Doussain, l'ouverture

Le forfait de David Skréla a été confirmé par le staff de l'équipe de France. Il était attendu (on n'aura pas la cruauté d'écrire "espéré", car tous les reproches qu'on peut faire à un joueur quant à ses prestations ne justifieront jamais qu'on souhaite qu'il se blesse), tout comme était attendue l'annonce du nom de son remplaçant.

Avec un art consommé du contrepied, Marc Lièvremont a donc livré aux journalistes l'identité de l'heureux élu. Jonathan Wisniewski ? Non (il est blessé, il est vrai). Lionel Beauxis ? Raté (même situation au demeurant). Benjamin Boyet alors ? Toujours pas. Frédéric Michalak ? Tout faux ! Il fallait faire preuve d'imagination pour deviner le choix des sélectionneurs.

C'est donc Jean-Marc Doussain qui rejoindra prochainement la Nouvelle-Zélande pour remplacer David Skréla. C'est pour le moins surprenant. Voilà que Marc Lièvremont fait appel à un joueur certes prometteur mais encore novice au plus haut niveau, même s'il est un taulier des équipes nationales de jeunes. Un joueur qui connaît bien le poste d'ouvreur mais qui est désormais fixé à la mêlée.

Ce choix prête à interrogations. Pourquoi diable aller chercher un numéro 9 quand on a besoin d'un ouvreur ? Et le niveau des candidats en numéro 10 est-il si pauvre en France qu'il faille s'en remettre à des jeunes sans l'expérience nécessaire pour disputer une compétition mondiale ? Appeler Jean-Marc Doussain reviendrait-il pour les sélectionneur à considérer qu'ils se sont trompés en sélectionnant Yachvili ?

Sur ce dernier point, la performance très médiocre du Yach face au Japon ne constitue pas un motif suffisant pour justifier son éviction. S'agissant du remplacement du poste d'ouvreur, on avancera que le staff a sans doute préféré privilégier une solution interne, et plus particulièrement celle de positionner Damien Traille en doublure de François Trinh-Duc.Marc Lièvremont avait caressé l'idée d'en faire un titulaire à l'ouverture, gageons qu'il ne rechignerait pas à en faire un remplaçant. Au pire, Morgan Parra pourra toujous dépanner, comme il le fit samedi denier. Jean-Marc Doussain devrait donc jouer le 30ème homme et user son costume en tribune plutôt que son maillot sur le pré.

L'appeler en sélection apparaît en conséquence quelque peu...inconséquent. On le répète, le numéro 9 Toulousain est un talent promis à un grand avenir. Mais même si "aux âmes bien nées, la valeur n'attend pas le nombre des années", son inexpérience combinée à son absence au stage de préparation n'en font pas le candidat idéal pour mener le XV de France au titre mondial en octobre. 

La réaction du Stade Toulousain ne s'est pas faite attendre, puisque Guy Novès a décidé de ne pas lâcher son joueur avant le match contre Biarritz, prévu vendredi. Ce comportement en dit long sur le poids très relatif du XV de France au sein du paysage rugbystique Français (quel sélectionneur accepterait sans broncher qu'un joueur rejoigne son groupe dans des délais fixés unilatéralement par le club ?). Pour autant, on ne peut que défendre la position du manager des rouge-et-noir, qui se trouve fort dépourvu au poste de demi-de-mêlée et qui a même demandé à Jean-Baptiste Elissalde de reprendre une licence de joueur !

Ce nouvel épisode illustre la profonde incohérence du calendrier qui impose aux clubs du Top14 de disputer un tiers du championnat pendant la Coupe du monde. Qu'un club aussi puissant financièrement, dont le banc de touche est l'un des plus fournis de France en joueurs de qualité, soit obligé d'en recruter un de ses entraîneurs, voilà qui ajoute une touche de ridicule à cette situation déjà passablement ubuesque.

Alors Doussain, l'ouverture ? Celle des hostilités entre fédérations et clubs, assurément !