80.000 places de détention en 2018
Toujours à l'aise dans ses habits de premier flic de France, l'ex-ministre de l'Intérieur devenu président était en visite au centre pénitentiaire flambant neuf de Réau (Seine-et-Marne), qui doit accueillir ses premiers détenus en octobre. L'occasion pour le chef de l'Etat d'affirmer que le gouvernement déposerait à l'automne un projet de loi de "programmation relatif à l'exécution des peines" largement inspiré du rapport que lui avait remis en juin le député UMP Eric Ciotti. Le leader de la droite populaire proposait 80.000 places de détention. Chiffrage retenu par l'Elysée pour 2018. En revanche, pas de chiffrage budgétaire donné.
Autre mesure-phare puisée dans le rapport Ciotti, la possibilité pour les jeunes délinquants d'exécuter leur peine sous la forme d'un "service citoyen" de "quelques mois" dans le cadre d'un "établissement d'insertion de la défense". 20 nouveaux centres éducatifs fermés sont aussi annoncés.
"Absurde et dangereux"
Avec ces mesures, Nicolas Sarkozy bat une nouvelle fois le rappel de l'électorat de droite, voire d'extrême-droite. Mais ces effets de manche peinent à masquer ses résultats déplorables obtenus depuis qu'il est au pouvoir. La France est régulièrement épinglée pour sa surpopulation carcérale: au 1er août, la France recensait officiellement 64.052 personnes incarcérées pour une capacité de 56.506 places "opérationnelles". Les établissements pénitentiaires pour mineurs à la mode Sarkozy sont un cauchemar (à lire: "Cétait propre mais on a vite déchanté").Quant au durcissement concernant les remises de peine, ce mécanisme a déjà été jugé "pernicieux" par Mathieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, lors du rapport Ciotti. "Ce qui est pernicieux, c'est qu'on laisse entendre que l'on fait des cadeaux aux gens, alors que l'on décide d'applications des peines les plus intelligentes possibles". Pour le syndicaliste, la souplesse de l'application des peines permet surtout d'éviter les nouveaux délits en accompagnant la sortie de prison, là où le texte de Ciotti et le projet de loi annoncé aujourd'hui qui en découle représente "une machine à enfermer les gens et à créer de la récidive".
Réactions. Pour Ian Brossat, du PCF, "Sarkozy à bout de souffle sur la question de la justice des mineurs délinquants". Pour André Vallini, député PS: "Toutes ces annonces à quelques mois de la fin de son quinquennat sonnent comme l'aveu d'un terrible échec. Depuis dix ans, la droite ne cesse d'empiler, notamment contre la récidive, des lois sans en prévoir l'application. Et sur l'exécution des peines, le manque de moyens financiers de la justice aboutit à la paralysie de la chaîne pénale. Quant à la délinquance des mineurs, la fuite en avant vers le tout répressif ne sert à rien, si on ne donne pas les moyens équivalents à la prévention."
Une nouvelle charge contre les magistrats
Nicolas Sarkozy n'a pu s'empêcher d'envoyer une nouvelle pique aux magistrats qui s'étaient dressés contre lui lors de l'affaire Laëtitia en février dernier. Détaillant quelques mesures de lutte contre la récidive ("moyens supplémentaires" pour les injonctions de soins destinées aux délinquants sexuels, un "effort" pour améliorer la connexion des outils informatiques des différents services de police), il a précisé qu'il s'agissait d'éviter "l'erreur qu'on a connue récemment où il a été décidé de remettre quelqu'un en liberté parce que la dernière infraction n'était pas grave."
En février dernier, Nicolas Sarkozy avait violemment sonné la charge contre les magistrats qui avaient remis en liberté l'assassin présumé de la jeune fille, dénonçant des "dysfonctionnements graves" et promettant des "sanctions". Mais cette prise de parole à l'emporte-pièce s'était retourné contre lui. Aucune sanction n'avait été prise, hormis la mutation du directeur local de l'administration pénitentiaire. Au contraire, cette affaire avait mis en lumière le manque de moyens et de personnels de la justice française, contre lequel les magistrats s'étaient mis en grève.
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