Les hypothèques

Publié le 14 septembre 2011 par Jbcondat
L'hypothèque est une sûreté réelle consistant dans l'affectation d'un immeuble du débiteur à la garantie d'une créance, sans que le débiteur soit dessaisi de son immeuble (article 2393 Code Civil).
En principe, l'hypothèque ne peut être constituée que sur un bien immobilier, qu'il s'agisse
- d'un immeuble par nature (bâtiment, fonds de terre)
- d'un immeuble par destination, mais seulement en même temps que l'immeuble dont il est accessoire - d'un immeuble par l'objet auquel il s'applique : droits réels immobiliers
Cet immeuble doit être dans le commerce et doit être présent (abroge article 2130 Code Civil).
Exceptionnellement, l'hypothèque peut porter sur certains meubles ayant une certaine fixité et pour lesquels il a été possible d'organiser une publicité des aliénations:
- hypothèque des navires,
- hypothèque des bateaux de navigation intérieure, - hypothèque des aéronefs.
Ces hypothèques peuvent être consenties par écrit sous seing privé et sont publiées par inscription sur registre au Bureau des Douanes dont dépend le navire ; au greffe du tribunal de commerce du lieu de l'immatriculation pour les bateaux de navigation intérieure, ou au registre d'immatriculation de l'aéronef. L'hypothèque immobilière doit, pour produire effet à l'égard des tiers, être inscrite au Bureau des hypothèques.
I. Les différentes sortes d'hypothèques
Il existe trois sortes d'hypothèques:
1. Les hypothèques légales
« L'hypothèque légale est celle qui résulte de la loi » (article 2396 Code Civil), c'est-à-dire qui appartient de plein droit au créancier sur les immeubles du débiteur.
Ce sont:
a) L'hypothèque légale des époux
Elle ne peut être inscrite que dans les cas spécifiés par la loi, ce qui revient à l'écarter dans tous les autres cas, puisque les hypothèques légales n'ont d'effet que si elles sont inscrites.
Elle n'est possible que dans le régime de participation aux acquêts (article 1569 Code Civil).
Sauf convention contraire, chaque époux a de plein droit la faculté d'inscrire l'hypothèque légale pour garantie de sa créance de participation (article 2402 Code Civil).
Hors ce cas, l'hypothèque ne peut être inscrite que par intervention de justice s'il y a demande en justice d'un des époux tendant à faire constater une créance contre son conjoint (inscription provisoire d'hypothèque).
b) Hypothèque légale des mineurs et majeurs en tutelle
Il s'agit d'une hypothèque qui peut être accordée aux enfants légitimes ou naturels mineurs qu'ils soient en tutelle ou sous le régime de l'administration légale ou aux majeurs en tutelle (article 2409 Code Civil) sur les immeubles des tuteurs ou administrateurs légaux pour garantir leurs créances contre ceux-ci.
L'hypothèque portera sur tous les immeubles du tuteur ou de l'administrateur, même acquis après cessation des fonctions.
c) Hypothèque légale de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics
Il s'agit d'une hypothèque accordée à l'Etat, aux départements, aux communes et aux établissements publics sur les biens des receveurs et administrateurs comptables pour garantir les créances qui peuvent naître de leur gestion (article 2400 Code Civil). Elle porte sur les immeubles présents et futurs des receveurs et administrateurs comptables.
2. L'hypothèque judiciaire
Il existe deux variétés d'hypothèques judiciaires :
a) L'hypothèque judiciaire attachée aux jugements de condamnation
Tous jugements, sans distinction suivant la juridiction qui les a prononcés, prononçant condamnation, qu'il s'agisse d'une créance liquide ou non emportent hypothèque.
Il en est de même des sentences arbitrales revêtues de l'ordonnance d'exécution et des contraintes délivrées par l'Administration, ainsi que les jugements étrangers s'ils ont été déclarés exécutoires par un tribunal français. La créance garantie est celle constatée par le jugement ; si la créance n'est pas liquide, elle sera évaluée dans l'inscription.
Cependant, le créancier perd le bénéfice de l'hypothèque judiciaire dans deux cas:
- Redressement judiciaire ou liquidation judiciaire du débiteur commerçant.
- En cas de décès du débiteur suivi de l'acceptation de sa succession sous bénéfice d'inventaire (article 2427 al. 2 Code Civil).
b) L'hypothèque judiciaire provisoire
Avant tout jugement de condamnation, et avant même l'introduction de toute instance, le juge peut autoriser le créancier à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire : article 54 et suivant Code de Procédure Civile ancien. Il s'agit d'éviter que le débiteur, avant ou pendant le procès, ne se rende insolvable en aliénant ses immeubles.
Conditions
- Il faut que la créance paraisse fondée en son principe.
- Il faut qu'il y ait urgence, c'est-à-dire que le recouvrement de la créance soit en péril.
Procédure
- Requête du créancier au Président du Tribunal de Grande Instance ou au Juge d'Instance du domicile du débiteur ou de la situation des biens, sans que le débiteur soit appelé à la procédure.
- Ordonnance exécutoire nonobstant opposition ou appel, autorisant le créancier à prendre inscription provisoire d'hypothèque judiciaire, énonçant le montant de la créance garantie et les immeubles sur lesquels l'inscription est autorisée et fixant un délai pour assigner le débiteur en paiement.
- Inscription de l'hypothèque provisoire.
- Notification au débiteur dans la quinzaine de l'inscription.
L'inscription est valable seulement pour trois ans, renouvelable avant l'expiration du délai.
La main levée peut être ordonnée par le juge des référés si le débiteur consigne une somme suffisante pour garantir la créance (art. 55 faisant référence à l'article 50 du Code de procédure Civile Ancien). D'autre part, à l'issue de l'instance au fond, si la demande est rejetée, l'inscription est radiée volontairement ou sur ordonnance du juge.
Par contre, si le débiteur est condamné, une inscription définitive est substituée à l'inscription provisoire.
c) L'hypothèque judiciaire conservatoire
La loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution a institué cette forme de sûreté judiciaire. Elle peut être constituée à titre conservatoire notamment sur les immeubles. Ceux-ci restent aliénables. Le décret du 31 juillet 1992 précise que sur présentation de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu'une mesure conservatoire soit pratiquée, une hypothèque peut être prise sur un immeuble du débiteur.
L'inscription provisoire d'hypothèque est opérée par le dépôt à la conservation des hypothèques de deux bordereaux. Huit jours plus tard après ce dépôt, le débiteur en est informé par acte d'huissier de justice. La publicité provisoire doit être confirmée par une publicité définitive. Cette publicité donne son rang à la sûreté à la date de la formalité initiale (l'inscription provisoire).
Le créancier dispose d'un droit de préférence et d'un droit de suite.
3. L'hypothèque conventionnelle
Il s'agit d'une hypothèque résultant d'une convention (article 2396 al. 2 Code Civil).
a) Conditions de fond
Outre les conditions générales de formation et de validité des contrats, certaines conditions sont requises.
Que le constituant de l'hypothèque soit le propriétaire de l'immeuble
L'hypothèque de la chose d'autrui entraîne nullité absolue.
En ce qui concerne le copropriétaire indivis, l'hypothèque de la part indivie est valable mais le sort de l'hypothèque dépend du partage.
Le constituant doit être capable d'aliéner
Les incapables doivent observer les mêmes formalités que pour l'aliénation et la sanction est la nullité relative.
b) Conditions de forme
L'hypothèque en principe doit être passée sous forme d'un acte authentique, c'est-à-dire devant notaire (article 2416 Code Civil) ; toutefois les hypothèques des navires, bateaux de navigation intérieure et aéronefs peuvent être consenties par un acte sous seing privé.
D'autre part, l'hypothèque conventionnelle doit être spéciale quant à la créance et quant à l'immeuble grevé: dans l'acte constructif doivent être indiqués la cause de la créance, le chiffre de la créance et la mention de la nature et de la situation de chaque immeuble, sous peine de nullité absolue du contrat. De même, dans l'inscription, le créancier doit représenter le titre, indiquer le capital de la créance et ses accessoires, et la désignation individuelle de chaque immeuble et de la commune.
Conséquence de la règle de la spécialité : en principe, l'hypothèque des biens à venir est prohibée (article 2130 al. 1 Code Civil) sauf:
- dans le cas où les biens présents et libres du débiteur sont insuffisants pour la sûreté de la créance (article 2130 al. 2 Code Civil)
- dans le cas où l'immeuble présent hypothéqué a péri ou éprouvé des dégradations de manière qu'il soit devenu insuffisant (article 2131).
II. Les effets de l'hypothèque
1. Effets entre les parties
Il est à noter qu'entre les parties, l'hypothèque produit ses effets dès la conclusion du contrat, indépendamment de toute mesure de publicité : l'inscription n'est pas une condition de validité.
a) Effets à l'égard du créancier
L'hypothèque confère au créancier une sûreté réelle qui sera réalisée, en cas de non-paiement à l'échéance, par saisie immobilière. La procédure de saisie immobilière est régie par le décret du 1er mars 1967, article 6 et suivants. Elle comprend:
- commandement aux fins de saisie, signifié au débiteur
- publication du commandement au Bureau des hypothèques.
A dater de cette publication, le saisi reste en possession jusqu'à la vente, en qualité de séquestre judiciaire. Il perd le droit d'administrer, le droit de jouir, le droit d'aliéner ou de constituer des droits réels.
- Adjudication aux enchères
Si aucune enchère n'est portée et à défaut de surenchère dans les 10 jours d'au moins 1/10e du prix de l'adjudication, le créancier poursuivant est déclaré adjudicataire pour la mise à prix.
Si l'immeuble est adjugé à un tiers, le créancier hypothécaire sera payé sur le prix par préférence aux créanciers chirographaires et aux autres créanciers de rang inférieur (sous réserve aux privilèges immobiliers de l'article 2374).
b) Effets à l'égard du débiteur
En principe, et sous réserve du cas de non paiement à l'échéance, le débiteur conserve tous les attributs du droit de propriété (droit d'administration, de jouissance et d'aliénation).
Restrictions:
- au droit d'administration : (décret du 4janvier 1955, article 28)
- au droit de jouissance : les quittances et cessions de loyers ou fermages non échus, équivalant à trois années, sont de même soumis à publicité.
2. Effets à l'égard des tiers
L'hypothèque n'a effet à l'égard des tiers que si elle a été inscrite « à la conservation des hypothèques » article 2425 Code Civil.
L'hypothèque confère au créancier hypothécaire :
- un droit de préférence qui lui permet d'être payé sur le prix d'adjudication de l'immeuble avant les autres créanciers ;
- un droit de suite qui lui permet de suivre l'immeuble entre les mains d'un tiers acquéreur.
a) L'inscription des hypothèques
L'inscription peut être prise dès la constitution de l'hypothèque et jusqu'à extinction de la créance, sauf: - Redressement judiciaire ou liquidation judiciaire du débiteur commerçant:
L'inscription est sans effet si elle est prise après la date de cessation des paiements.
- Décès du débiteur suivi de l'acceptation de sa succession sous bénéfice d'inventaire (article 2427 Code Civil).
- Publication de l'aliénation de l'immeuble consentie par le débiteur au profit d'un tiers.
- Publication du commandement aux fins de saisie immobilière à la requête d'un autre créancier.
Peuvent acquérir l'inscription:
- le créancier hypothécaire, même s'il est mineur puisqu'il s'agit d'un acte conservatoire
- les représentants légaux du créancier mineur
- un représentant conventionnel exprès ou tacite (notaire, huissier)
- toute personne agissant comme gérant d'affaires
- un créancier par voie d'action oblique (sans que son initiative lui confère un droit de préférence sur le prix de vente de l'immeuble)
- l'inscription de l'hypothèque des personnes en tutelle, lorsque le Conseil de famille a décidé qu'il serait pris une inscription, est requise par le Greffier du juge des tutelles.
En aucun cas, l'inscription n'est opérée d'office, même pour les hypothèques légales.
b) Le droit de préférence
C'est le droit permettant au créancier hypothécaire d'être payé sur le prix d'adjudication de l'immeuble avant les autres créanciers.
Entre créanciers hypothécaires ayant hypothèque sur le même immeuble, le rang est déterminé par la date des inscriptions et non par celle de la constitution des hypothèques.
Exception :
- les privilèges spéciaux immobiliers de l'article 2374 Code Civil : s'ils sont inscrits dans les délais légaux, ils priment les hypothèques inscrites sur l'immeuble du chef du débiteur. Leur opposabilité est donc antérieure à l'inscription.
En ce qui concerne les inscriptions requises le même jour, il n'est pas tenu compte de l'heure du dépôt. S'il s'agit de créanciers devant produire un titre, ils prennent rang d'après la date du titre ; s'il s'agit de créanciers dispensés de produire un titre (époux, personnes en tutelle) ; les créanciers viennent en concours. Entre créanciers tenus de produire un titre et créanciers dispensés, priorité est donnée à ces derniers.
La répartition du prix entre créanciers se fera par la procédure d'ordre (décret du 1er mars 1967 article 19 à 2 1):
- soit judiciairement : par un juge du Tribunal de Grande Instance dénommé « juge des ordres ».
- soit amiablement, avec l'accord de tous les créanciers.
Les intérêts échus au jour de l'inscription s'incorporent à la créance, s'ils ont été mentionnés dans l'inscription. Pour les intérêts à venir, trois années d'intérêts sont amies au même rang que le capital (article 2432 Code Civil).
c) Le droit de suite
C'est le droit pour le créancier hypothécaire, quel que soit son rang de suivre (c'est-à-dire de saisir) l'immeuble aliéné par le débiteur entre les mains du tiers détenteur.
Conditions
Il faut:
- Que l'immeuble hypothéqué ait été aliéné par le débiteur mais à condition qu'il ne s'agisse pas d'une aliénation affranchissant, par elle-même, l'immeuble de tous privilèges et hypothèques.
- Que le créancier ait inscrit son hypothèque avant la publication de l’acte d'acquisition du tiers détenteur.
- Que la créance soit exigible : le créancier ne peut saisir l’immeuble entre les mains du tiers acquéreur plus tôt qu'il n'aurait pu le faire si l'immeuble était resté entre les mains du débiteur (article 2467 Code Civil).
Exercice du droit de suite
Le droit de suite ne peut s'exercer que contre les ayants cause à titre particulier mais non contre les ayants cause à titre universel qui succèdent à toutes les obligations de leur auteur et peuvent être poursuivis directement par le créancier sans qu'il ait recours au droit de suite. La procédure est celle de la saisie immobilière (décret du 1er mars 1967, article 6 et suivants) :
- le créancier hypothécaire signifie commandement aux fins de saisie au débiteur,
- dénonce le commandement au tiers détenteur, dénonciation comportant sommation de satisfaire à l'une des obligations visées à l'article 2463 Code Civil, c’est-à-dire de payer ou délaisser,
- à l'expiration du délai imparti, et faute par le tiers détenteur de satisfaire à la sommation, le créancier a le droit de faire vendre l'immeuble hypothéqué (article 2464 Code Civil).
III. Extinction des hypothèques et privilèges immobiliers
1. Extinction par voie accessoire
En principe, les hypothèques et privilèges immobiliers, étant l'accessoire des créances, s'éteignent en même temps que celles-ci : c'est le mode normal d'extinction des privilèges et hypothèques (article 2080 -1° Code Civil).
L'extinction de la créance doit être totale : tant que subsiste partie de la créance, l'hypothèque ou le privilège subsiste sur tout l'immeuble. Au cas où la créance est éteinte par novation, la novation remplaçant une créance par une autre, les sûretés qui garantissaient l'obligation éteinte disparaissent en même temps à moins que les parties ne soient convenues de conserver à la nouvelle obligation les sûretés qui garantissaient l'obligation éteinte et à condition que la volonté des parties soit expresse et soit exprimée, au plus tard, au moment de la novation.
2. Extinction par voie principale
Les hypothèques et privilèges immobiliers s'éteignent par voie principale sans que disparaisse la créance garantie.
a) La renonciation
L'on distingue deux sortes de renonciations :
- La renonciation pure et simple (abdicative) : il s'agit d'un acte unilatéral par lequel le créancier abandonne purement et simplement sa sûreté, bien que le débiteur n'ait pas payé sa dette.
- La renonciation en faveur d'un tiers (translative) : c'est la subrogation. Elle transmet au subrogé toutes les prérogatives que le cédant tenait de l'hypothèque.
b) Prescription
Si l'immeuble est resté entre les mains du débiteur qui .a constitué l'hypothèque, il n'existe pas de prescription spéciale pour l'hypothèque qui subsiste tant que subsiste la créance et disparaît quand la créance est éteinte par prescription.
Si l'immeuble a été aliéné par le débiteur qui a constitué l'hypothèque, l'hypothèque peut être éteinte par prescription malgré survie de la créance. Si le tiers détenteur connaît l'existence de l'hypothèque, le délai est de 30 ans, délai courant du jour de l'entrée en possession du tiers détenteur. Si le tiers ignore l'existence de l'hypothèque, le délai est de 10 à 20 ans, mais à condition qu'il possède avec juste titre et bonne foi (qui est présumée), le délai courant du jour où le titre de l'acquéreur a été publié au Bureau des Hypothèques.
Si la dette n'est pas échue, le délai de prescription court du jour de l'échéance (application de l'article 2257).
c) Péremption des inscriptions
Les inscriptions ne conservent pas indéfiniment leur effet ; l'inscription conserve le privilège ou l'hypothèque jusqu'à la date que fixe le créancier sous les limites suivantes (article 2434 du Code Civil) :
- Si la dette doit être acquittée à une ou plusieurs dates déterminées
L'inscription prise avant l'échéance ou la dernière échéance produit effet, au plus, pendant deux années après cette échéance, sans toutefois que la durée de l'inscription puisse excéder trente cinq années.
- Si l'échéance ou la dernière échéance est indéterminée ou si elle est antérieure ou concomitante à l'inscription, celle-ci ne produit effet que pendant dix ans au plus.
L'inscription cesse de produire effet si elle n'a pas été renouvelée dans les délais légaux (article 2434 et 2435 Code Civil). Chaque renouvellement est requis jusqu'à une date déterminée suivant les distinctions prévues à l'article 2154. Sinon, une nouvelle inscription peut être prise.
d) Radiation
L'on distingue:
- La radiation volontaire
Dans le cas où le créancier donne main levée volontaire dans l'inscription. Le créancier se trouve alors dans la situation d'un créancier titulaire d'une hypothèque non inscrite.
- La radiation judiciaire
Dans le cas où le créancier refusant de donner main levée, le débiteur qui a constitué l'hypothèque ou tout autre créancier demande au tribunal de radier l'inscription (article 2443 Code Civil).
e) Perte de l'immeuble
En principe, si l'immeuble grevé est détruit, la sûreté disparaît ; elle n'est pas reportée de plein droit sur l'indemnité ou sur l'immeuble remplaçant l'immeuble détruit.
Toutefois le droit de préférence est maintenu, à titre exceptionnel, notamment:
- sur l'indemnité d'assurance (Cass. , déc. du 16 juillet 1976 article L. 121.13),
- sur l'indemnité due par un locataire ou un voisin à la suite de l'incendie d'un immeuble
- sur l'indemnité en matière de dommages de guerre, au cas où le sinistré décide de ne pas reconstruire (loi du 28 oct. 1946 article 35).
f) Extinction partielle
Survie du droit de préférence au droit de suite
Il s'agit de cas où le droit étant éteint, le droit de préférence subsiste sur le prix de l'immeuble ou sur l'indemnité représentative de l'immeuble :
- en cas de vente sur saisie : le droit de suite ne se conçoit pas contre l'adjudicataire, mais les créanciers exercent leur droit de préférence sur le prix ;
- en cas de vente d'immeubles par destination : le droit de suite ne peut être exercé contre l'acquéreur de bonne foi entré en possession mais les créanciers conservent leur droit de préférence sur le prix tant qu'il n'a pas été payé ;
- en cas d'omission d'une inscription dans l'état délivré par le Conservateur des hypothèques. Le créancier omis ne pourra suivre l'immeuble entre les mains de l'acquéreur et s'il y a purge, elle sera valable à son égard, mais il conservera son droit de préférence sur le prix tant qu'il n'a pas été payé (ensuite, recours possible contre le Conservateur).
Extinction partielle par voie de réduction
Cas où la créance étant indéterminée, l'évaluation qu'en a faite le créancier paraît exagérée : « l'excès dans le cas est arbitré par les juges d'après les circonstances » (article 2445 Code Civil).
Si les inscriptions prises sur plusieurs immeubles en vertu des articles 2401 (hypothèques légales -sauf pour les époux et les personnes en tutelle articles 2402 et 2447) et 2412 (hypothèque judiciaire) sont excessives, c'est-à-dire si la valeur d'un seul des immeubles "ou de quelques uns d'entre eux excède une somme égale au double du montant des créances... augmenté du tiers ce ces créances". La réduction peut être demandée au tribunal (article 2444 du Code Civil).
3. Purge des hypothèques et privilèges immobiliers
La purge est une procédure permettant au tiers détenteur d'affranchir l'immeuble des hypothèques et privilèges qui le grèvent.
a) Acquisition opérant purge de plein droit
Expropriation pour cause d'utilité publique (ord. du 23 oct. 1958 article 7 et 8). Adjudication sur saisie immobilière (déc. du 1er mars 1967 article 17). Adjudication sur surenchère, même à la suite d'une vente volontaire.
b) Procédure de la purge
Personnes pouvant purger
En principe tout acquéreur de l'immeuble hypothéqué peut purger, qu'il s'agisse d'un acquéreur à titre onéreux ou à titre gratuit.
Cependant certains acquéreurs sont exclus du droit de purger:
- les acquéreurs à titre universel (héritiers, légataires universels ou à titre universel), car étant tenus des obligations de leur auteur, ils ne pourraient imposer au créancier un remboursement pouvant être partiel. Toutefois certains acquéreurs à titre universel peuvent purger : l'héritier bénéficiaire s'il a mis l'immeuble en vente et s'il s'est rendu adjudicataire, car il détient alors l'immeuble comme acquéreur ; ou encore le légataire universel ou à titre universel au concours avec un héritier réservataire car dans ce cas il n'est pas continuateur de la personne du défunt, puisque tenu de demander délivrance du legs à l'héritier réservataire.
- certains acquéreurs à titre particulier : ce sont les acquéreurs tenus par le contrat qui donnait naissance au privilège ou à l'hypothèque (par exemple : la caution réelle) ou encore les acquéreurs obligés à la dette (par exemple : la caution qui acquiert l'immeuble hypothéqué par le débiteur principal car la purge serait sans intérêt pour eux, puisque après la purge, restant débiteurs de l'obligation, ils pourraient être poursuivis sur tous les biens, y compris l'immeuble purgé.
Les phases de la procédure
- publication du titre d'acquisition par le tiers détenteur au Bureau des Hypothèques (article 2476 du Code Civil) ;
- notification à chacun des créances inscrits mentionnant offre de payer le prix entre les mains des créanciers et contenant certaines énonciations destinées à renseigner les créanciers sur la situation hypothécaire de l'immeuble (article 2478 et 2479 Code Civil).
Cette notification est faite par huissier commis sur requête par le Président du Tribunal et contenant constitution d'avocat;
- dans les quarante jours de la notification les créanciers peuvent accepter expressément le prix offert, ou tacitement en laissant passer le délai sans requérir la mise aux enchères. Ou bien refuser l'offre et requérir la mise aux enchères (article 2480 Code Civil) : cette réquisition s'effectue par exploit d'huissier, notifiée à celui qui a fait l'offre, et contenant constitution d'avocat, comme la notification. Le créancier doit, dans la réquisition, s'engager à porter le prix à un dixième en plus (surenchère du dixième) et offrir de donner caution à concurrence du nouveau prix et des charges;
- en cas de revente sur surenchère (article 2482 Code Civil).
Si l'adjudication est prononcée au profit du tiers détenteur, celui-ci peut avoir recours contre le débiteur en remboursement du supplément du prix et des frais ; il peut même avoir recours contre son auteur en cas d'acquisition à titre onéreux (article 1626 Code Civil) ou contre le donateur en cas de constitution de dot (article 1440 Code Civil).
Si l'adjudication est prononcée au profit d'une autre personne, on a résolution rétroactive du droit de propriété du tiers détenteur qui est tenu envers l'adjudicataire des détériorations causées à l'immeuble (article 2470 Code civil). Toutefois le tiers détenteur dépossédé possède un recours contre l'adjudicataire qui est tenu « au-delà du prix de son adjudication » de rembourser à l'acquéreur dépossédé « les frais et loyaux coûts de son contrat, ceux de la publication au Bureau des Hypothèques, ceux de la notification et ceux par lui pour parvenir à la revente » (article 2483 du Code Civil). D'autre part, il bénéficie aussi d'un recours contre les créanciers hypothécaires en remboursement des impenses jusqu'à concurrence de la plus-value (article 2470 Code Civil).