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« Il n’est pas de jour à présent sans qu’on en parle.La dette. Nous serions endettés, ne cesse t-on de nous répéter, au-delà duraisonnable, hypothéquant ainsi l’avenir de nos enfants et de nospetits-enfants. Il faut donc de toute urgence nous désendetter. C’est unequestion de bon sens, et présentée comme cela, nous y souscrivons toutes ettous. Comme il était évident l’an passé que, vivant plus longtemps, il étaitnormal que nous travaillions plus longtemps. Méfions-nous de ces évidences. AuXVe siècle, il était évident pour l’homme que la terre était fixe et que lesoleil tournait autour d’elle.Qu’est-ce que la dette ? Quelles en sont lesraisons ? Quels sont les critères de son calcul ? Comment y faireface et comment sortir de la dictature des marchés financiers ? C’est ceque nous allons voir dans cette série d’articles.
I - Qu’est-ceque la dette ? Bonne dette et mauvaise dette
Sauf à fonctionner comme le faisaient les sociétésprimitives, nous avons toutes et tous, les particuliers comme les États, besoinde recourir à l’emprunt. Pour aménager le territoire : construire lesinfrastructures : des routes, des ponts, des lignes de chemin de fer,produire l’énergie dont nous avons besoin, construire des hôpitaux et desécoles, etc. les États et ou les collectivités territoriales empruntent. Commele font les particuliers pour acheter un logement, une voiture, faire de grostravaux, etc. Cet argent emprunté pour investir dans l’avenir, c’est de ladette bien-sûr, mais c’est de la bonne dette.En revanche, emprunter pour régler les dépenses defonctionnement ou pour assurer les fins de mois – pour les États par exemple,pour payer les traitements de fonctionnaires, ou pour les particuliers pour réglerles dépenses courantes – c’est aussi de la dette, mais de la mauvaise dette.Par conséquent, considérant le montant de la dette,il convient avant tout de distinguer bonne dette et mauvaise dette et de fairela part de chacune d’entre elles dans la constitution de la dette globale donton nous parle. Ce qui, on le constate, n’est jamais fait.
II - Quellessont les raisons de l’augmentation de la dette de la plupart des États au coursdes dernières années ?
Lorsqu’on écoute le Premier ministre : laréponse à cette question paraît simple et de bon sens. Nous dépensons trop.Nous vivons au-dessus de nos moyens (sous-entendu nos systèmes d’éducation, desanté, de justice, etc., c’est-à-dire nos services publics coûtent trop cher).Il nous faut donc réduire nos ambitions dans tous ces domaines. C’est ce quiest fait depuis 2007 avec la RGPP (Révision générale des politiques publiques),avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Ilest aisé d’en mesurer dès aujourd’hui les conséquences.
Mais, comme dans tout budget, il convient aussi d’analyserles recettes et leur évolution. Ce que se gardent bien de faire nosgouvernants. Et pour cause. Depuis plus de vingt ans, les gouvernementssuccessifs de droite – mais de manière incompréhensible aussi ceux de gauche – n’ontcessé d’appauvrir l’État en réduisant avec application et obstination sesrecettes. Ce fut par la privatisation de la plupart des entreprises nationales.Mais aussi par la distribution d’avantages fiscaux ou d’exonérations de chargesqui sont autant de recettes en moins pour les caisses de l’État et desorganismes ayant en charge la protection sociale. Songeons que depuis 2007, cesont quelques 100 milliards d’euros qui ont été distribués annuellement parl’état sous forme de cadeaux fiscaux et d’exonérations de charges.Essentiellement pour les plus riches est-il utile de le rappeler. La« modération salariale », doux euphémisme pour désigner le blocagedes salaires a fait le reste en déséquilibrant le système économique. C’estainsi qu’au cours des vingt dernières années, plus de dix points de richesseproduite sont passés chaque année de la poche des salariés à celle desactionnaires.
L’augmentation de la dette n’est donc pas, comme onveut à tout prix nous le faire croire, tant le résultat d’une augmentationinconsidérée des dépenses, que celui d’une diminution importante des recettes.
III - Descritères utilisés pour le calcul de la dette
Le niveau d’endettement pour chacun d’entre nous,c’est – ainsi que le calcule notre banquier –, le rapport existant entre revenumensuel et capacité à rembourser des emprunts. Il est généralement admis quel’endettement global d’un ménage ne doit pas dépasser un tiers de ses revenusmensuels.
Pour l’État, il n’en va pas de même. Les critèresde calcul sont différents. D’une part, il a été par convention défini que leniveau d’endettement d’un pays serait exprimé en pourcentage du PIB (produitintérieur brut) annuel. Ceci conduit à un taux d’endettement qui se situeactuellement pour la France autour de 80%. La dette représente 80% du PIB. Dequoi nous effrayer à l’évidence. Notons au passage qu’elle se situait en 2007,avant l’entrée en fonction de l’actuel président de la République, autour de60%. La crise a bon dos. On mesure à quel point est fallacieuse cette idéereçue que la Droite au pouvoir serait par définition la fourmi bonnegestionnaire tandis que la Gauche au pouvoir dépensière serait la cigale.D’autre part, il a été défini tout aussi arbitrairement que dans tous les paysde la zone euro, le déficit annuel des budgets nationaux ne devrait pas excéder3%. Pourquoi 3% ? Pourquoi pas 2% ou 5% ? Tout simplement parce que lorsde la définition de ces critères, le taux de croissance de l’économieeuropéenne se situait autour de 3%. Et qu’il fallait à tout prix arrêter unchiffre. C’est de cette disposition que les gouvernements des pays de la zoneeuro veulent faire une règle d’or qui s’affranchirait de la souveraineté desÉtats.
Ce mode de calcul de la dette au regard du PIB est –nous allons le démontrer – totalement arbitraire. Pourquoi ? Parce qu’ilmet en relation des facteurs sans rapport. Familièrement dit, il mélangecarottes et navets.
De deux choses l’une si l’on veut avoir une visionsensée de l’endettement telle qu’il s’applique aux particuliers. Soit on met enregard du montant de la dette, la durée des prêts et dans ce cas il faut laconsidérer en rapport du PIB du nombre d’années sur lesquelles elle serembourse. On atteint alors un endettement pour la France d’environ 12 %. (ladurée moyenne des emprunts d’État est de sept années. Il faut donc multiplierle PIB par 7 pour calculer le taux d’endettement). Quel ménage français quis’est endetté pour acquérir son logement et sa voiture ne rêverait pas den’être endetté qu’à hauteur de 12% ? Soit on considère la charge annuellede la dette au regard du PIB, c’est-à-dire de la richesse produiteannuellement. Et dans ce cas, on constate qu’elle représente autour de 2,5% duPIB.
Il n’est pas besoin de poursuivre plus avant pourcomprendre que, dans les conditions actuelles, l’endettement du pays est tout àfait supportable.
IV - Commentfaire face à la dette ? Sortir de la dictature des marchés financiers
Si tant est qu’en période de crise et de récession,il faille de surcroît réduire l’endettement plutôt que de relancerl’investissement, et par conséquent finir d’asphyxier la machine économique –comme on le voit en ce moment même en Grèce –, comment y parvenir ?
Laissons de côté le cas des États-Unis qui, avec ledollar comme monnaie internationale, font supporter à l’ensemble des pays dumonde la charge de leur dette en usant allègrement de la planche à billets. Ledollar est aujourd’hui de la monnaie de singe. Mais regardons plutôt le cas duJapon. Au Japon, l’endettement se situe aujourd’hui autour de 200% du PIB. Quiparle de la dette japonaise ? En toute logique le Japon – si l’on en croitnos distingués économistes et le chaos qu’ils nous promettent pour la Franceavec l’endettement actuel –, devrait être depuis longtemps en faillite. C’estqu’au Japon, contrairement à nos pays européens, la dette souveraine estdétenue par les Japonais eux-mêmes au travers de leur épargne. Pourquoispéculeraient-ils contre eux-mêmes ? En France, rappelons-nous car cen’est pas dans un passé si lointain, lorsque l’État avait besoin d’argent, ilémettait un emprunt sous la forme de Bons du Trésor. Nos concitoyens ayantquelques économies à placer se rendaient à leur perception et les achetaient.Au nom de quelle idéologie et sous quel gouvernement a-t-on décidé qu’ilfaudrait désormais que l’État se prive de cette facilité et qu’il serait dansl’obligation d’emprunter aux banques privées et sur les marchés internationaux,à leurs conditions ?
Et pour rendre incontournable ce recours auxbanques privées, qui a décidé d’interdire à la Banque centrale européenne deprêter directement des fonds aux pays membres ? Aujourd’hui, la BCE prêteaux banques privées à 0 ou 1% des fonds que ces dernières prêtent ensuite auxÉtats à 3 ou 3,5% pour les mieux notés. Pour les autres, comme la Grèce, à 16ou 18%, c’est-à-dire à des taux frisant l’usure et qui ne font que les enfoncerdavantage.
Qui a donc mis en place sinon les néo-libéraux quirégentent l’Union européenne avec la complaisance des socio-libéraux ce systèmehallucinant qui place les États sous la dictature des marchés financiers ?Jean-Luc Mélenchon l’a dit le 28 août au nom du Front de Gauche dans sondiscours de clôture du Remue-méninges de Grenoble, « les marchés financiers qui rassemblent tous les spéculateurs dela planète, ce n’est pas les rassurer qu’il faut, c’est leur briser les reinsavant qu’ils n’achèvent de nous ruiner et d’entraîner le monde à la catastrophe ».
Pour ce qu’il est nécessaire d’emprunter, notammentpour l’investissement, il faut abolir cette absurde réglementation, ce quipermettra à la fois de sortir de cette dictature des marchés et offrira desfonds à des taux raisonnables.
V –Pratiquer l’austérité ou partager les richesses ?
Mais pour le reste, il faut absolument s’occuper dela question des recettes. Il faut une réforme fiscale qui remette àcontribution égale le travail et le capital et qui répartisse équitablementl’impôt en fonction des revenus de chacun. N’est pas très loin non plus letemps où existait en France une tranche d’impôts à 65%. Cela fera fuir lesriches nous dit-on. Eh bien qu’ils s’en aillent. La richesse de ce pays, ellen’est pas comme on le croit trop souvent dans les mains de cette poignée deparasites. La véritable richesse, elle est entre les mains des hommes et desfemmes de notre pays. Elle est dans le haut niveau d’éducation de son peuple etdans son intelligence. C’est lui qui a conçu et fabriqué la fusée Ariane, leTGV et construit avec le concours des autres peuples européens une industrieaéronautique capable de rivaliser avec celle du pays le plus puissant du monde.Tous ces ingénieurs et tous ces travailleurs, il suffit de les mettre autravail sur les défis que nous avons à relever pour le siècle. C’est laplanification écologique d’un développement qui ne mettrait pas en périll’avenir de l’humanité. Pour cela, il faut la volonté de l’État au service del’intérêt général.
Pour que les choses changent, il faut avoir savoirdire non. Les Françaises et lesFrançais qui en 2005 ont dit non auTraité constitutionnel européen sont prêts à relever le défi. À la forfaiture de ce présidentvoyou qui a ainsi piétiné la volonté du peuple souverain, qui bafoue chaquejour les règles institutionnelles et trahit les idéaux républicains, nousdevons dire stop. Ça suffit comme ça ! »
Reynald Harlaut
Front de Gauche