Le premier volet de l'exposition sur Les Années 68 au LAAC à Dunkerque (jusqu'au 18 septembre) se veut plus commémoratif, alors que les volets suivants porteront plutôt sur le psychédélisme (du 27/9 au 8/1) et sur l'esthétique pop (du 15/1 au 9/4), mais il ne faut pas s'attendre à une exposition historique, nostalgique, un refeuilletage de Paris Match. Une grande salle présente de nombreuses affiches, issues de l'atelier des Beaux-arts et anonymes pour la plupart : c'est là, avec ce véritable marqueur de cette époque, que la nostalgie fonctionne à plein. A côté (ci-contre) les affiches avec fotes d'ortografe d'Asger Jorn. De nombreux journaux de l'époque (ah, L'Enragé...), mais nécessairement présentés sous vitrines, intouchables et lointains, alors que l'envie est si forte de les feuilleter.
Il y a bien aussi quelques photographies, de Dityvon (j'aurais préféré Gilles Caron), qui servent aussi à aiguillonner les souvenirs, mais ni films, ni émissions de télévision, ni enregistrements radiophoniques, (en tout cas au sein de l'exposition car il y eut d'autres événements autour de l'expo), alors que, dans nos mémoires, RTL et Europe 1 sont inséparables de ces jours là.
Autour de ces éléments historiques, les oeuvres d'art rebondissent, certaines très proches comme cette composition sur bois et plastique de Rancillac, qui reprend la Une d'un magazine. Rancillac est d'ailleurs très représenté ici, bien plus que l'autre chantre de l'époque, Fromanger, plus stalinien sans doute. Rancillac, toujours lui, glorifie la République Populaire de Chine avec ce mur paravent négligemment posé là, comme abandonné : qui n'était pas maoïste alors ?
Mais la plupart des pièces montrées ici, provenant pour la plupart des riches collections du musée, paraissent moins proches de cet esprit, de ce moment. Mai 68 semble avoir été plutôt un prétexte pour exposer à nouveau la figuration narrative, le nouveau réalisme, voire Supports / Surfaces, sans que le lien historique soit toujours vraiment explicite. Certes, Ginsberg est inséparable de l'état d'esprit de l'époque et cette sculpture/peinture de Rancillac lui donne une étrangeté supplémentaire. Certes, Mai 68 est le début de la critique de la société de consommation et on peut donc y consacrer une salle.
Certes, c'est en 1969 que l'homme marcha sur la Lune et voici donc une salle spatiale, avec d'ailleurs, ce petit bijou de quelques centimètres, une reproduction de la seule oeuvre d'art déposée sur la Lune (le 2 août 1971 par le Cdt David R. Scott lors d'Apollo XV) : minuscule homme stylisé dû à Paul van Hoeydonck.
En bas, dans l'atrium, on est attiré par la reconstitution (2008) de la Chambre d'amour (1963) de Mark Brusse avec l'Argentine Marta Minujin : portail rose avec chaînettes aux formes évocatrices, tissus polychromes hallucinogènes, lit qui fut accueillant (et plus si affinités) - mais peut-on encore ? Mai 68 fut aussi une révolution sexuelle.
Voyage à l'invitation du LAAC.
Tous ces artistes excepté Dityvon étant représentés par l'ADAGP (c'est d'époque), les illustrations de leurs oeuvres seront ôtées du site d'ici un mois. Photo Dityvon courtoisie du LAAC; autres photos de l'auteur.