Au lieu de se complaire dans la critique de l’Éducation nationale, expliquons comment on peut gagner en efficacité et en dignité avec d’autres moyens que ceux que proposent l’État.
Un article publié en collaboration avec l’ALEPS (*)
Le système scolaire français ne satisfait personne, et plonge dans les profondeurs des classements internationaux des pays développés (PISA). La rentrée scolaire connaîtra le 27 septembre prochain son cortège de manifestations d’enseignants contre la suppression de postes, de parents contre la suppression de classes. La solution ? La concurrence entre établissements autonomes et le développement de la liberté d’instruction.De la carte scolaire à la concurrence scolaire
La carte scolaire a été récemment aménagée, mais beaucoup de familles voudraient changer l’école, le collège ou le lycée de leurs enfants. Vous n’êtes pas satisfaits de l’institution scolaire qui reçoit votre progéniture pour des raisons qui vous regardent : elle est loin de chez vous, dans un quartier mal fréquenté, les enseignants ne sont pas de qualité, les fréquentations ne sont pas bonnes, il n’y a pas d’éducation, mais au contraire de la violence voire du racket ou de la drogue : peu importe, c’est votre sentiment.
Avec la carte scolaire, vous êtes pratiquement prisonniers. Quelques-uns finissent par se résigner, avec le sentiment qu’ils n’y peuvent rien.
D’autres savent qu’il y a un choix plus ouvert avec l’enseignement privé. Mais il y a trois barrières :
a) vous avez des préventions contre le privé, parce qu’il est souvent confessionnel (catholique à 90 %) et que vous êtes pour la totale laïcité ; c’est votre droit, mais vous devez savoir que par exemple les écoles catholiques reçoivent les familles de toutes religions et n’imposent pas toujours le catéchisme
b) vous vous dites que vous n’avez pas les moyens d’envoyer votre enfant dans une école de riches ; cette prévention n’est pas toujours justifiée d’abord parce beaucoup d’institutions privées ont pour vocation prioritaire de recevoir des familles aux revenus modestes, et adaptent le montant des scolarités aux ressources et aux charges des familles, ensuite parce vous pourriez faire le même calcul de nombreuses familles comme vous qui font de lourds sacrifices pour donner à leurs enfants une bonne éducation
c) vous savez qu’il n’y a pas de place dans l’enseignement privé, au moins à proximité de chez vous.
Deux changements décisifs pourraient intervenir ici :
1° Distribuer aux familles à revenus très modestes des bons scolaires (encore appelés chèques éducation ou « vouchers ») pour couvrir tout ou partie des scolarités dans l’enseignement privé. L’objection b) tomberait grandement
2° Donner à l’enseignement privé l’autorisation d’ouvrir davantage de classes et de créer de nouveaux établissements. La barrière c) sauterait.
Pour ce dernier point, cela signifie que l’on instaure une saine concurrence entre les deux systèmes d’enseignement. Comme dans tout système concurrent, il y a une stimulation qui permet d’améliorer le niveau : les moins bons sont obligés de s’aligner sue les meilleurs, faute de quoi ils se retirent. Par peur de disparaître nul doute que beaucoup d’écoles, publiques ou privées, amélioreraient la qualité de leurs enseignements et de leur éducation.
Ne pensez-vous pas indispensable de passer de la carte scolaire à la concurrence scolaire ?
Des programmes ministériels à l’autonomie pédagogique
Vous pouvez craindre que le contenu des enseignements ne soit pas le même, et que l’on s’écarte des programmes officiels, ce qui pourrait nuire à la suite de la scolarité et à la réussite aux examens et diplômes.
Observez d’abord qu’en ce qui concerne les résultats au bac, ce sont des institutions privées qui sont en tête. On dit qu’ils pratiquent la sélection. C’est vrai ; mais il y aurait sans doute une sélection moindre et naturelle s’il y avait plus de place dans ces « bonnes écoles », ou si l’on pouvait créer davantage de bonnes écoles : on revient à la question de la concurrence.
Mais êtes-vous toujours sûrs que le contenu des enseignements corresponde à ce que vous souhaitez pour vos enfants, compte tenu de leurs capacités, de leurs préférences, des débouchés ? Voulez-vous plus de sport ou moins de sport ? Est-il utile ou inutile de faire de l’histoire ? de la littérature ? Pour ou contre les fables de La Fontaine ? Ces questions se posent parce que vos enfants, et les établissements qu’ils fréquentent, sont enserrés dans des programmes conçus jusque dans le détail par le ministère, sans tenir compte de la diversité des situations des élèves et des familles.
Un changement décisif consisterait à laisser à chaque institution l’autonomie pédagogique, c’est-à-dire de vous proposer des enseignements et des filières diversifiées, avec une possibilité d’orientation en permanence en fonction des résultats.
Des fonctionnaires ou des maîtres
Vous avez peut-être la chance d’avoir à faire à des maîtres dignes de ce nom : attentifs, patients, compétents, et prêts à vous rencontrer pour parler de vos enfants. Ils exercent un vrai sacerdoce car ils ont des élèves difficiles, et le niveau moyen de l’éducation a diminué. Leur mérite n’est pas toujours reconnu par l’administration, les inspections sont rares et superficielles, et l’avancement se fait surtout à l’ancienneté.
D’autres parents n’ont pas cette chance, et sont confrontés à un corps enseignant peu motivé. Comme chaque année, cette rentrée scolaire se fait sous le signe du manque de titulaires et du recours à des remplaçants, et de l’entrée en fonction d’enseignants qui ne sont faits ni pour enseigner ni pour éduquer et sont surtout attachés aux privilèges de la fonction publique. Où sont les « hussards de la République » ?
La gestion du personnel par des rectorats et un ministère lointains débouche sur le désordre et l’arbitraire.
Vous trouveriez normal que le mérite soit reconnu, et que les nominations et affectations d’enseignants tiennent compte de leur qualité. Un vrai changement consisterait donc à accepter la mobilité volontaire du personnel, en droit de rechercher un poste dans un établissement de son choix, les établissements ayant à leur tour la possibilité de recruter librement une équipe cohérente et motivée. La rémunération pourrait également varier, la règle de l’ancienneté étant corrigée par des primes variables selon les établissements et les individus. Enfin, il devrait être possible de recruter des enseignants en dehors de la fonction publique : des emplois contractuels de maîtres se multiplieraient dans l’enseignement, tandis que le nombre de fonctionnaires serait appelé à diminuer. Une concurrence entre maîtres viendrait ainsi compléter la concurrence entre établissements.
Le choix pour tous : les bons scolaires
Il n’y a pas de concurrence entre établissements, ni de liberté de choix des familles s’il n’y a pas de financement approprié.
Aujourd’hui tous les établissements du primaire, du secondaire et du supérieur dépendent des fonds publics : État, régions, communes. Cet argent est payé avec vos impôts : au total environ 70 milliards d’euros ; le budget de l’Éducation Nationale est le premier poste de dépenses de l’État représentant plus de 20 % du total. Comme il y a 12 millions d’enfants scolarisés, chacun d’entre eux dispose théoriquement de 6.000 euros par an, soit 500 euros par mois. Avez-vous l’impression d’en avoir pour votre argent ?
Le paradoxe est qu’aujourd’hui l’école est « gratuite » (c’est-à-dire subventionnée par l’impôt) pour des familles aisées qui pourraient payer. Mais la gratuité n’est pas une garantie de qualité, puisque tous les établissements sont également dotés. Parallèlement les familles modestes n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants dans des établissements de qualité qui coûteraient peut-être plus cher.
En fait le choix des familles n’est responsable que lorsqu’elles payent elles-mêmes les études de leurs enfants. Différemment elles considèrent les études comme un « droit social » et se dispensent de tout contrôle, tout en déplorant la mauvaise qualité des prestations.
Il est vrai que beaucoup de familles ne pourraient offrir à leurs enfants l’école de leur choix. A ce moment, rien n’empêche qu’un bon scolaire leur soit attribué (par exemple d’une valeur de 500 euros par mois, correspondant à la moyenne nationale du coût scolaire), le bon étant remis à l’établissement de leur préférence. Ce bon, financé par l’impôt, marquerait ainsi la solidarité de tous les contribuables avec ceux qui sont dans le besoin.
Lire aussi :
Les articles notre Édition spéciale du 05.09.2011 consacrée à la rentrée scolaire.
—-
Article repris du site de l’ALEPS, Libres.org, avec l’aimable autorisation de Jacques Garello.
(*) L’ALEPS, présidée par le Professeur Jacques Garello, est l’Association pour la Liberté Économique et le Progrès social, fondée il y a quarante ans sous l’autorité de Jacques Rueff, dans la tradition intellectuelle française de Jean Baptiste Say et Frédéric Bastiat.