Autant vous le dire tout de go, çà va être une rude bataille puisqu’ils sont deux producteurs, deux réalisateurs à s’affronter sur le terrain cinématographique avec strictement le même titre. Du jamais vu ! On raconte que l’un a cru que l’autre se retirerait. Que la sortie du second a été avancée pour coller aux basques du premier.
Je déteste la guerre. Je supporte mal les polémiques alors je ne vais pas m'engouffrer là-dedans. Je sors du film d'Yvan Samuel que j'ai énormément apprécié et cela me suffit pour clore le débat. Et s’il est un tout petit peu vrai que je puisse avoir une quelconque influence comme mes lecteurs me l’assurent en message privé je ne vais pas tergiverser pour clamer haut et fort que c’est un excellent boulot !
D’abord parce que le cinéaste a réalisé une adaptation personnelle de l’œuvre publiée par Louis Pergaud en 1912 sans plagier le film d’Yves Robert que les anciens ont vu à sa sortie et que les plus jeunes d’entre nous ont emprunté dans les médiathèques.
Ensuite parce qu’il place très astucieusement ses personnages dans les années 60 alors qu’Yves Robert les situait au début du siècle par fidélité au roman. Ce glissement est juste parce qu’il renvoie d’une part au contexte historique d’une autre guerre, la guerre d’Algérie, et indirectement à l’enfance des parents des jeunes adultes d’aujourd’hui. En ce sens le film devient une sorte d’épopée pagnolesque sur l’école.
Avec une reconstitution fidèle du quotidien d’il y a déjà un demi-siècle, jusqu’aux cageots de légumes que l’on vend sous la halle du marché. Sans oublier les encriers, les blouses grises, les images Rossignol et les cartes de géographie Vidal-Lablache dans les salles de classe. Et les questions de fond sur l’éducation et les sacrifices que l’on consent pour assurer un avenir à ses enfants quand on a besoin de bras parce qu’on les élève seule. Mathilde Seigner compose une magnifique mère Lebrac autoritaire, et découvrant la sensibilité.
Les dialogues ont été soignés pour atteindre la saveur de la version originale sans en copier les plus fameux. Même ceux qui ne l’ont pas visionné connaissent les répliques les plus célèbres comme le populaire « si j’aurais su j’aurais pas venu » que Petit Gibus pleurniche à chaque déconvenue.
Le gamin, toujours aussi candide, mais plus facétieux rêverait de devenir « ratiboiseur ». A son frère lui intimant qu’à trois on y va, il répond d’une petite voix étonnée « mais on est que deux ».
Et puis, surtout, Yann Samuel élargit le débat en stigmatisant la naissance des querelles de clocher. Les enfants ne font que reproduire les rivalités qui assaillaient leurs parents ou leurs maitres. Le cercle pourrait rester infernal et continuer de tourner en rond s’il n’y avait pas l’intervention d’un nouveau personnage pour faire progresser les idées. En vertu du principe que la femme est l’avenir de l’homme c’est une fille qui sauvera la situation.
Vous aurez compris qu’on peut aller voir le film avec des yeux neufs. Pour en ressortir avec de nouvelles phrases culte dont j’anticipe le succès :
- La goutte d’eau qui va mettre le feu aux poudres,Il me semble aussi que l’explication de l’instituteur à propos de la fonction de l’oxymore (juxtaposition de deux termes d’apparence contradictoire comme un clair-obscur) va susciter des vocations d’avocat à tour de bras.
- On va les enterrer vivants avec un A majuscule
- Les avis c’est comme les trous de balle, chacun le sien.
J’espère aussi que le film (comme l’album Dessine ! auquel je consacrais un billet avant-hier) inspirera les enfants d’aujourd’hui pour embellir les cours de récréation en dessinant à la craie tout l’automne. Il donne en tout cas envie, en ces temps de rentrée scolaire, de reprendre le chemin des écoles le cœur léger et c’est pas bidon … comme pourrait le chanter Alain Souchon.
Sortie nationale le 14 septembre de « La guerre des boutons » de Yann Samuell avec Mathilde Seigner, Alain Chabat, Fred Testot et Eric Elmosnino.
Sortie remasterisée de la version d'Yves Robert annoncée pour le 12 octobre