Mes ami(e)s (ce n’est qu’une figure de rhétorique, nous n’avons pas gardé les moutons ensemble même si nous les observons régulièrement dans cette chronique), l’heure est grave. La France serait gravement malade. La vieille carne, qui s’est relevé de tous les outrages que lui ont infligés nos ennemis héréditaires anglais et allemands, serait en phase terminale. Ainsi l’éminent cancérologue Laurent Wauquiez avait qualifié l’aide sociale, qu’en langage de droite on nomme assistanat, de métastase qui grignoterait les vertueuses cellules de notre pays bien-aimé. Et hier, le grand chirurgien Marc Philippe Daubresse envisageait un traitement de choc qui consisterait à faire travailler de force les tumeurs malignes pour les empêcher de nuire.
Du haut de sa chaire, l’expert toise de façon méprisante l’apprenti carabin et lui assène ses jugements sans appel. Mais comme il nous appartient à tous de voler au secours de notre mère Patrie (c’est la dernière fois que j’emploie ce pléonasme absurde qui signifie notre mère l’ensemble de nos pères), livrons-nous, disais-je avant d’être interrompus par nos pères efféminés, à une petite expérience scientifique. Saisissons-nous d’un assisté, qu’on appelle aussi cas social. Pour le trouver, nul besoin de nous rendre dans une de ces sordides banlieues où l’on risque de se faire dépouiller comme au coin du bois. Rendez-vous à proximité d’une agence de Pôle Emploi ou près d’une Caisse d’Allocations Familiales. A première vue, rien ne distingue l’assisté de l’honnête travailleur. En effet, depuis que la valeur-travail est revenue à la mode, le salarié est aussi pauvre que l’assisté, car conformément à l’adage qui veut que ce qui a un prix n’a pas de valeur, plus la valeur du travail s’apprécie, plus son prix baisse. Munissez-vous donc d’un pack de bière et de résine de cannabis pour attirer un individu jusqu’à votre canapé en imitant le cri de l’assistante sociale, car l’assisté est chafouin et paresseux et ne saura résister aux promesses de l’ivresse, de l’oisiveté et du butin acquis à moindre effort. Une fois le spécimen installé et passablement assoupi par la drogue, assénez-lui sur la nuque un coup du premier objet contondant qui passera à votre portée. Pour éviter tout risque de contamination, jetez la housse de votre canapé à la machine à laver et votre assisté dans l’eau bouillante. Après une heure de cuisson, ouvrez l’abdomen de votre cas social, recensez ses organes et analysez son ADN. A notre grand étonnement, aucune différence ne se fait jour avec le bipède salarié ordinaire. Certes, le chômage a décru d’une unité, mais notre assisté est tout bouillu tout foutu. Les professeurs Wauquiez et Daubresse se seraient-ils moqués de nous?
La science d’Esculape n’ayant rien donné, penchons-nous sur les comptes bancaires de madame France. L’ensemble des prestations versées au titre du « retour à l’emploi » représente en gros 35 milliards d’euros, les niches fiscales en représentent déjà 150, dont au moins 50 sont jugées inutiles; les exonérations de charges sur les heures supplémentaires, la baisse de la TVA sur la restauration qui n’ont pas créé le moindre emploi, ne seraient-ce pas aussi des formes d’assistanats, qui plus est sans aucune contrepartie? Le bouclier fiscal qui ne protégeait que les très hauts revenus, n’y aurait-il pas là aussi un léger abus des deniers publics? Un ministre du Travail qui est bien rémunéré alors que l’Elysée prend la moindre décision n’est-il pas un cas social qui plombe les comptes de la Nation? Un député qui ne brille pas par son temps de présence sur les bancs de l’Assemblée n’est-il pas un paresseux qu’il faut d’urgence réintégrer au marché du travail? Un Président qui fait financer sa campagne électorale par des chefs d’Etat africains et une vieille rombière fortunée montre t-il l’exemple? D’autre part, la France a déjà connu une baisse alarmante du niveau de qualification du travail du fait de la précarité des contrats, alors quels emplois faire occuper pendant sept heures hebdomadaires aux allocataires du RSA? Une chronique pour attardés mentaux dans l’émission de Laurent Ruquier, le quasi-homonyme du fantômatique ex-ministre du Travail? Un prime-time bas de plafond sur Direct 8? Une petite pige en Syrie quand on y enverra des troupes? Un intérim de colleur de ciment sur les centrales nucléaires trouées de Bouygues à Flamanville? Ou le sempiternel contrat unique d’insertion qui est à la réinsertion professionnelle ce que le sparadrap est à la fracture ouverte avec hémorragie interne? On le voit, avec des médecins pareils, la France n’est pas encore sur la voie de la guérison.
Dans un prochain épisode, nous nous réjouirons du fait que MM. Wauquiez et Daubresse n’iront pas faire valoir leurs droits à l’allocation au retour à l’emploi si leur patron met la clé sous la porte en 2012 et n’iront pas grossir les rangs des cellules dégénératives qui tuent la société à petit feu, puisqu’ils s’empresseront d’aller pantoufler dans le privé.