Les militants et sympathisants de gauche sont invités à désigner les 9 et 16 octobre leur candidat à la présidentielle de 2012 parmi six candidats : Martine Aubry, Jean-Michel Baylet, François Hollande, Arnaud Montebourg, Ségolène Royal et Manuel Valls.
SI bon nombre d’électeurs de gauche se disent favorables à ce processus, d’autres y voient, au contraire, l’importation du modèle américain avec toutes ses dérives.
Mais qu’on le regrette ou non, cette consultation inédite constitue une première politique en France. Cela débouchera-t-il sur une puissante dynamique en faveur du PS ? En tout cas, au vu des critiques rageuses de l’UMP, on est tenté d’y voir plutôt une formule qui présente certes des inconvénients mais aussi quelques bénéfices pouvant contribuer à rénover la gauche…
Petit tour d’horizon des candidat-e-s en commençant par les dames…
Martine Aubry
Elle a été élue première secrétaire du PS lors du dernier congrès de Reims avec 67.451 voix contre 67.349 à Ségolène Royal, soit 102 voix de différence. On ne saura vraisemblablement jamais quel était le résultat réel de ce vote, tant les tricheries ont été nombreuses dans les deux camps.
Mais son plus grand handicap aujourd’hui est sans doute de s’être pacsée avec DSK à Marrakech et après l’affaire du Sofitel de New-York, d’apparaître comme une simple candidate de substitution. Ce dernier point pèsera lourd sans doute dans la balance au moment du choix… D’autant que sa dernière déclaration, après le non-lieu prononcé à New-York, est particulièrement indécente : « C’est pour moi un immense soulagement. Je suis très heureuse pour Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair. Je le dis profondément. Je pense que nous devons réfléchir dans ce moment, à la vérité des faits, au respect des personnes, des victimes ou des coupables présumés et au respect de la justice. J’espère que ceci nous amènera aussi à respecter la parole de Dominique Strauss-Kahn, à le laisser faire ce qu’il souhaite le plus, c’est à dire, revivre normalement et s’exprimer au moment où il le décidera. »
Soutenue par l’aile gauche du parti et Benoît Hamon, sa ligne politique est plutôt ambiguë, ce qui fait dire à de mauvaises langues qu’elle fait penser quelquefois à feu Guy Mollet…
Le problème des alliances est d’ailleurs révélateur à ce sujet. La première secrétaire du PS s'est imposée à l'issue du dernier congrès en rejetant toute alliance avec les centristes : sa priorité était de rassembler la gauche en vue d'un pacte de coalition pour 2012.
Mais lors des dernières municipales, Martine Aubry et ses amis n’ont pas hésité à s’allier avec le Modem pour conquérir des municipalités ! Ainsi, à Lille, elle a conclu un accord avec le MoDem local. Ce qui est serait valable dans les municipalités dont Lille, ne serait donc pas valable au plan national ! Drôle de raisonnement politique tout de même !
Aujourd’hui, essayant de refaire son retard dans les sondages sur François Hollande, elle fait feu de tout bois et n’hésite pas d’ailleurs à contredire certains de ses propos antérieurs sur de nombreux sujets…
Ségolène Royal
Elle fait souvent explicitement référence au christianisme comme on peut en juger, citant faussement Jaurès en 2008 : « Même si les socialistes éteignent un moment toutes les étoiles du ciel, je veux marcher avec eux dans le chemin sombre qui mène à la justice, étincelle divine, qui suffira à rallumer tous les soleils dans toutes les hauteurs de l’espace ».
Mais si Jaurès appelait à dépasser la religion, à “éteindre un moment les étoiles du ciel”, pour mieux construire la Justice, valeur socialiste et laïque, Ségolène Royal fait exactement le contraire en faisant explicitement référence à une mystique de la résurrection.
Ségolène Royal, c'est aussi la démocratie de l'opinion, championne des propositions de réformes sociétales. Mais son féminisme satisfait surtout les classes supérieures, qui conçoivent le couple comme l'union de deux individus libres sans enjeu économique réel. En réalité, qui veut fuir souvent la réalité économique en activant les valeurs sociétales, la sécurité et les questions d'identité, finit toujours par faire le jeu de la droite…
Sue le plan des alliances, à plusieurs reprises, la présidente de Poitou-Charentes a proposé de rassembler les électeurs «de l'extrême gauche jusqu'aux gaullistes» pour battre Nicolas Sarkozy. Déjà, dans l'entre-deux tours de la présidentielle de 2007, la candidate socialiste avait proposé à François Bayrou de devenir son premier ministre en venant sonner en bas de sa porte d’entrée d’immeuble mais en vain…
L'idée d'un rapprochement avec le MoDem était déjà au centre des clivages lors du Congrès de Reims, en 2008, entre la motion défendue par Ségolène Royal et les autres tendances du parti. Fidèle à sa stratégie d'ouverture, Ségolène Royal a intégré cinq partisans de François Bayrou dans sa liste aux régionales. Aujourd'hui, en difficulté dans les sondages et minoritaire dans l'appareil socialiste, elle mise sur le rassemblement transpartisan pour se relancer…
François Hollande
C’est le 31 mars à Tulle que François Hollande a présenté officiellement sa candidature à l'élection présidentielle. Un cheminement et une date qui compteront assurément pour lui car il n’a pas attendu l’affaire du Sofitel pour se déclarer candidat à la primaire, contrairement à Martine Aubry.
Sur le plan programmatique, il réaffirme chaque fois qu’il en a l’occasion sa principale priorité qui est celle d’une grande réforme fiscale avant toute chose :
« Pour des impôts justes, je propose de taxer tous les revenus sans distinction d’origine et rétablir la progressivité de l’impôt. Les revenus du patrimoine seront imposés selon le même régime que les revenus du travail. Cela suppose de supprimer les déductions, les abattements, les exonérations, les niches fiscales pour faire qu’au premier euro, la règle d’imposition soit la même pour tous.
Il n’y aura plus qu’une seule imposition : CSG et impôt sur le revenu seront fusionnés pour devenir un seul impôt citoyen, payé par tous et prélevé à la source.
L’élargissement de la base sur laquelle porte l’impôt, l’intégration de la prime pour l’emploi (PPE) et la transformation du quotient familial en un crédit d’impôt d’un montant forfaitaire ne dépendant plus du montant du revenu permettront d’effectuer une redistribution en faveur des revenus les plus faibles, qui verront leur pression fiscale baisser.
Il sera alors possible de supprimer la taxe d’habitation particulièrement injuste et de la remplacer par un impôt local sur le revenu assis sur la même assiette que l’impôt citoyen. Les collectivités locales conserveront la liberté de fixer les taux ».
Une réforme fiscale d’ampleur permettrait en effet tout à la fois de mieux lutter contre la dette vertigineuse et les déficits publics abyssaux et d’aller vers une société un peu plus juste en réduisant notamment la part démesurée prise par les impôts indirects (82% des recettes fiscales contre 18% seulement pour les impôts sur le revenu) qui fait de la France l’un des pays les plus inégalitaires d’Europe.
Mais François Hollande, s’il remporte la primaire puis l’élection présidentielle 2012 pourra-t-il mener à bien cette réforme essentielle dans les tous premiers mois de son mandat ? Adepte par le passé des synthèses plutôt molles, il aura tout intérêt à être vigilant et se garder de ses amis politiques, notamment strausskasiens. On se souvient en effet que cette réforme n’a jamais été entreprise sous le gouvernement Jospin, lorsque DSK ou Laurent Fabius étaient ministres des finances…
Au plan des alliances, le député de Corrèze estime qu'«un parti ne doit pas gouverner seul. Au second tour de l'élection, tous ceux qui voudront nous rejoindre sur la base des propositions que j'aurai faites, si je suis désigné, seront les bienvenus »
François Hollande a évoqué à plusieurs reprises ses positions communes avec François Bayrou, notamment sur la question de la dette. En 2009, l'ancien premier secrétaire du PS proposait déjà au président du MoDem une «clarification des convergences et des divergences» et d'en «tirer les conclusions» qui s'imposent...
Arnaud MontebourgLa démarche politique d’Arnaud Montebourg, c'est le retour au politique et l'appel aux citoyens. A son actif, depuis quelques années, la rédaction d'une nouvelle constitution au sein de l'association Convention pour la sixième République (C6R), qu'il a fondée officiellement le 2 mai 2001, avec notamment l'éditeur et politiste Guy Birenbaum. Dans cette constitution, les pouvoirs du président de la République seraient limités à des pouvoirs d'arbitrage, les pouvoirs de décision revenant à un Premier ministre mieux contrôlé par un Parlement aux pouvoirs renforcés.
Pendant la campagne du référendum sur le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe (2004-2005), il est partisan du « Non » mais ne prendra pas part à la campagne comme la plupart des autres dirigeants socialistes tenants de cette position (Laurent Fabius, Jean-Luc Mélenchon, Henri Emmanuelli), se soumettant au résultat du référendum interne du parti socialiste. C’est cependant aujourd’hui le seul candidat à la primaire socialiste à avoir été partisan du Non en 2005 et à parler ouvertement de démondialisation.
« Si je suis élu Président de la République, la première des lois que je demanderai au Parlement d'adopter en urgence sera une grande loi de protection de notre économie qui réduira la dépendance à l'égard de la finance, réduira la dette et reprendra le contrôle du système financier.
La première de ces mesures sera simple : Prohibition, sous peine de confiscation des avoirs et de perte de licence des établissements bancaires, de toute forme de spéculation par les établissements financiers avec l'argent de leurs clients.
La deuxième mesure consistera en la fermeture des filiales des établissements financiers situés dans les paradis fiscaux, avec rapatriement obligatoire des avoirs appartenant aux ressortissants français sur le sol national, avec non opposabilité du secret bancaire.
La troisième mesure que je propose relève du bon sens et a été appliquée avec succès dans le passé : séparation obligatoire des activités entre banques de dépôts et banques d'investissement.
La quatrième mesure de mon projet est la mise sous tutelle des établissements bancaires exerçant sur le sol national, sans indemnité du trésor public, avec entrée dans le conseil d'administration de représentants du gouvernement, des usagers du crédit entreprises et ménages, et les salariés de la banque.
Autre mesure que je propose aux Français dans cette campagne : l’abrogation des pouvoirs des autorités administratives indépendantes chargées de la surveillance des institutions et des marchés financiers et transmission de leurs pouvoirs au Ministre de l'Economie et des Finances…
Pour être efficace dans la lutte contre la dette, voici ma 6ème mesure de sécurisation de l’économie : Création d'une taxe sur les transactions financières de 0,1 % au plan national en cas de non création d'une telle taxe au plan européen, afin d'assurer le remboursement de la part de la dette de la République française constituée dans la crise financière.
Ma septième proposition est l’obligation d'investir tout ou partie de l'épargne collectée par le système bancaire dans l'économie nationale ou européenne ».
En ce qui concerne les alliances, il exclut toute coalition avec le centre. «Je pense qu'il n'est pas nécessaire de construire d'alliance avec des partis pour bâtir une majorité présidentielle», expliquait-il en mai dans un chat sur LeMonde.fr. Et d'ajouter, sans ambages : «Je ne crois pas que le centre existe».
Concernant l’affaire DSK, le député de Saône-et-Loire a le mérite d’être très clair contrairement aux autres candidats socialistes : «Puisqu'il a fait des excuses au FMI, il serait bien avisé d'en faire aux socialistes et au peuple de gauche, et ensuite de garder le silence», a-t-il affirmé à l'AFP.
Et depuis la mise en examen le 8 septembre de Jean-Noël Guérini pour "association de malfaiteurs", il semble plus remonté que jamais. Pendant des mois, il était seul à exiger que le PS nettoie les écuries d'Augias marseillaises. Aujourd'hui, la plupart des caciques réclament que Jean-Noël Guérini soit suspendu des instances nationales et quitte la présidence du Conseil Général…
Mais Arnaud Montebourg donne souvent l’impression de céder à la flambée des sondages et les chemins qu'il emprunte sont quelquefois très sinueux. C’est ainsi qu’en 2007, il soutenait Ségolène Royal, béni oui-ouiste de la plus belle eau au TCE en 2005. Candidat à la primaire, il roule maintenant pour lui-même afin de se placer dans la meilleure posture pour gagner demain un poste de ministre, si la gauche arrive au pouvoir, avant peut-être de commencer à labourer pour 2017…
Manuel Valls
Il est classé à l'aile droite du PS et se définit d’ailleurs lui-même comme « blairiste », notamment pour ses positions sur la sécurité et la responsabilité individuelle.
En 2002, il s’est opposé au magasin Franprix d'Evry qui entendait ne vendre que des produits hallal. Il se déclare favorable aux « quotas » d'immigration, approuve l'allongement de la cotisation retraite à 41,5 ans à condition que l'on imagine un départ « à la carte », selon la pénibilité des carrières, et regrette les « fatwas anti-OGM » et antinucléaires.
En 2005, lors du référendum sur le TCE, il se distingua par une valse hésitation entre le Non et le Oui. A plusieurs reprises, tantôt Non, tantôt Oui, il optera finalement pour la position majoritaire du PS en faveur du Oui.
Au congrès de Reims en novembre 2008, il soutient Ségolène Royal. Suite aux contestations des résultats, il réclame l'arbitrage des tribunaux sur les suspicions de fraude électorale dans les fédérations du Nord et de la Seine-Maritime favorables à Martine Aubry. Il s’est prononcé pour l'augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : « Une politique fiscale devra passer par une augmentation de la TVA », comme si les impôts indirects, touchant d’abord les gens modestes, n’étaient pas assez lourds en France…
A l'été 2011, il déclare que « des hommes et des femmes comme Dominique de Villepin, François Bayrou ou Corinne Lepage, pour ne citer qu'eux, peuvent faire partie, s'ils le souhaitent, d'une majorité de large rassemblement ».
Point d’orgue, le 26 août 2011, le très libéral magazine britannique The Economist critiquant les propositions archaïques et datées de la plupart des candidats, ne cache pas sa préférence pour Manuel Valls, crédité d'une "vision moderne de la gauche qui est rafraîchissante". Dans son éditorial, l’hebdomadaire encense le député et maire d'Evry, qui est à ses yeux le meilleur choix pour la gauche en l'absence de DSK. Tout un programme…
Jean-Michel Baylet
Seul candidat non socialiste, président du Parti radical de gauche (PRG) et curieusement dispensé du nombre requis de signatures pour se présenter à la primaire, il a longtemps laissé planer le doute sur son choix pour 2012 avant de décider de sa participation à la primaire.
Il est vrai que le PS a d’autant plus accepté facilement ce candidat que le syndrome du 21 avril 2002 est présent dans toutes les mémoires et que Jean-Michel Baylet, s'il perd à la primaire, assure qu'il se ralliera au candidat socialiste désigné.
Après s'être rapproché de Jean-Louis Borloo, au moment de la création de l'Alliance centriste et en cas d'alliance avec le centre, il pourrait alors servir de relais entre le PS et les radicaux, dont il reste proche.
Mais il n’a jamais véritablement rompu les ponts avec Nicolas Sarkozy qui a toujours en ligne de mire le parti radical de gauche à qui il fait souvent les yeux doux. Première attention en mai 2009: l’abaissement du nombre de députés requis (de 20 à 15) pour constituer un groupe à l’Assemblée nationale. Ce cadeau aux radicaux de gauche n’était pas gratuit. Il venait récompenser le vote-soutien des radicaux de gauche, en juillet dernier, à la réforme de la Constitution souhaitée par Nicolas Sarkozy. « Les radicaux de gauche nous ont filé un coup de main », raconte un responsable de la majorité, « à nous de leur faire un petit geste »
Mi-mai dans le journal Le Monde, Jean-Michel Baylet savourait « La prochaine majorité sénatoriale dépendra beaucoup de la position que nous prendrons. Ce qui est loin de nous contrarier ».
Et fin août,Rue89 révélait que le candidat à la primaire est mis en examen depuis 2009 pour prise illégale d'intérêt et délit de favoritisme dans des affaires concernant la gestion du département du Tarn-et-Garonne, qu'il préside…
En conclusion, faut-il aller voter à cette primaire ? Faut-il y aller même si l’on n’est pas adhérent ou sympathisant du Parti socialiste ?
Si l'objectif principal est d’abord de battre Nicolas Sarkozy, candidat de droite qui n'aura jamais autant dégradé les finances publiques par une réduction de certains impôts bénéficiant seulement à une minorité de contribuables aisés, c’est alors une nécessité aujourd’hui d’aller désigner le candidat de gauche qui semble le mieux placé pour battre le président sortant…
Le vote de la primaire aura lieu en deux tours, si aucun des candidats ne dépasse 50% au premier tour. Les deux tours se dérouleront les dimanches 9 et 16 octobre 2011.
Pourront voter tous les citoyens français inscrits sur les listes électorales avant le 31 décembre 2010. Il suffira de s'acquitter d'une participation au frais d'organisation de 1 € minimum et de signer une charte d'adhésion aux valeurs de la gauche.
Pour retrouver son bureau de vote : http://www.lesprimairescitoyennes.fr/
Photo Créative Commons : primaire socialiste par Webstern Socialiste (http://www.flickr.com/photos/webstern/5887468564/)
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