J’offre une place de cinéma pour aller voir The Human centipede 2 à ceux qui arriveront à la fin de cet article !
Effet du hasard, ou réel intérêt, le planning stratégique, obscure métier dans un secteur (la communication) tout aussi complexe, semble être au cœur des préoccupations en ce milieu d’année 2011. Propulsé au rang de chantier à l’AACC (qui a créé le bureau du planning du futur), malmené dans ses nouvelles formes digitales du coté du blog Le planneur ou avec encore plus de velléités chez Cyroul, et sujet d’un article très sérieux (mais très étrange) de Libé (à lire ici et commenté ici) sur les métiers inconnus, le planning attise curiosité, incompréhension et diversité d’interprétations.
Mais c’est vrai que le planning est un métier complexe à résumer. Et si Agathe, de Libé, à l’immense chance d’avoir une stagiaire à dispo pour y arriver, ça sent l’ambiguïté pour tout ceux qui n’auraient pas pensé à mettre leur dévoué(e) stagiaire à contribution. (417e par mois vaut bien une définition).
Rude question que d’expliquer clairement ce métier. À l’inverse de la création, la stratégie n’est pas facilement “palpable”. Souvent, je la définis plus ou moins comme ceci :
Le planneur, c’est celui qui doit comprendre ce qu’est le produit et qui sont les gens à qui il est destiné. En comprenant l’identité du produit (ses forces, ses faiblesses) et en comprenant les individus (leurs aspirations, leurs freins et leurs motivations) il doit trouver un concept, une idée centrale qui va exprimer au mieux le produit auprès des individus. Ce concept, c’est ensuite des créatifs qui auront la charge de le mettre en œuvre.
…. [silence]…
…. [sourire de circonstance]…
…. [silence]…
Œil inquisiteur, sourcil relevé, léger grattement du coude… Il n’a rien compris. Je prends alors l’éternel exemple d’Orangina… Et de sa pulpe que le public prenait pour du dépôt. L’application créative de secouer les hommes bouteilles exprimant concrètement l’idée stratégique de parler d’un bénéfice produit non considéré comme tel.
Clarisse Lacarrau, directrice adjointe du planning de BETC m’a donné une définition intéressante que je pense utile de vous livrer :
Le planneur, c’est celui, à l’agence, qui parle toutes les langues. La langue du client, la langue des commerciaux, celle des créas, la langue du business… Son rôle c’est de fluidifier tout ça. D’apporter de la cohérence et de l’unité. Tout cela dans le but de nourrir les créatifs. Car le planning n’existe que par la mise en œuvre créative de l’idée.
Le planneur serait alors un espèce de hub mettant en relation chaque spécificité, chaque aspiration pour arriver au meilleur “mélange”.
Là où les deux définitions se rejoignent, c’est dans le rôle primordial de la création. Le planning n’existe que par la création. Vous conviendrez tous qu’il est difficile de trouver une publicité qui brille par sa stratégie sans une bonne création. Évidemment, il existe des exemples, mais de manière générale, une bonne stratégie n’est visible que par la justesse de sa création.
Le blond, le ski et la mise en scène d’un sketch.
Si le planneur parle toutes les langues dans une agence, il est de sa responsabilité de faire entendre un peu plus la langue de l’individu. Car, en l’absence du planneur, si le commercial, le créatif ou le client restent représentés, l’individu lui… quand intervient-il ?
Jamais.
Voici, selon moi, le fondement du planning. À chaque étape, le planneur doit faire preuve d’empathie pour l’individu, se questionner perpétuellement sur les émotions et les réflexions qui vont l’agiter. Il doit pousser l’idée au combien simple mais trop souvent oubliée que l’on ne doit pas infliger ce que nous même nous n’aimerions pas voir…
Il doit être du coté de l’idée, de l’unicité d’un message que doit percevoir et COMPRENDRE l’individu. À chaque brief, il doit s’émanciper de ses préjugés pour revêtir ceux de sa cible.
L’humoriste est un excellent publicitaire : il sélectionne un insight, le met en scène de manière créative (costume, jeu d’acteur, intonation, arrangement de l’histoire…) et suscite l’émotion, l’intérêt des spectateurs. Il le questionne parfois.
Et ne me dites pas qu’il ne fait pas passer de message. Pensez un instant à Coluche, Jamel, Bedos, Guillon…
Le choix et la justesse de l’insight, sa capacité à le mettre en scène, l’histoire qu’il raconte sont autant d’outils qui permettent, au final, de véhiculer une émotion, de créer une complicité, de séduire un public aussi diverse dans la vie qu’homogène dans le partage de ce moment. Ainsi, selon notre personnalité, nous n’avons pas le même attachement aux humoristes. il en va de même pour les marques.
On ne peut pas ranger tout ceux qui réfléchissent dans le clan de ceux qui se prennent la tête.
Revenons à la vraie publicité. Au quotidien, que voit-il l’individu ? Chaque jour, nous passons devant des centaines de publicités… Les chiffres varient d’une étude à l’autre. De 150 à 3000 messages par jour… Je ne vais pas vous refaire le coup de la saturation, vous connaissez par cœur.
Par contre j’aimerai défendre l’idée que le planneur à un rôle essentiel à jouer.
Les débats récurrent disent que la communication manque de créativité… Je crois pour ma part qu’elle manque notamment d’idées.
Lorsque l’on regarde les publicités que l’on croise au quotidien, le constat est sans appel… Tristesse créative, évidemment. Mais tristesse intellectuelle aussi… La publicité de tous les jours ne véhicule pas de message, n’exprime rien et ne dit rien. Elle s’adresse à tout le monde comme elle s’adresse à personne. Pas d’insight, pas d’histoire, pas de mise en scène.
Tristesse intellectuelle car elle n’interpelle pas, ne questionne pas. Elle laisse indifférent.
Attention intellectuelle ne veut pas dire intello ou élitiste… Je suis résolument de ceux qui pensent que l’on peut parler intelligemment aux gens, sans être compliqué.
Mais je laisse le soin à Alexandre Astier de vous le démontrer.
Alexandre Astier tacle QVEMF chez Morandini par eteinstonpc
La publicité, avant d’être créative, ne devrait-elle pas avoir du sens ?
Il ne faut plus voir les marques comme un système structurel ou économique froid. Il faut les appréhender comme un individu avec son système de valeurs, son identité et ses ambitions.
Lorsqu’une marque communique elle donne des informations aux gens (de manière consciente et inconsciente) sur son univers de référence, son identité et son statut. Elle véhicule une image, des impressions auxquelles le public s’identifie ou non.
La publicité, avant d’être créative, ne devrait-elle pas avoir du sens ?
À force de clichés, à force d’uniformité, à force de supprimer la moindre aspérité, la publicité ne véhicule plus rien.
Pire, à l’instar de la politique elle n’est plus crédible. On lui reproche futilité, mensonge et manipulation. On souligne son manque d’engagement, d’idéologie pour mieux montrer qu’elle n’est qu’image et façade.
Une publicité qui ne dit rien sur l’essence de la marque n’est que réclame. Et comment avoir confiance dans une réclame… Il y a donc bien un déficit d’idée ou de message avant qu’il n’y ai un déficit de créativité !
L’art du contre exemple !
Dans ce bilan assez sombre, on peut quand même y voir de la lumière. Comme vous tous, je m’exaspère souvent devant la pauvreté des publicités que l’on croise chaque jour. Pourtant, je pense que tous les publicitaires passionnés par ce métier ont la même ambition : faire de la bonne publicité. Et c’est ce mince espoir qui nous fait aimer ce métier. L’espoir de voir une belle idée, une belle réalisation envahir vos télés, les murs du métro, de la ville et les 4ème de couv de vos magazines.
J’ai, comme presque vous tous, l’espoir d’une publicité plus créative avec plus d’idées et de bon sens. Loin de la complexité ou du mépris de l’individu, une publicité qui séduit, interpelle ou fait réfléchir les gens.
J’ai l’espoir d’un planning tourné vers l’individu et résolument convaincu qu’on peut l’intéresser. Et si j’entretiens ce (naïf ?) espoir, c’est que j’ai rencontré des publicitaires inspirants et que je vois quand même de très belles campagnes envahir notre quotidien.
Pour conclure, je voulais vous faire part d’une discussion que j’ai entendu il y a quelques jour, par hasard, à propos d’une publicité Canal +.
C’était à la sortie du métro. 4 personnes marchent dernière moi. Deux couples, trentenaires, communs.
L’un : “Oohh ! Moi la série que je veux voir c’est la nouvelle de Canal..”
L’autre : “Ahhh oui !! Platane avec Eric Judor.”
L’une : “Oui. vous avez vu la pub ?! Celle de l’amant avec Éric dans le lit”
L’un : “Elle est excellente ! Trop forte !”
La 4ème : “Tu sais que c’est une reprise d’une ancienne pub pour Canal ?”
L’autre : “Oui. Elle était géniale. Mais la nouvelle d’Éric est vraiment cool”.
La 4ème : “ha ha ha. trop fort quand il dit : de la oie ???”
L’autre (imitant Éric): “C’est pas pire que M. Placard ! ha ha ha”
L’un : “ha ha. J’ai vraiment envie de la voir !! En tout cas, Canal, ils sont vraiment fort pour créer des séries !”
Idée stratégique, qualité de la création, pertinence du message.
Tout est dit, non ?