La lecture de ce roman, lecture terminée il y a déjà quelques semaines, mais j'en différais le commentaire,en plus de mon incorrigible pente à la procrastination, j'avoue que quelques péripéties personnelles -- je vois le clin d’œil amusé de mes amis -- m'ont tenu loin de mes notes et de mon clavier. Un autre aveu : c'est le premier roman de KUNDERA je lis. Je l'aborde, comme on entre au musée, lui qui, avec cette édition « définitive » de la Pléiade, y est un peu, au musée.
Il me semble qu'on aborde pas une telle œuvre comme celle de n'importe quel autre contemporain : un peu comme si elle était déjà posthume. De plus KUNDERA a un côté grantécrivain, avec ses zélotes et ses détracteurs, son silence ostentatoire, et la façon même dont il présente son œuvre.
Pourtant, s'il est vrai qu'on lit un tel roman comme on voit un tableau au musée, on évite, avec le recul des années, les malentendus inhérents à la notoriété et au succès de critique et de vente. Car La Plaisanterie a fait longtemps l'objet d'un malentendu, comme on l'apprend, dans la Pléiade, au chapitre Biographie de l’œuvre, ainsi que dans le livre d'Alain FINKIELKRAUT.
Achevé en décembre 1965, le roman est publié en avril 1967 sans avoir eu de difficultés avec la censure, laquelle était, à l'époque, moins rigoureuse que pendant les années staliniennes. C'est aussitôt un grand succès public et critique-- le livre reçoit au printemps 1968 le Prix le l'union des écrivains tchécoslovaques. C'est à l'automne 1968 qu'il sera publié en France : « On peut le dire tout net : c'est son aventure française qui a décidé du destin de La plaisanterie, c'est la France qui l'a fait connaître dans le monde entier. »
C'est ainsi que, peu après l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du pacte de Varsovie, le livre de KUNDERA faisait la conquête de la France, puis de l'Occident, accompagné, excusez du peu, d'une préface de Louis ARAGON « le porte-parole officiel de l'intelligentsia communiste en France » et d'une quatrième de couverture sans équivoque : « Roman idéologique par excellence. L'écriture et l'action n'y représentent que peu de choses par rapport à la leçon que l'auteur tire de ce récent passé. »
Le malentendu de La Plaisanterie, acte I -- à suivre.
Voir aussi :
Alain FINKIELKRAUT, Le sage ne rit qu'en tremblant - Lecture de La Plaisanterie de Milan Kundera in Un coeur intelligent, Folio Gallimard, Paris 2009.