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La crise et la plaie des demi-savants

Publié le 15 septembre 2011 par Copeau @Contrepoints

La pensée de « demi-savant », dominante parmi nos gouvernants, nos banquiers centraux et nos professeurs d’université, ne résiste pas à l’épreuve du bon sens et des faits historiques.

Par Daniel Hannan, depuis Oxford, Royaume-Uni

Pendant près d’une décennie, d’irréductibles barbus tapis dans des endroits reculés de l’Amérique nous ont répété que la fin du papier-monnaie était proche, et que le temps était venu d’acheter des métaux précieux, tandis que les économistes raffinés, écrivant pour le Financial Times, affirmaient que l’or était grossièrement surévalué. En définitive, il s’avère que si vous aviez écouté les austères campagnards, vous seriez plus riche que vous ne l’êtes actuellement. Une fois de plus, les « experts » se sont lamentablement trompés.

Les adeptes du keynésianisme versent souvent dans un prêche moralisateur à courte vue. Quand je blogue sur l’Europe, le régionalisme ou la politique du parti conservateur, les réactions négatives ne s’élèvent que rarement au-delà de l’insulte : « Faites taire ce *** d’Hannan ». En revanche, lorsque je m’attaque au niveau de la dette, les commentaires font plus souvent état de mon manque évident de culture économique.

C’est ainsi que Stefanjohn – lecteur choisi plus ou moins au hasard – nous dit que, « historiquement, réduire la dépense publique lors d’une récession ne fait pas croître l’économie, ce qui augmente le ratio Dette/PIB. Les économistes de droite ignorent souvent l’histoire économique dans leurs arguments, vu qu’elle se range rarement à leurs vues. »

De la même manière, citons Huwjordan qui, sur Tweeter, se demande « Comment Daniel Hannan peut-il pondre un article pareil ? Il ferait mieux de retourner au lycée étudier la crise de 1929 ! »

Vous m’avez démasqué, Huwjordan. Je n’ai pas étudié l’économie au lycée, c’est vrai, ce qui ne m’a pas empêché de le faire par la suite. Cela dit, je suis sûr que si j’avais étudié la crise de 1929 au lycée, on m’aurait enseigné que Roosevelt s’est extrait de la récession par la dépense publique : c’est ce que tous mes autres livres de classe affirmaient.

Le souci avec cette version des événements, c’est qu’elle suppose que l’on mette de côté une grande partie des actions de FDR. Il s’était mis en tête, par exemple, que l’une des causes de la Grande Dépression était la persistance de faibles prix agricoles. Par conséquent, il tenta d’augmenter les revenus des agriculteurs en ordonnant l’éradication des stocks de denrées alimentaires. Vous avez bien lu : alors que le peuple faisait la queue aux soupes populaires, des agents fédéraux saisissaient et détruisaient des aliments sains.

Quelles étaient les raisons de la faim qui touchait alors le pays ? Celle-ci s’explique en partie par le fait que le New Deal encourageait le capitalisme de copinage, en dissuadant les entreprises d’employer des salariés (à travers les privilèges attribués aux travailleurs syndiqués) et en les encombrant d’une lourde régulation. En 2004, deux économistes de l’Université de Californie – Los Angeles (UCLA), Harold Cole et Lee Ohanian, menèrent à son terme une importante étude dont les conclusions font état de sept années de prolongation de la récession par le New Deal :

Le président Roosevelt croyait qu’une concurrence excessive avait causé la crise, en réduisant les prix et les salaires, et par extension en diminuant l’emploi et la demande pour les biens et services. Il se présenta avec un plan de retour à la prospérité qui serait inimaginable aujourd’hui, autorisant les entreprises de tous les secteurs à s’entendre sans crainte de poursuites pour atteinte à la concurrence, et les travailleurs à exiger des salaires supérieurs de 25% à ce qu’ils auraient normalement dû être en tenant compte des seules forces du marché. Les acteurs de l’économie s’attendaient à une belle reprise, mais celle-ci était empêchée par de mauvaises politiques.

Qu’aurait-il dû faire à la place ? Eh bien, le gouvernement britannique, contrairement à son homologue américain, a réagi à l’effondrement économique par la réduction des dépenses publiques. Pour quels résultats ? Le décennie 1930 fut la plus prospère de l’histoire de la Grande-Bretagne. Vous doutez de ce que j’affirme ? Vous pensez que l’époque était celle de personnes affamées manifestant dans les rues ? J’ai bien peur que ça ne soit une conséquence de l’enseignement de l’histoire de la crise de 1929 au lycée.

La pensée keynésienne, dominante parmi nos gouvernants, nos banquiers centraux et nos professeurs d’université, ne résiste pas à l’épreuve du bon sens. La plupart d’entre nous comprend que, lorsque l’on s’endette, la solution réside dans la réduction de ses dépenses, et non dans leur augmentation. La plupart d’entre nous comprend que l’on ne peut pas continuer à consommer sans produire quoique ce soit, au moins pas sur le long terme. La plupart d’entre nous saisit que, lorsque l’inflation dévalue la monnaie dans laquelle nous somme payés, nous nous faisons avoir.

Il faut être économiste ou homme politique pour ne pas voir ces choses !

Tomáš MasarykTomas Garrigue Masaryk, le philosophe qui devint le premier président de Tchécoslovaquie, avait l’habitude de se plaindre des effets pervers du « demi-savoir ». S’étant extrait de la pauvreté pour devenir professeur, Masaryk était on ne peut plus conscient du danger qu’il y avait à posséder juste assez de connaissances pour se sentir au-dessus du lot de l’humanité. Ces « demi-savants » sont friands de toute les lubies intellectuelles qui pourraient leur servir pour prouver leur supériorité.

Il en est ainsi de la pensée économique dominante de notre époque. Vous ne voyez pas comment les États peuvent résoudre leurs problèmes de dettes en empruntant encore plus ? Vous n’êtes qu’un ignorant ! Vous avez dû réduire vos propres dépense, et pensez que le gouvernement devrait faire de même ? Vous ne comprenez rien à l’économie! Vous vous inquiétez du niveau de la dette que nous laissons à nos enfants ? Retournez donc bachoter votre économie au lycée !

Il en va ainsi des experts qui matraquent leurs opposants alors qu’ils continuent d’endetter l’État, acceptant des prêts de régimes peu fréquentables, détruisant notre réputation. Je ne peux pas m’empêcher de penser : s’il sont si malins, pourquoi sommes-nous à l’heure actuelle dans un tel bourbier ?

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Sur le web.
Traduction: Ludovic Lea.


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