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Providence Reloaded - Juan Francisco Ferré - Providence (Passage Du Nord Ouest - 2011 - Trad. François Monti) par G@rp

Par Fric Frac Club
Providence Reloaded - Juan Francisco Ferré - Providence (Passage Du Nord Ouest - 2011 - Trad. François Monti) par G@rp Ce bouquin est pour toi, m'ont-ils dit sans davantage argumenter – j'aurais dû me méfier, n'importe quel détective se serait méfié. Oui mais voilà, je ne suis pas détective.
Une fois le roman en main, j'ai relevé un sourcil : tout le monde l'aurait fait.
D'abord, impossible de manquer la couverture, avec son titre dé/calé, dé/coupé : PRO XXXXVIDENCE
Sans rien dire de, heu, l'illustration qui ne révèle strictement rien, mais alors rien du contenu – toutes les interprétations sont possibles : flux interrompus, décalés, détournés ? Déco arty pop tendance revival années 70 ? Providence Reloaded - Juan Francisco Ferré - Providence (Passage Du Nord Ouest - 2011 - Trad. François Monti) par G@rp
Ce bouquin est pour toi…
Suspect.
Encore que Providence ne soit pas le premier roman à intriguer le lecteur avant même de l'avoir ouvert (nous avons tous notre lot d'anecdotes à ce sujet), d'autant plus que cette énigmatique couverture s'avère l'apanage de la version française (dans une traduction de François Monti – aka Chef des Chums, celui-là même à m'avoir dit le premier que ce bouquin était pour moi). En effet, en cherchant un peu (pas trop), on s'apercevra bien vite que la couverture originale, visible ici-même où qui l'on sait avait sévi en 2009, parait davantage « parlante ». Mais peut-être s'agit-il là d'un leurre ?
Allez savoir…
Bien.
Couverture hypnotique donc, attirant l'œil de celui qui, faute d'indices probants, en est réduit à retourner l'étrange objet pour en parcourir la 4e de couv.
[pause]
Ici, on serait en droit de m'opposer un logique : "tout ça pour ça ?" (agrémenté d'un "t'es payé à la ligne ou quoi ?", auquel je ne répondrai qu'en présence de mon avocat, non mais, de quoi je me mêle).
Eh bien oui, tout ça pour ça, un « ça » que voilà :
[play]

« Mes frères, grâce aux vertus du capitalisme béni, nous avons réussi à soumettre la réalité aux diktats du marché. Bientôt, l'alliance sacrée du commerce et des nouvelles technologies nous donnera accès aux épreuves les plus hautes et les plus raffinées de l'esprit. PROVIDENCE, tel est le nom de l'utopie libidinale à laquelle notre destin a été scellé par l'être primitif.
Tous, nous connaissons le visage vénéré de Celui qui guette dans l'obscurité tempêtueuse du temps.
Mais souvenez-vous : nul ne doit, avant la rénovation de son règne, invoquer sa force dévastatrice. »
Acte de la Confrérie des amis du crime organisé.

« Sachez que l'âme vendue au démon n'est pas pressée d'abandonner la chair ; elle alimente et instruit le ver même qui la dévore, jusqu'à ce que de la putréfaction surgisse une vie épouvantable.
Elle est la puissance de Dieu, Elle est la providence. »
Extrait du rapport de l'inspecteur John Raymond Legrasse.

En découvrant cet acte et cet extrait, le moins que l'on puisse dire est que cela tranche des traditionnels textes et coupures de presse vantant les mérites des romans changeant la face de la littérature (bâillement). Mieux encore, nous avons là deux indices quant à ce que peux être le Providence à l'intérieur de PROVIDENCE – une utopie libidinale, la puissance de Dieu. Peut-être moins flagrant (encore que), mais « Celui qui guette dans l'obscurité tempêtueuse du temps » ne renverrait-il pas à Howard Phillips Lovecraft ? Ce qui nous ramène à la couverture évoquée précédemment.
Faisons le point :

- une utopie libidinale : PROVIDENCE

- la puissance de Dieu : la providence

- Lovecraft : l'habitant le plus célèbre et le plus inquiétant de Providence.
PROVIDENCE serait donc la déclinaison de trois noms ?
Ce serait bien trop simple.
(coller ici un rire à la Vincent Price)
Nous avions été plusieurs, l'année passée, à apprécier avec un sourire béat Zéroville de Steve Erickson pour une multitude de raisons parmi lesquelles d'incessantes références au cinéma, mais surtout pour son personnage principal, Vikar, réelle incarnation du cinéma. Serait-il osé d'affirmer que PROVIDENCE est du même acabit... avec des différences ?
Là où Zéroville racontait le cinéma au travers d'un fou de cinéma, Juan Francisco Ferré, pour sa part, inocule au monde du cinéma hollywoodien un virus nommé Alex Franco (on ne reviendra pas sur l'homophonie - voir par ici), véritable caméra organique qui voit, pense, bouffe et baise (ne pas oublier : utopie libidinale) en caméraman.
Ici, déjà, ça déjante, ça délire – ce n'est qu'un début.
Alex Franco est scénariste. Cumulerait-il les fonctions ? (ne pas oublier : utopie)
Plus on avance dans PROVIDENCE, plus on s'en persuade.
Plus Juan Francisco Ferré nous en persuade.
(coller ici un rire sardonique) Providence Reloaded - Juan Francisco Ferré - Providence (Passage Du Nord Ouest - 2011 - Trad. François Monti) par G@rp
En "réalité" (les guillemets ne sont pas innocents), Alex Franco se comporte en cheval de Troie. Il pénètre dans le film, en laisse défiler quelques séquences, puis en prend le contrôle, le pare du costume de la réalité, s'infiltre ensuite dans cette dernière et la pervertit (dans tous les sens du terme, dans toutes les positions). On ne citera pas tous les films ainsi vérolés, mais ils sont légion – ce qui nous vaut des morceaux d'anthologie tels ceux des Dents de la mer, de La Tour infernale, les Klingon, etc etc.
Franco va en effet non seulement vivre dans l'univers du cinéma dans lequel il entre, si l'on peut dire, via le tapis rouge du festival de Cannes en tant que scénariste « élu », mais aussi en tant que témoin de ce monde de VIP ou assimilés, puis quasi second rôle balloté dans un scénario qui lui échappe, tout en endossant la panoplie d'acteur du film, des films Hollywoodiens – passant de l'intérieur d'un film à un autre. Et tout cela à un rythme…endiablé, vertigineux pour le lecteur, qui ne sait plus, ne peut plus faire la part des choses entre fiction et réalité.
D'ailleurs, où se trouve la réalité puisqu'il n'est question que de fictions, de films ? Et si les références littéraires abondent, dans Providence, elles agissent comme autant de trampolines en direction de l'écran blanc où le film PROVIDENCE est projeté, où Alex Franco est projeté, où le lecteur est projeté – film aux allures de jeux vidéos : on aura l'occasion d'y revenir – film dont le titre lui-même subit des mutations, à l'égal, une fois encore, d'un virus mutagène (PROVIDENCE, Providens, Providenz, PVD,…)
Tout s'enchaîne chaotiquement (Ferré aurait-il agi en monteur fou ?) comme si Alex Franco avait été programmé par Juan Francisco Ferré (monteur et programmeur fou) pour décoder la fiction, ses clichés (au sens de "photogrammes", mais pas que), afin de mieux la phagocyter jusqu'à la pervertir et la conduire à l'implosion. Et de là – jeu de miroirs – entraîner l'explosion de la réalité américaine fondée sur les mythes hollywoodiens.
On n'est pas loin du plan machiavélique d'un groupuscule terroriste utilisant Alex Franco comme arme virale (ne pas oublier : Confrérie des amis du crime organisé).
Ça l'est bel et bien.
Mais ça ne s'arrête pas là.
(bonbons, esquimaux, chocolats ?) Providence Reloaded - Juan Francisco Ferré - Providence (Passage Du Nord Ouest - 2011 - Trad. François Monti) par G@rp
Providence comporte autant, si ce n'est plus, de niveaux qu'un authentique jeu vidéo (on y revient) dont l'action se déroulerait dans l'âme même du cinéma. Tous les éléments clés y sont : du personnage dont on perd le contrôle, en passant par les passages secrets, les chausse-trapes, énigmes, réalité illusoire, univers parallèles, voix off transmettant instructions ou indices, parfois trompeurs (inénarrables mails de "Jack Daniels, rien à voir , bien sûr, avec le bourbon du même nom") jusqu'à la table des matières et ses trois niveaux de PROVIDENCE. Dans le jeu PROVIDENCE, le reset est même permis puisque le dernier chapitre (encore que ce mot soit trop, comment dire, rigide pour s'appliquer à une construction telle que celle de PVD) s'intitule : PROVIDENCE AN UN – et défile à une vitesse supersonique, comme si quelque chose ou quelqu'un ou les deux accélérait le mouvement, ou utilisait un…Action Replay (notez au passage l'analogie entre l'appareil permettant de surmonter les obstacles, tous les obstacles de n'importe quel jeu par l'ajout de…codes, et le terme bien connu dans – vous avez compris). Et que permet le reset ? De rejouer, de déjouer…le temps.
À ce propos, qui rejoint d'ailleurs la notion de niveaux évoquée plus haut, il faut savoir que PROVIDENCE se déroule sur trois périodes temporelles à l'intérieur de chaque niveau : mai – septembre, septembre – novembre, novembre-décembre pour finir par ouvrir... sur l'an un.
An un dont voici la première phrase :

À cette heure de la nuit, personne ne sait plus où il se trouve.

Et c'est bel et bien le cas.
(bande son : Tron legacy) Providence Reloaded - Juan Francisco Ferré - Providence (Passage Du Nord Ouest - 2011 - Trad. François Monti) par G@rp
On l'aura compris, ce bouquin démoniacodélirant était bel et bien pour moi, m'a contaminé comme d'autres avant moi (j'ai les noms) et comme d'autres le seront après moi (j'ai des noms).
La menace virale PVD est à l'oeuvre, la propagation va se poursuivre.
Toute résistance sera futile.
(coupez !) Providence Reloaded - Juan Francisco Ferré - Providence (Passage Du Nord Ouest - 2011 - Trad. François Monti) par G@rp
[Dernière minute] : on est toujours sans nouvelle du traducteur de Juan Francisco Ferré. Toutefois, selon certains témoignages, il porterait désormais un costume croisé blanc dont les manches s'attachent dans le dos et serait domicilié Arkham House Asylum, PVD. La rédaction du Fric Frac Club a dépêché une équipe d'envoyés spéciaux. Davantage d'informations, on l'espère, dans notre prochaine édition.

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