse aux passions de sacousine : le volley-ball, la lecture, la collection des boîtes d'allumettes. Mais le conte de fées n'est qu'une apparence car tout n'est pas parfait danscet oasis chaleureux : Mina est asthmatique et se retrouve souvent à l'hôpitalen urgence. La tante fume et boit, un peu trop sans doute. L'oncle est souvent absent pendantde longues semaines et personne dans la maison ne s'en étonne, tout enattendant son retour avec impatience. A travers les souvenirs de Grand-MèreRosa, Tomoko découvre les horreurs de la guerre et de l'holocauste et perçoitles résurgences de la violence lors des jeux olympiques de Münich. Mina et ellevivent aussi leurs premiers émois amoureux et les déceptions inévitables quis'en suivent. De tout cela, trente ans après, Tomoko garde un souvenir ému etreconnaissant.
Extrait (page 194) :
J'ai encore à portée de main la photographie prise ce jour-là, comme unprécieux trésor renfermant le souvenir des jours d'Ashiya. Il s'est écoulébeaucoup de temps depuis, mais la beauté de mon oncle et de Ryuichi n'a pasperdu de son éclat. Ma tante sourit avec réserve, monsieur Kobayashi retient lecorps de Pochiko. Résultat d'un long combat : le noeud de son ruban est presquedéfait. Grand-mère Rosa et madame Yoneda sont proches l'une de l'autre commedeux soeurs jumelles. Et Mina, avec ses yeux marron, regarde beaucoup plus loinque l'objectif. Derrière nous tous, on voit cette belle maison que j'aimaistant.Chaque fois que je regarde la photo je me surprends à murmurer. Tout lemonde est là. Tout va bien. Personne ne manque.

Une belle lecture, moins dérangeante que les autres livres de YokoOgawa que je connais déjà. Moins d'ambiguité que d'habitude mais toujours undon pour évoquer une ambiance, construire un décor qui devient presqueréel, qui s'interpose entre le lecteur et la page lue. En un mot, une réussite!
Il existe beaucoup de billets consacrés à ce livre sur le blogosphère. Jeveux citer ceux de Wictoria, Kathel, Katell, Laurence et Emeraude, qui vous conduiront vers d'autres avis.
Je recommande également le site de XavierPlathey qui analyse l’ensemble de l’oeuvre de YokoOgawa ..