La Guerre est déclarée

Par Tedsifflera3fois

Un jeune couple confronté au cancer de leur petit garçon de 18 mois. Un sujet très casse-gueule que Valérie Donzelli traite sans plonger dans le mélodrame ou le docu-fiction. La Guerre est déclarée est une belle histoire d’amour, un Roméo et Juliette du XXIème siècle. Un amour qui est forcément une tragédie, et une tragédie qui oublie (un peu trop) d’en être une. Un film-plume.

Synopsis : Un couple, Roméo et Juliette. Un enfant, Adam. Un combat, la maladie. Et surtout, une grande histoire d’amour, la leur…

Valérie Donzelli a la bonne idée de ne pas nous imposer son histoire vraie. Certes, c’est une histoire vraie et presque tout le monde le sait. Certes les interprètes reprennent leur propre rôle, certes le scénario est (forcément) très documenté. Mais le film en lui-même ne le mentionne jamais, au contraire La Guerre est déclarée s’éloigne constamment du cinéma-vérité pour imposer la fiction. L’histoire contée pourrait finalement être vraie ou fausse, elle est forcément vraie puisqu’il s’agit d’une oeuvre de cinéma. Ce qui s’est vraiment passé n’a que peu de rôle à jouer là-dedans, si ce n’est en tant qu’inspiration.

L’histoire vraie du film, ce n’est donc pas celle de Valérie Donzelli et de Jérémie Elkaïm, c’est celle de Roméo et Juliette. Le choix des prénoms n’est pas innocent : Roméo et Juliette, c’est déjà une autre histoire, celle de l’amour qui lutte. La réalisatrice n’a pas fini d’inscrire son film dans la fiction et dans l’universel, elle prénomme l’enfant Adam, le premier homme, forcément mythologique, à mille lieux de toute réalité palpable. La réalisation, très libérée, rapproche encore un peu plus le film de la fable enchantée : Valérie Donzelli se permet tout, plans inventifs, images magnifiées, scènes fantasmées, ralentis victorieux, même une partie chantée qui rappelle Christophe Honoré.

La musique est omniprésente (et particulièrement importante ici pour accompagner les émotions des personnages), les couleurs sont chatoyantes, même les personnages secondaires ont quelque chose d’irréel en eux, ils sont les archétypes bienvenus d’un univers où la réalité se ressemble et se surpasse, bref d’un univers de cinéma.

Pour renforcer cette impression de conte sur la lutte éternelle entre l’amour et la mort, l’histoire prend souvent appui sur des voix off qui comblent les ellipses ou expliquent les ressentis des personnages. On ne triche pas : La Guerre est déclarée n’est pas une histoire vraie, il y a entre nous et la fable un narrateur, et même plusieurs narrateurs, puisque trois voix se succèdent. Les héros sont plus que jamais des personnages plutôt que des personnes dont on ferait un biopic, Roméo et Juliette et Adam, et toute la bande qui les entoure, famille et amis, autant de personnages secondaires qui apportent la vie à cette histoire sans jamais nous détourner de l’essentiel : non pas la maladie d’Adam, comme essaie habilement de nous le faire croire le film, mais la lutte d’un couple, pour sauver leur fils certes, mais avant tout pour sauver leur amour. D’une certaine façon, toute l’histoire aurait été possible sans que l’enfant tombe malade. La maladie est un facteur aggravant, une situation qui exacerbe les problématiques quotidiennes d’un couple qui voudrait durer, un contexte qui place les difficultés habituelles de l’amour (égoïsme, temps qui passe et qui éloigne, enfermement, ennui, disputes, argent…) dans un état d’urgence absolue.

Alors non, Valérie Donzelli ne nous rend pas otage de l’histoire forcément poignante d’un gamin qui contracte une maladie grave. Elle a l’intelligence de désamorcer tout suspense quant à la survie d’Adam dès la première image du film. Oui, Adam survivra, La Guerre est déclarée ne sera pas un thriller sur un couple qui lutte pour la vie de leur enfant, ce sera l’histoire d’une autre guerre, l’histoire d’un amour et de ses difficultés, l’histoire d’une course effrénée contre la vie qui essaie toujours de nous rattraper, quand ce n’est pas la mort.

Car c’est bien ce qu’on retient de La Guerre est déclarée : Roméo et Juliette semblent passer le film à courir, autant pour sauver leur gamin que pour continuer à vivre malgré ce qui leur tombe dessus. Ils courent pour ne pas se laisser accabler, ils courent pour vivre et pour se rappeler qu’ils vivent, donc que tout est possible.

L’énergie de ce film est indéniable, il y a là quelque chose de différent et donc d’admirable dans le paysage du cinéma français. Que manque-t-il alors pour que ce soit un vrai chef d’oeuvre? Sans doute une mise en perspective plus audacieuse qui permette de dépasser l’anecdote et de vraiment toucher l’universel auquel aspire la réalisatrice.

La Guerre est déclarée est un film éminemment sympathique, rempli de scènes drôles, touchantes ou singulières, notamment lorsque Juliette part pour Marseille voir le neurologue, apprend la maladie de son fils, s’enfuit dans les couloirs de l’hôpital (les 15 plus belles minutes du film), puis se reprend et transmet la nouvelle qui se répand comme une traînée de poudre, multipliant les réactions d’effroi parmi les personnages. C’est frais, c’est lumineux, c’est pop et c’est un peu gadget aussi. Les séquences se succèdent à l’image de celle-ci, si légères que le film finit par manquer un tout petit peu de consistance.

La Guerre est déclarée est un beau film d’amour déguisé en drame familial et médical. Peut-être parce que dans chaque amour il y a l’espoir d’être une famille et la crainte que ça doive se finir. Chaque rencontre amoureuse est une déclaration de guerre contre tous les écueils qui vont forcément se présenter. La vraie guerre annoncée par le titre est là, le vrai suspense du film aussi : Roméo et Juliette peuvent-ils survivre (ensemble) à tout ce qui s’abat sur eux? La réponse, c’est ce film aérien et un rien insignifiant.

Note : 7/10

La Guerre est déclarée
Un film de Valérie Donzelli avec Valérie Donzelli, Jérémie Elkaïm et César Desseix
Comédie dramatique – France – 1h40 – Sorti le 31 août 2011