Ces bonnes idées Que Le Monde Nous Envie
Nous avions vu depuis le début de la semaine que la bourse (et les méchants spéculateurs) s’acharnent sur les banques françaises. Ces dernières vingt-quatre heures nous auront permis de voir que, décidément, rien n’arrête les traders assoiffés de la misère des petites gens et qu’ils continuent de pilonner la Société Générale, BNP Paribas et le Crédit Agricole. Pourtant, ces banques sont solides, non ?
Une situation un tantinet tendue
Certes, on sait depuis un moment que ces banques ont inconsidérément gobé de la dette grecque. Leur bilan s’est donc trouvé grévé de ces lourdes erreurs qu’il leur fallait éliminer au plus vite. Et franchement, les choses ne se sont pas si mal goupillées puisque la BCE s’est justement mise à racheter ces bons plus ou moins pourris, les clefs de bras des européens du Sud sur les européens du Nord ayant abouti à un accord serein.
Tout est bien qui finit bien en Euroland : les banques françaises sont donc sauvées.
Et alors qu’on entend déjà le tintement cristallin des coupes de champagnes se choquant légèrement dans des toasts portés à la bonne santé générale de nos solides institutions financières, on vient d’apprendre qu’en réalité, tous comptes faits, les banques françaises n’ont pas profité du répit offert entre mai 2009 et juillet 2011, mais … ont repris deux fois des nouilles toxiques, avec beaucoup de sauce.
Oui. Vous avez bien lu : après analyse, on se rend compte que l’exposition des banques françaises aux bons du trésor des valeureux pays européens surendettés a progressé par rapport au quatrième trimestre 2010 de plus de 17 milliards d’euros, portant le total à un roboratif 470 milliards d’euros.
Plus intéressant encore, les banques allemandes ont, quant à elles et dans le même temps, diminué de 7,5 milliards d’euros leur exposition aux créances douteuses, ramenant leur propre total à 395 milliards d’euros.
Et lorsqu’on lit ce genre de petits tableaux parfaitement éclairants : …
… on comprend mieux la moiteur de certaines petites mains qui passent les ordres actuels de ventes massives des titres SoGé, BNPP et CNCA… Et on comprend aussi que la situation des banques n’est pas du tout du tout stable, même si les seconds couteaux de Sarkozy continuent de l’affirmer avec la véhémence de dentistes moyenâgeux ; pire, leurs déclarations lénifiantes ont désormais un effet anxiogène et transpirent le mensonge par tous leurs pores.
Cependant, rien n’est perdu !
Mais rassurez-vous, la France n’a pas abattu sa dernière carte, et loin s’en faut, même ! Jadis, nous n’avions ni pétrole, ni idées. De nos jours, c’est l’abondance. Enfin, disons qu’on a maintenant un peu de pétrole (au large de la Guyane) mais on a surtout, toujours, d’excellentes idées !
La situation est donc périlleuse, mais gageons que nous pourrons sortir de l’ornière. Et la solution, dans le cas bancaire, s’appelle Nationalisation, bien évidemment.
Certes, pour le moment, c’est bien sûr totalement exclu. Mais bon, on y pense de plus en plus furieusement au point de l’avoir même chiffrée : le ticket, 20 milliards — au cours du jour ? — semble presque modeste devant les mises habituelles de sauvetages diverses qui frisent le rigolo aux fers chauds.
D’où les vibrants appels de plus en plus humidifiés par les larmes nombreuses du désespoir qui s’empare des hommes qui connaissent la solution des maux qui nous tracassent et qui font rien qu’à nous embêter.
Et vas-y qu’on nous fournit, en plus d’une petite intro presque humoristique (« La banque est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des banquiers.« ) trois bonnes raisons de nationaliser tout le bazar.
Première raison : il n’y a plus aucun actionnaire qui veut recapitaliser ces trois banques qui puent. Il faut donc que ce soit l’État qui s’y colle. Bah oui. Comme personne n’en veut, c’est que c’est un coup fumant à faire ! Et si le contribuable — qui joue aussi en bourse, au travers de ses SICAV, assurances vies, plans d’épargnes entreprise, et que sais-je — n’en veut pas en tant qu’actionnaire, qu’à cela ne tienne : l’État sait ce qui est bon pour lui, même si ça sent un peu le poisson laissé au soleil trois jours durant. Et l’État peut donc acheter avec l’argent de ces bons contribuables mais mauvais actionnaires.
La deuxième raison évoquée dans l’article est tout à fait judicieuse, et je la cite parce que sinon on va encore me dire que j’exagère :
l’Etat doit avoir une politique de gestion de son patrimoine très avisée, consistant à gérer sa dette au mieux, mais surtout à faire fructifier ses actifs.
Et je dois dire que je suis tout à fait d’accord mais que l’historique général en matière de gestion de la dette, du côté de l’État Français, laisse comme qui dirait très légèrement à désirer. Quant à la partie « faire fructifier ses actifs« , on ne pouffera pas parce que nous sommes des gens biens et qu’on ne voudra pas se rappeler du temps où un ministre de l’économie du nom de Sarkozy vendait des centaines de tonnes d’or alors qu’il était au plus bas sur le marché.
Fructification d’actif qui casse des briques, et gestion avisée d’une dette qui nous plonge dans la situation qu’on connaît, donc. On comprend que ce sont des arguments en béton armé avec du Bouygues (et du Dassault, et du etc…) dedans.
Enfin, vient la troisième raison, tout aussi pertinente que les deux précédentes : l’Etat doit nationaliser à tour de bras parce que ça va stabiliser tout le bobinard. C’est une évidence : les états qui se sont endettés jusqu’à la faillite et ont créé une instabilité économique historique sont les plus à même de rattraper la situation, devenir sobres et rétablir la confiance dans la monnaie qu’ils impriment comme des fous. Logique imparable.
Une solution qui a déjà fait ses preuves !
Et puis, ce n’est pas comme si nationaliser n’était pas une opération totalement inconnue ! La France a déjà testé avec brio cette solution novatrice et pleine de bénéfices retentissants.
D’une part, on est assuré de la réussite de l’opération, puisque les winners qui dirigent les banques françaises sortent, quasiment tous, de l’ENA : Frédéric Oudéa (Société Générale), Baudouin Prot (BNP Paribas), Pierre Mariani (Dexia), François Pérol (BPopulaire – Caisse d’Epargne), Michel Pébereau (BNP Paribas), Michel Lucas (Crédit Mutuel), Patrick Werner (La Banque Postale), Etienne Pflimlin (Crédit Mutuel), tous sortent de ce moule magnifique qui nous aura donné l’élite qu’on connaît, qui dirige la France d’une main assurée vers un précipice sombre et putride. On peut déjà leur faire confiance rien qu’à leur CV.
Et d’autre part, l’Histoire (récente) des nationalisations bancaires donne une bonne idée de la pétulance que ça va provoquer dans le milieu. Rappelez-vous, début des années 80 : les banques sont nationalisées. Début des années 90, la plupart sont au bord de la faillite, le secteur a rétréci de 50%, le Crédit Lyonnais enquillera pertes sur pertes, sera renfloué à de multiples reprises, toujours par le contribuable, pour un montant total d’environ 15 milliards d’euros, dont 240 millions pour Tapie (heureux ?), et le Crédit Foncier s’enfoncera de 2 milliards.
On peut le dire : le management par l’ENA, c’est du grand art et lorsqu’il est appliqué aux nationalisations bancaires, on effleure du doigt le sublime chapellesixtinesque de la catastrophe économique coûteuse.
Pas de doute, cette idée de Nationalisation Bancaire Tous Azimuts, c’est de la bombe atomique !
Et des idées comme celle-là, la France de l’UMP et du PS en a des cartons pleins, des caisses et des caisses !
Prenez l’immobilier. Il est dit qu’il n’y a que deux choses réellement efficaces pour détruire toute une ville : le bombardement, ou le contrôle des loyers. Eh bien notre gouvernement a choisi la solution la plus hypocrite et la moins visible : le contrôle des loyers ! C’est vrai, après tout, il faut réguler le marché de l’immobilier qui est une jungle totale sans foi ni loi, sans organismes de vérification, sans plan d’occupation des sols, sans permis, sans code de l’urbanisme, sanitaire, foncier ou fiscal ! Vite, une loi !
Prenez les gains au loto ! Limitons-les ! Ce sera plus équitable !
Des idées comme celles-là, on en a des caisses !
Des caisses, vous dis-je !
—-
Sur le web