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Max | Heureux

Publié le 16 septembre 2011 par Aragon

rouge-gorge-100.jpgOn habite une sacrée belle région. Je le pense souvent. Presque deux heures de "bricolages" au jardin. Toujours des choses à faire. Les pommes qui tombent comme la grêle sur l'abri en tôle. Alain, le voisin, doit en avoir marre d'entendre des "Toc", des "Bong", des "Boum" selon la grosseur des fruits. Ou alors, il est habitué, et puis il travaille dans la journée, il entretien des jardins, il sait ce que c'est des pommes qui tombent, faut bien qu'elles tombent les pommes et puis la nuit il dort Alain, et puis il est seul et puis ça va s'arrêter bientôt... à la fin de la saison des pommes !

Qu'est-ce qu'on est bien dans ce jardin. Mon jardin. Il en a vu passer des générations. L'arrière arrière grand... oui, ça va... je vais pas commencer à radoter en me racontant ça une énième fois. J'ai fini de nettoyer, de ramasser ces fichues pommes qui couvrent la pelouse. Des herbes, des feuilles dans les allées. Tout arranger sur le tas de compost. Arroser un peu. Reste sacrément de tomates, d'aubergines, de piments. Et ces poireaux : énormes ! Je m'assois sous la "tonnelle naturelle" que forme la canopée des kiwis. J'ai mis depuis longtemps une chaise en plastique verte. C'est "mon" coin. J'aime m'y reposer quand "j'ai fini", et regarder la colline au loin, au-dessus des hauts murs qui enclosent le jardin. Les platanes du château frémissent. Que l'air est bon, que la journée a été bonne. Si ce n'était cette "démangeaison" persistante dans le bras. Bah ! C'est rien, et puis à presque quatre-vingt-dix ans c'est normal les bobos. Je vais pas commencer à chougner, à me plaindre...

Il est assis depuis un moment, tranquille comme Baptiste, qui était un homme sacrément tranquille pour qu'il soit passé ainsi à la postérité le Baptiste ! Tout d'un coup médusé il assiste à une scène bizarre. Un gros lézard remonte l'allée vers lui, en se "dandinant", les écailles vertes et vives. Mais... mais... il monte sur la chaise, frôle la main qui ne bouge pas. Ne pas bouger, surtout ne pas bouger. Il sourit intérieurement. Le lézard redescend et continue sa promenade sur l'allée cimentée. Deux minutes plus tard, incroyable ! Pas croyable, un rouge-gorge s'est posé sur un piquet de tomate à deux mètres de lui. D'un seul coup d'aile il va se percher sur son épaule. Il le voit lisser ses plumes, prendre son temps. Lui lâcher une minuscule crotte sur sa manche de chemise. Ne pas bouger, incroyable cette après-midi après le lézard, un piaf, quand je "lui" dirait ça... Il pense à elle qui doit préparer le repas. L'oiseau s'envole. Me reposer...

Il s'est endormi. Quand il se réveille le jour est à sa fin. Rester encore un peu, elle va pas s'inquiéter elle sait que je devais aller voir Georges après. Un chat blanc, mais ça alors, d'où sort-il ? Jamais vu dans le quartier ce matou. Il était sur le mur, il vient de sauter, il se dirige vers lui. Se frotte sur sa jambe, ronronne, amical, la queue en panache. Il a sacrément de l'angora. Il saute sur ses genoux, il y reste.  Le caresser, non... ne pas bouger. Le chat s'en va... Il regarde de droite à gauche, les cosmos, les roses et les vendangeuses sont magnifiques... Il se dit, oui, il se le dit si souvent que son jardin est beau, si beau, si généreux. Cette terre qu'il aime par dessus tout travailler au printemps. Ces récoltes. Les kiwis à ramasser avant la première gelée.  Pas encore.  On a le temps. Une chouette, une toute petite chouette se pose sur le piquet de tomate où s'était posé le rouge-gorge tout à l'heure. Incroyable. Elle le fixe, se lisse elle aussi les plumes, puis, se met à hululer. Quand je vais lui raconter tout ça...

Il entend la porte du jardin s'ouvrir, la chouette s'envole, apeurée. C'est elle. Elle le voit, lui parle. Que fais-tu ? Mais que fais-tu ? Tout lui dire, je vais tout le dire. Lui dire pourquoi je ne suis pas encore rentré, pourquoi je ne suis pas allé voir Georges... Mais, pourquoi, me parles-tu comme ça ? Je ne comprends pas ce que tu me dis... Pourquoi vas-tu vers le cabanon et ramènes-tu ce gilet de laine mangé aux mites ? Pourquoi me couvres-tu les genoux ? C'est ça, file à présent. Elle est partie, semblait se hâter. Je vais y aller, je vais quand même pas la faire tourner en bourrique. C'est l'heure... sacrée bonne journée aujourd'hui...

Un bruit de voiture dans la rue, la porte s'ouvre, elle revient. Guillaume est avec elle. Ben, pourquoi Guillaume est là ? Il a sa trousse. Il sort un stétoscope. Il se penche vers moi. Je l'entends très distinctement lui dire : "Il est mort depuis deux heures environ". Il lui tient la main. Jamais je n'ai été aussi heureux de ma vie... Je veux lui dire, le lézard, les oiseaux, le chat... J'ouvre la bouche... je parle. Elle n'entend pas ma voix. Je suis heureux...


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