Je reviens maintenant sur mon Tor des géants à moi... Il n'a pas duré très longtemps en terme de kilomètres parcourus (à peine 80) ni même de temps passé (à peine 24h...) sur le chemin, enfin si l'on considère qu'il aurait du m'occuper pendant 320 kms et plusieurs jours comme c'était initialement prévu.
J'ai en effet stoppé ma course, si on pouvait encore appeler ça une course, à Eaux-Rousses, après quelques bons cols mais au pied du point culminant du parcours (3300m!). J'ai ainsi pu voir un aperçu des beautés de ce parcours hors normes, et aussi de ses difficultés.
Je pensais bien, au départ, aller au bout de la course. Ca me chagrine donc un peu d'avoir stoppé. Et en même temps pas tant que ça non plus. Sur la ligne, j'avais tout de même de gros doutes: une douleur au talon (bursite) risquait bien de me gêner, la fatigue vraiment inhabituelle ressentie depuis le TOE (même si il me semblait que cela allait un peu mieux) et une certaine lassitude des courses (déjà dans mon esprit au Pérou...) ne faisait pas pencher la balance vers la "grosse perf" à venir!
Dès la première montée, j'ai bien senti que la forme n'était pas encore là, l'envie d'aller au bout de l'effort encore moins présente, par contre la chaleur, que j'ai souvent du mal à supporter, était elle bien présente. Arrivé à la Thuile, le premier ravitaillement important de la course, j'étais déjà à peu près cuit. Je serai même à point au col suivant. Plus moyen d'avancer, l'estomac en vrac et sur les portions raides, le tendon tiraillant. Rien d'engageant donc.
Le soir ne viendra pas améliorer les choses. J'ai un peu l'impression de revivre un mauvais remake de mon TOE d'autant plus que la pluie se met à tomber également. Un bel orage s'abat sur nous. Dans la descente vers, les éclairs ne sont pas loin du tout. La température a bien chuté, devenant presque plus clémente.Je descend à petite allure, rejoignant Wouter Hamelinck, blessé à la cheville (je le rencontrerai ensuite muni de béquilles dans Courmayeur) qui me demande ce que je fais là...
Je suis arrivé bien fatigué, en compagnie de Géraldine Leroy, qui m'avait rejoint dans le replat et sous des trombes d'eau, à la base-vie de . Là, je n'ai qu'une hâte: me changer et me reposer. Dormir parait un peu compliqué vu le bruit qui règne là, et je préfère donc, au bout d'un moment, essayer de manger pour repartir. Mais j'ai déjà plus ou moins l'impression que ça ne sera pas pour bien longtemps: je pense voler quelques heures de sommeil au refuge de l'épée un peu plus haut, après je verrai... Après un repas plus ou moins facilement avalé je repars avec mon ami Jean-Michel Touron dans la nuit valdotaine... Il fait frais, mais la pluie a cessé. Nous reprenons une allure très correcte mais au bout d'un petit moment je n'ai plus vraiment envie d'avancer. Lui semble motivé et pense dormir seulement demain matin. Mon estomac, malgré l'adjonction d'un médicament à la base, refait des siennes. C'est donc avec soulagement que j'atteins le refuge. Pas envie, cette fois, de lutter contre le sommeil.
Le lendemain matin, je repars. La nuit m'a porté conseil et j'ai décidé, vu mon état en repartant c'est mieux, de ne pas continuer après Eaux-Rousses. Il me reste donc deux cols à grimper. Je marche tranquillement mais sans énergie. Mon estomac toujours douloureux, le talon lui ne fait plus trop mal, c'est déjà ça...
Arrivé à Eaux-Rousses, je jette donc l'éponge. Sans trop de regrets donc. Il fait à nouveau très beau, mon estomac (il doit aussi y avoir une cause psychologique) me laisse enfin tranquille. Les coureurs qui sont avec moi à ce moment là me paraissent tout de même bien fatigués pour continuer ainsi pendant encore quatre ou cinq jours... Je croise Fabien Brusson, qui lui a l'air à peu près en forme. J'aurai bien continué un bout avec lui mais j'ai donné mon dossard et puis...
Et puis cet abandon me permet de réfléchir un peu à ma pratique et à mes aspirations!
Enchaîner toutes ces courses, pas seulement cette année, a sans doute des limites. Je les ressens clairement. Cette année, en plus, je n'avais pas vraiment d'objectifs sportifs dans tout cet enchaînement, particulièrement depuis mon retour d'Australie, les choses se suivant sans trop de "hiérarchie" entre reportages et invitations. Du coup ma motivation s'effrite sans doute. J'ai aussi du puiser beaucoup justement en Australie et sur le TOE, où j'ai tenu à finir mais dans un état tout de même pas très bon. Je n'ai donc plus autant envie d'être dans un peloton, de pousser un effort compétitif, d'autant plus qu'avec la fatigue je ne suis guère performant et c'est tout de même moins plaisant dans ce contexte là.
Je vais donc, d'un point de vue sportif, laisser couler tranquillement la fin de l'année en prenant les épreuves comme je les sens, en essayant surtout de bien profiter des moments offerts par ces beaux voyages tout de même! De ce point de vue, les jours suivant sur le Tor furent très agréables: une belle balade dans la montagne au lendemain de mon arrêt avec le groupe des journalistes présents, j'ai également effectué une belle descente avec un Christophe Le Saux déchainé et alors en tête, un excellent repas convivial à Aoste, puis le mercredi nous grimpons au-dessus de Bertone avec Lucas (Humbert, vainqueur du TOE) pour escorter un Christophe cette fois en piteuse état mais toujours vaillant jusqu'à Courmayeur. C'est parfois pas mal aussi de profiter différemment de l'évènement!
En tous cas, ce petit tour sur le Tor me fait réfléchir et m'incite à faire les choses différemment l'an prochain: ça tombe bien, c'est déjà prévu! J'ai en effet déjà des objectifs personnels- un peu différents aussi- clairement définis pour 2012, dont je vous parlerai bientôt!!!