RENAN APRESKI : Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Les États-Unis d’Amérique ont commémoré les attentats du 11 septembre 2001, jour qui restera durablement dans les mémoires de ceux qui l’ont vécu ; n’est-ce pas, monsieur le premier ministre ?
FRANÇOIS FILLON : C’est exact. Le 11 septembre 2001, je faisais ma promenade digestive dans un paysage désolé de Sarthe ; c’était déjà la fin de l’été, il n’y avait aucun signe de vie dans les champs, un silence de mort régnait sur toute la région, tous les vacanciers avaient regagné leurs clapiers de béton, le soleil ne servait plus qu’à écraser les terres. Ensuite, je suis retourné au Mans, non sans avoir fait un petit crochet par le cimetière avant de profiter des mines moroses et résignées de ceux qui venaient de reprendre le travail ; c’est sur la radio du fossoyeur, qui écoutait RIP Fm, que j’ai appris la nouvelle. Au début, je ne voulais pas y croire, ça avait l’air trop beau pour être vrai, pensez : tous ces innocents morts pendant le même laps de temps, brûlés vif ou écrabouillés sous des tonnes de décombres, qu’est-ce que c’était merveilleux ! J’étais si enthousiaste que j’ai organisé un apéro dans la morgue de l’hôpital ; ma seule déception fut que personne ne s’était suffisamment bourré la gueule pour se tuer sur la route en rentrant…
R.A. : Hum ! Merci, monsieur Fillon… Serge Dassault, vous vous souvenez de ce que vous faisiez, le 11 septembre 2001 ?
SERGE DASSAULT : Un peu, mon n’veu ! M’en parlez pas, quel sale coup ! Ce jour-là, on était en train de faire les essais de mes nouveaux Rafale ; on avait décidé de les soumettre au « crash-test » comme pour les bagnoles, et vous savez quoi ? Pas un seul avion n’a cassé le mur ! Ce putain de mur, il est resté intact du début à la fin des tests ! Par contre, les avions s’étaient tous écrabouillés comme des mouches sur les lunettes d’un motard avant de retomber par terre, comme des merdes ! Alors vous pensez, quand j’ai entendu parler de ces avions de ligne qui avaient mis en feu deux tours monumentales… je me suis senti humilié, mon vieux, mais alors à un point ! Enfin, la journée n’a pas été perdue, puisqu’au lieu d’acheter des mannequins de crash-test, j’avais mis mes pilotes d’essai habituels dans les Rafale, évidemment sans leur dire ce qui les attendait… Chacun sa façon de dégraisser les effectifs, non ?
R.A. : En effet ! Voyons maintenant les deux gérontes de la République, Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing ; messieurs, que faisiez-vous le 11 septembre 2001 ?
JACQUES CHIRAC : J’étais pas dans le coup, j’ai un alibi, Bernadette est témoin !
R.A. : Calmez-vous, monsieur Chirac, ce n’est pas un interrogatoire !
J.C. : Ah, pardon, excusez-moi, l’habitude… Le 11 septembre de quelle année, vous dites ? Non parce que, à mon âge, vous savez ce que c’est…
VALÉRY GISCARD D’ESTAING : Peuh ! C’est des trucs pour pas aller au tribunal, ça !
J.C. : Valéry, on t’a pas sonné ! D’toute façon, toi non plus, on t’a pas vu souvent au tribunal !
V.G.E. : Oui, mais moi, je n’avais rien à me reprocher !
J.C. : Mais bien sûr ! Alors, m’sieur Apreski, l’année ?
R.A. : 2001, monsieur Chirac, le 11 septembre 2001 !
J.C. : 2001 ? J’étais déjà en retraite, à ce moment-là, non ?
R.A. : Je ne crois pas, vous étiez président de la République !
J.C. : Ah oui, c’est vrai ! Alors j’étais en préretraite ! Maintenant, aidez-moi un peu… C’était pas le jour où je m’étais prononcé contre la guerre en Irak ?
R.A. : Non, la guerre en Irak, c’était après !
J.C. : Ah bon ! Alors, rien !
R.A. : Pardon ?
J.C. : Je réponds à la question que vous m’avez posée ! Vous m’avez demandé ce que je faisais le 11 septembre 2001, et bien je vous réponds : rien ! Comme la veille et comme le lendemain, comme chaque journée passée à l’Élysée pendant mes douze ans passés là-bas ! Vous n’allez pas me dire que ça vous surprend, non ?
R.A. : Attendez, monsieur Chirac, on était à huit mois des présidentielles ! Vous prépariez au moins votre campagne, non ?
J.C. : Pourquoi faire ? Y a des conseillers en communication, pour ça ! D’ailleurs, je me souviens d’un truc, c’est qu’à cette époque, il m’avait demandé d’aller à New York, où y s’était passé un truc, mais je ne sais plus trop quoi ; je me souviens juste que c’était assez grave, et qu’il y avait plein de ruines…
V.G.E. : Mais quel comédien, mais quel comédien !
J.C. : En politique, mieux vaut être comédien qu’accordéoniste !
R.A. : Et vous, monsieur Giscard d’Estaing, que faisiez-vous le 11 septembre 2001 ?
V.G.E. : Voyez-vous, je me souviens parfaitement ce l’intense activité que je menais, moi, lors de ce jour tragique pour nos amis d’Outre-Atlantique ! Il faut dire que moi, je n’ai pas la mémoire grillée au point d’avoir oublié que j’ai été président de la République !
J.C. : C’est vrai, tu te souviens que tu as été président…mais nous, non !
V.G.E. : Peuh ! Crétin ! Bon : le 11 septembre 2001, voyez-vous, je présidais une session du conseil régional d’Auvergne…
J.C. : …dont les Auvergnats t’ont viré trois ans plus tard, on sait !
V.G.E. : Ne m’interrompez pas, Jacques ! À la suite de quoi, je me suis remis à l’ouvrage pour avancer dans la rédaction du traité constitutionnel européen…
J.C. : …que les Français ont rejeté quatre ans plus tard, n’est-ce pas ?
V.G.E. : Mais non d’un chien, ça, c’était votre faute ! Et après, comme j’avais un peu de temps, j’ai commencé l’écriture d’un petit roman, « La princesse et le président »…
J.C. : …qui a fait un bide dans les librairies !
V.G.E. : Jacques, vous me faites chier !
J.C. : Pourquoi, Valéry ? On commémore l’effondrement de deux monuments américains, on peut bien commémorer celui de trois monuments giscardiens, non ?
R.A. : Bon ben merci, messieurs ! Jean-Marie Le Pen, que faisiez-vous le 11 septembre 2001 ?
JEAN-MARIE LE PEN : Ah ben pour une fois, on ne me demande pas ce que je faisais pendant la guerre d’Algérie, n’est-ce pas, il y a du mieux, n’est-ce pas ! Écoutez, je préparais activement la campagne des présidentielles de 2002, n’est-ce pas, et notamment, je cherchais un argument massue pour rassembler un maximum d’électeurs, n’est-ce pas, autour de mon programme, n’est-ce pas ! En clair, je cherchais quelle bonne raison je pouvais donner aux Français pour détester les bougn…heu, les immigrés, n’est-ce pas ! Je me creusais donc la tête depuis trois heures, n’est-ce pas, quand j’ai appris la nouvelle, et là, je me suis dit : « quelle aubaine » ! C’est comme ça que j’aime les Arabes, n’est-ce pas, c’est quand ils me mâchent le travail, n’est-ce pas ! Malheureusement, n’est-ce pas, je n’ai pas vraiment pu exploiter cet argument comme je le voulais, n’est-ce pas, puisque le candidat Jacques Chirac a occupé le terrain, n’est-ce pas, en utilisant mes thèmes de campagne habituels, n’est-ce pas, et en particulier l’insécurité, n’est-ce pas ! Enfin, j’en ai bénéficié aussi, n’est-ce pas…
R.A. : Oui, on sait, oui ! Et vous, Bob Siné, vous vous souvenez de ce que vous faisiez le 11 septembre 2001 ?
BOB SINÉ : Ben ouais, tu penses ! À c’t’époque-là, j’travaillais encore pour Charlie hebdo, je leur avais envoyé ma dernière « zone » la veille, j’pensais donc pouvoir passer la journée tranquille. Histoire de me vider la tête, j’allume la télé, et au début, j’ai cru qu’on nous passait la bande annonce d’un énième film catastrophe à la con, un « blockbuster » comme ils disent… Quand on m’a dit que c’était vrai, je me suis dit « putain, j’ai encore trop bu » ! J’ai l’habitude que l’alcool me fasse voir des trucs bizarres, tu penses… Je venais enfin de comprendre que je n’étais pas bourré quand Val a téléphoné pour que je modifie ma zone ; j’avais l’habitude de ça, mais pour une fois, c’était pas parce que j’avais écrit quelque chose qui lui convenait pas : rien que ça, c’était bien le signe que c’était pas un jour comme un autre ! Il ne m’a même pas demandé de changer quoi que ce soit à ma nouvelle zone, vu qu’’il n’avait pas le temps de me la faire changer douze mille fois comme d’habitude ! Ah, le 11 septembre, ça a vraiment perturbé tout le monde ! Notez, les automatismes n’ont pas tardé à lui revenir, puisqu’il a dit « heureusement qu’ils ont fait ça un mardi, jour de bouclage de Charlie ; grâce à eux, on va péter les ventes ». Quand j’ai entendu ça, j’étais presque rassuré de le voir égal à lui-même…
R.A. : C’est sûr… Et vous, Frank Ribéry ?
FRANCK RIBÉRY : Heu…C’était quelle année ?
R.A. : En 2001, Franck.
F.R. : Heu… C’était quel jour ?
R.A. : Ben le 11, voyons !
F.R. : Heu… C’était quel mois ?
R.A. : Rôôôh… Septembre !
F.R. : Ah, c’était la rentrée ! Heu… J’avais quel âge, déjà ?
R.A. : Pffff… Dix-huit ans.
F.R. : Ah ouais ! Alors j’étais rentré en sixième, à l’époque !
R.A. : En sixième ? À Dix-huit ans ?
F.R. : Ouais, c’est super ! Depuis le temps, personne n’y croyait, que j’arriverais à rentrer au collège, ben j’l’ai fait ! Et donc, j’ai su quand chuis sorti de classe.
R.A. : Et qu’est-ce que vous avez ressenti ?
F.R. : Hein ?
R.A. : Bon, c’est ma faute… Ça vous a fait quoi, de savoir ça ?
F.R. : Bah rien, je savais même pas qu’elles existaient, les deux tous ! Hé, à propos, tu te rappelles où ça s’était passé, toi ? Parce que moi, hein, la géo…
R.A. : Laissez tomber ! Bon, maintenant, Johnny, le mot de la fin ?
JOHNNY HALLIDAY : Que quand j’ai su ça, mon producteur, qu’il a annulé ma tournée ; qu’y disait que c’était pas le bon moment pour chanter « Allumer le feu » !
R.A. : Judicieuse mesure ! Allez, kenavo !