La sensibilité à l'environnement progresse malgré la crise mais les préoccupations changent
Le corps social se montre, depuis plusieurs années, particulièrement attentif à l'avenir de la planète. En 2011, plus de huit personnes sur dix se sentent concernées par les problèmes d'environnement et une majorité (53 %) se disent très sensibles, contre 41 % l'an dernier. En outre, 37 % des Français affirment être prêts à payer plus de taxes directement affectées à la défense de l'environnement. Ce pourcentage est en hausse de 4 points par rapport à 2010.
À un moment où le moral de la population est encore morose, où la crainte du chômage domine et où les contraintes financières sont très prégnantes, ces évolutions sont loin d'être négligeables. Un rapport récent de l'Eurobaromètre indique même que les Français sont parmi ceux qui se déclarent les plus sensibles à la protection de la planète, avant les Belges, les Anglais, les Espagnols ou les Italiens.
En revanche, les priorités et les attentes du grand public sont plus fluctuantes. Le développement durable et le respect de la biodiversité, voire le souci de prévenir les catastrophes naturelles, prennent peu à peu le pas sur les inquiétudes liées au réchauffement climatique qui avait, ces dernières années, concentré toute l'attention.
Le succès du bio est une des manifestations les plus visibles des changements d'habitude de consommation à l'oeuvre ces dernières années. Les consommateurs français sont en effet devenus de véritables consom'acteurs qui ont compris qu'il est un pouvoir au moins aussi grand que le bulletin de vote : celui du caddy.
Le profil du consommateur bio n'est pas ce que l'on croit
Réservé à une minorité plutôt aisée et très engagée il y a quinze ans, le bio se diffuse désormais dans les catégories les plus modestes : ainsi, selon une étude du CREDOC publiée en août, 52 % des personnes disposant de moins de 900€ par mois consomment aujourd'hui des produits issus de l'agriculture biologique, contre 20 % en 1995. Selon cette même étude, 60 % des jeunes achètent de temps à autre ce type de produits alors qu'ils n'étaient que 26 % il y a quinze ans.
La préoccupation pour l'environnement n'est pas la seule explication de l'essor de ces denrées, qui jouissent aussi d'une image positive pour la santé et pour le goût. L'augmentation de l'offre en rayon et la bonne identification du label AB facilitent aussi cet engouement. Mais la progression des ventes bio est d'autant plus notable que la hausse des prix des denrées alimentaires et l'augmentation du coût du logement ont renforcé, ces dernières années, les contraintes budgétaires de nos concitoyens.
Les consommateurs sont devenus des consom'acteurs
Moins fréquent, mais sans doute plus révélateur de l'émergence d'un nouveau rapport à la consommation, le boycott de produits gagne petit à petit du terrain : en 2010, 33 % des Français disent avoir au moins une fois boycotté certains produits ; la proportion n'était que de 26 % en 2002.
Le regain d'intérêt pour les produits fabriqués en France, enregistré notamment dans plusieurs enquêtes récentes du CRÉDOC, conjugue quant à lui une forme de solidarité économique avec les salariés et les entreprises françaises et des considérations écologiques : acheter ce qui est fabriqué en France plutôt qu'à l'étranger limite les pressions qu'exercent les transports sur l'environnement.
Toutes ces manifestations d'une consommation plus responsable et réfléchie s'accompagnent d'une vigilance et d'une exigence plus fortes des ménages, lesquels semblent de plus en plus avertis et rétifs aux sirènes du " marketing vert ". Seuls 31 % des Français considèrent ainsi aujourd'hui que les informations présentes sur les produits verts sont scientifiquement fondées. Et tout juste un quart de la population estime qu'elles sont claires. Les allégations écologiques entourant les produits de grande consommation, via les publicités ou encore les logos auto-décernés(" 100 % naturel ", " respectueux de l'environnement ", etc.) concourent en effet à renforcer le soupçon de " green washing ". Le trop plein de communication vient ainsi décrédibiliser l'information sur les produits et contribue à brouiller les messages.
Ainsi, en matière de consommation responsable, les Français sont passés des bonnes intentions aux bonnes pratiques. La crise économique semble notamment les avoir poussé à réfléchir quant aux bien-fondé du rejet de notre société de surconsommation.
Stella Giani