Depuis quelques semaines, vous pouvez lire ci-contre certains communiqués du Collectif national de l'action culturelle cinématographique. A l'heure où des salles
comme le Méliès de Montreuil ou le Comoedia de Lyon sont attaquées, sous le fallacieux prétexte de "concurrence déloyale", par l'hydre UGK2 / MKGC, il est important, ici, de s'aventurer hors de
nos balises rock pour pointer les dangers encourus aujourd'hui par des lieux garants de la fameuse "exception culturelle française". Car ce ne sont pas que les salles qui sont menacées, c'est
aussi les festivals, beaucoup d'associations, des réseaux de diffusion, des structures d'éducation à l'image, dont les subventions - publiques - ont considérablement baissé, voire été supprimées.
Et surtout, il s'agit de pointer un climat général nauséabond où l'on voudrait nous faire croire que c'est forcément mal, en matière de culture, de toucher de l'argent public. Opposition
entre groupes privés et salles municipales, baisse massive des crédits aloués aux Directions régionales des affaires culturelles en direction de l'action cinématographique, bricolages pathétiques
du Ministère de la Culture pour calmer la colère qui monte, remise en cause, surtout, de toute une politique de décentralisation pour que seulement quelques festivals - triés sur le volet -
soient directement financés par le Centre National de la Cinématographie à Paris.
Toutes ces choses-là, pas mal de journaux (Libération, L'Humanité, Charlie Hebdo) s'en sont faits l'écho vendredi, jour de la cérémonie des César, le Collectif National de l'Action culturelle
cinématographique ayant appelé ce jour-là à une opération "Ecran noir" dans les salles de cinéma. Enfin, quand je dis les salles de cinéma, vous aurez bien compris que je parle des salles
indépendantes. Ce fut pour pas mal d'entre elles, l'occasion d'organiser des débats avec les spectateurs. Le rendez-vous fut suivi par 200 lieux (mais aussi, sous des formes d'action différentes,
par des structures autres que les salles). Après, on pourra déplorer que certains se raccrochent aux wagons (l'Association française des cinémas art et essai jusqu'alors plus que discrète citée
dans Libération ; le réseau Utopia aux positions plus qu'ambigües...), que l'on ne parle que des salles de cinéma quand c'est un secteur beaucoup plus large - tout ce qui a trait à la diffusion,
à l'accompagnement des oeuvres - qui est concerné. Peu importe, ce qui compte, c'est que l'on en ait parlé et que le "grand public" ait enfin eu vent de ces problèmes, certes un peu techniques,
mais tellement révélateurs d'un climat où tout ce qui a trait à l'action culturelle et au militantisme est assez mal vu...
En coulisses, il s'agissait aussi pour le Collectif national de l'action culturelle cinématographique d'obtenir une prise de
parole officielle durant la cérémonie des César. La demande faite par la Société des réalisateurs de films à l'Académie des César fut rejetée dans la journée de vendredi sous prétexte que seuls
les remettants et les récompensés avaient le droit de parler. Dans sa réponse, Alain Terzian, président des César, expliquant que de toutes façons les professionnels étaient au courant et que
certains ne manqueraient pas d'en parler (dans une belle hypocrisie pour justifier ses dires, il récupéra même le beau discours prononcé par Pascale Ferran l'an dernier). Les professionnels
concernés ? Pas si sûr. Et regarder la cérémonie le confirma. Il y a deux mondes. Cette "grande famille du cinéma français", comme on dit (avec un Jean Rochefort parfait dans le rôle du notable
bourgeois et je-m'en-foutiste) et les autres... Ceux qui s'escriment - bénévolement parfois - pour diffuser, accompagner les oeuvres. D'un côté, donc, ceux qui vendent du rêve (les stars, les
"artistes", le glamour rance), de l'autre, ceux qui aiment le cinéma, qui le défendent au quotidien et se font une haute idée de l'action culturelle et de l'accessibilité des films aux publics
les plus divers. Vendredi, donc, on regretta vraiment les dérapages jubilatoires des années précédentes, quand le Ministre de la culture était pris à partie par Pascale Ferran ou par Agnès Jaoui.
Christine Albanel, elle, fut préservée. C'est toujours pareil. Les récompensés sont tellement contents de recevoir leur prix qu'ils n'ont guère la tête aux revendications. Et, quelque part, on
peut les comprendre... Heureusement, vint Jeanne Moreau. Recevant un César d'honneur, elle n'oublia pas de dire quelques mots - improvisés paraît-il - sur la situation actuelle (à écouter
ici). Ce n'était pas très vibrant, c'était assez généraliste malheureusement. La plupart des téléspectateurs ont déjà dû oublier ces
quelques phrases. Dommage, mais c'était au moins ça...
Et puis ce matin, il y a un peu plus d'une heure, en écoutant France Inter, la nausée. Dans le "7/9 du dimanche", où la fin de l'émission était consacrée à ce qui nous tracasse, Jean-Michel
Frodon, rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, révèle à l'auditeur se réveillant tout juste que le texte de remerciement de l'absent Mathieu Amalric (César du meilleur acteur) a été censuré. Lu
par Antoine de Caunes. Mais privé de sa conclusion. Une conclusion où Amalric part dans une vibrante attaque contre les multiplexes, citant notamment le travail accompli par l'Association des
Cinémas de recherche en Ile-de-France et par les salles de province sur le film de Nicolas Klotz, La question humaine. On peut écouter l'émission ici, la déclaration d'Amalric étant à 1h54 du début. Invité dans l'émission pour représenter la Société des réalisateurs de films,
Christian Vincent (La discrète, Quatre étoiles) se déclara atterré et affirma que la SRF allait très vite demander des comptes à Alain Terzian, Président de l'Académie des
César. Il y a de quoi.
A suivre donc...
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