C'est l'histoire d'un écrivain qui devient un jour président

Par Thibault Malfoy

Voici le premier roman de Charles Dantzig, publié en 1993 aux éditions Les Belles Lettres : Confitures de Crimes. Le titre est emprunté à un vers de Henry Jean-Marie Levet : Le soleil se couche en confitures de crimes.

C'est l'histoire d'un écrivain, Frédéric Marcassin, qui devient un jour président de la République. Ayant un peu trop lu Félicien Marceau (le livre lui est dédié), et notamment L'Étouffe-chrétien et La Mort de Néron, il a comme modèle en politique ce tyran cabotin qui a pour nom Néron. Il profite qu'il loge à l'Élysée pour procéder en France à quelques ajustements : suppression de la télévision et de la radio, taxation sur les lieux communs, refonte complète du programme éducatif, diminution drastique du pouvoir législatif, etc. Cet écrivain qui préside est un pédant, au sens où son enthousiasme pour ce qui lui tient à cœur (la littérature !) le transporte rapidement vers le dithyrambe ou - au contraire - la critique assassine et péremptoire. Au demeurant c'est aussi un assassin, il rétablit même le doux spectacle des exécutions publiques : c'est dire si l'homme a du goût.

De Néron, il a la logique poussée à son paroxysme, alliée à un don réel pour la comédie : c'est elle qui lui permet de régner sous ses allures de roi fou (oui, il rétablit aussi la monarchie : il était grand temps). On ne le prend pas au sérieux (pensez donc : un écrivain !) : il en profite pour tout se permettre. Il détruit les rites qui aliènent l'intelligence des hommes, se moque du protocole et raille l'image du pouvoir. A la fois roi et fou du roi, ce bouffon tire son irrévérence à la face du monde et décore de l'ordre du poireau tous ces petits qui rêvent d'être grands. Il ne recule devant rien, pas même devant une guerre contre l'Union Européenne : c'est que sa volonté a raison de tous les obstacles imaginaires que les indécis dressent d'habitude entre leur désir et sa réalisation. Son caractère ambitieux et volontaire fait d'ailleurs beaucoup pour le charme de cet homme fantasque.

Charles Dantzig se livre à une satire en règle du pouvoir, façon Voltaire (il est donc optimiste : il pense que l'homme peut s'améliorer - ou fait comme si), mais son ironie n'est pas méchante : elle s'envole vers la gaieté, masque de la tragédie avec qui elle danse une gigue de tous les diables. L'auteur se livre ainsi à la virtuosité de l'écriture gaie et emporte avec lui son lecteur, séduit par tant de bonne humeur. On applaudit.

  • Confitures de Crimes, Charles Dantzig, Les Belles Lettres, 18,29 €.