Tourné il y a vingt ans, ce film demeure à ce jour vierge de toutes les scories inhérentes au temps et aux modes. Il pourrait sortir à peine des studios que personne y trouverait à redire, tant la pertinence du propos et sa portée universelle s’accordent à une réalisation brillante, très contemporaine.
Elle est aussi méthodique, et froide, à l’image du monde qui s’agite ici dans le huis-clos d’une demeure seigneuriale du début du XX ème siècle. Le maître, Chen Zuoquian, y accueille sa quatrième épouse Songlian, dix-neuf ans confrontée aux rites d’un clan hermétique au monde extérieur, où les querelles et les intrigues marquent le territoire de chacune. Pour s’attirer les faveurs du seigneur, elles sont prêtes à tout.
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Si l’oppression qui y règne date d’une Chine aujourd’hui révolue, la manière de la filmer rend le propos tout à fait actuel et pertinent.La révolte de Songlian contre les coutumes et les traditions d’une Histoire qui patauge, sa colère à l’encontre d’une condition féminine proche de l’asservissement, trouvent un écho chaque jour répercuté de part et d’autre de la muraille de Chine.
Zhang Yimou y met simplement les formes, ce qui constitue me semble-t-il le b-a-ba de son travail de cinéaste. De jolies formes marquées par l’architecture particulière du lieu, aux symétries parfaitement ordonnées. Le rouge, omni présent, est aussi la couleur annonciatrice de la venue du maître pour la nuit .Les lanternes alors s’allument, autour de la demeure retenue.
Tout un cérémonial que le réalisateur filme comme un enchantement, tant les décors et les habits superbes, festoient au milieu de cette cité interdite. Les douleurs secrètes, les rancoeurs ténues, ne font qu’accentuer cette virtuosité paradoxale, où le tragique côtoie le magnifique. L’incarnation même de Songlian : Gong Li, sublime et impériale.
BONUS
- GONG LI vue par Damien Paccellieri (25 mn)
Celle qui incarne le mieux le tempérament des actrices chinoises, selon Paccellieri , interprète des femmes courageuses. C’est la nouvelle définition de la femme chinoise, qui assume ses sentiments, ce que l’on ne voyait pas auparavant dans le cinéma du soleil levant. De l’ordre du phantasme pour l’homme chinois, Gong Li comble tout son petit monde , et particulièrement son époux de réalisateur Zhang Yimou. Avant de s’imposer au niveau international. A l’aube de la cinquantaine, comment va-t-elle pouvoir gérer une carrière déjà exceptionnelle reposant sur une personnalité féminine hors du commun ? La question est posée.
- Galerie Photos
- Zhang Yimou , évolution d’un cinéaste par Hubert Niogret (20 mn)
Un beau portrait , bien détaillé, mais peu illustré d’une personnalité de l’esthétisme au cinéma , situé bien évidemment dans l’histoire du septième art chinois, qui regroupe ses cinéastes par génération. Zhang Yimou appartient à la cinquième génération , qui prône la création personnelle, sans opposition frontale avec les autorités. Contrairement à la sixième génération qui évoque le climat social du pays, ce que le pouvoir ne supporte pas.
Son premier film, « Le Sorgho Rouge » gagne l’Ours d’or au Festival de Berlin de 1998 et lui donne aussitôt un rayonnement international. Ce film signe le premier d’une longue série de film tourné avec sa muse et compagne Gong Li. En 1991, « Épouses et Concubines » reçoit le Lion d’Argent à la Mostra de Venise. Une année plus tard, il revient à Venise et décroche le Lion d’or pour « Qiu Ju, une femme chinoise ». En 1994, « Vivre » lui vaut le grand prix du jury à Cannes, puis en 1999 « Pas un de moins » reçoit le Lion d’Or à Venise et enfin « The Road Home » reçoit un Ours d’argent au festival de Berlin en 2000.