Hier matin, sur le site de Marcoule, un four destiné à fondre des déchets peu radioactifs a explosé, créant un incendie qui causa la mort d’un salarié et blessa 4 personnes (dont une gravement). Les autorités ont rapidement écarté le risque de fuite nucléaire, mais cet incident pointe les lacunes de l’installation Centraco et révèle le manque de sûreté des installations nucléaires en France.
- Un accident « industriel » et non « nucléaire »
Hier matin, un four destiné à fondre des déchets à faible radioactivité a explosé à proximité du site nucléaire de Marcoule, dans le Gard. L’explosion a été suivie d’un incendie qui a fait 1 mort et 4 blessés (dont un grave). Un périmètre de sécurité a tout d’abord été installé autour du site par les pompiers et le plan d’urgence a été déclenché en interne, conformément à la procédure.
Il s’agit de l’installation Centraco, exploitée depuis 1999 par SOCODEI (filiale d’AREVA et d’EDF) qui est chargée de traiter les déchets nucléaires métalliques faiblement radioactifs en provenance d’EDF et d’Areva, fondus à 1 600 degrés dans un four à fusion.
Les autorités ont rapidement écarté le risque de fuite nucléaire, et la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet était sur les lieux dès 17h15. Ceci a ensuite été confirmé par l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) dans un communiqué de presse. En effet, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) et le laboratoire CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la Radioactivité), qui gère 6 balises dans la vallée du Rhône, n’ont décelé aucun rejets à l’extérieur.
EDF a aussi, dans un communiqué de presse, assuré que l’incident avait été maîtrisé et qu’il n’y avait aucun risque de fuite nucléaire, ni immédiatement ni dans le futur. Il précise aussi qu’une enquête a été lancée pour établir les causes réelles de l’accident.
De son côté, Greenpeace a réclamé une transparence complète et immédiate, afin que la population locale soit informée en temps réel des risques potentiels. Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire pour Greenpeace France, insiste : « Ce site n’est pris en compte ni dans l’audit des installations nucléaires françaises demandé par le gouvernement, ni dans les dernières inspections faites par l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Cela démontre une nouvelle fois que la France n’a pas retenu les leçons de Fukushima.»
- Le site de Marcoule a déjà de lourds antécédents
L’ASN avait déjà épinglé le site de Marcoule en 2010 en lui demandant, suite à des inspections, d’améliorer son système de sécurité. La Centraco est actuellement en cours d’amélioration de son système de sécurité, notamment concernant le four à fusion. Mais en Mai 2011, lors d’une autre inspection, l’alarme à incendie a subi un dysfonctionnement qui l’a rendue non opérationnelle pendant 4 jours. Déjà en 2008, un audit avait révélé que l’installation ne respectait pas les délais imposés pour la réalisation d’essais sur les détecteurs d’incendie. Ces deux incidents avaient été classés par l’ASN au niveau 1 de l’échelle internationale de gravité des événements de l’INES (International Nuclear Event Scale, graduée de 0 à 7).
L’ASN avait aussi noté d’autres dysfonctionnements sur le site de Marcoule, tels que des installations électriques défaillantes ou du liquide inflammable entreposé à côté de matériel de soudure. En tout, 18 rapports d’incidents ont été répertoriés. Il semblerait aussi qu’il y ait un manque de formation des salariés à la radioactivité, notamment ceux qui travaillent sur le four à fusion mais qui sont plutôt experts en sidérurgie.
- Colère des écologistes et militants anti-nucléaire
Cet incident ravive les inquiétudes des écologistes concernant la sécurité du nucléaire, et Eva Joly a déclaré que « cet accident remet sur le devant de la scène le risque inacceptable que constitue le nucléaire sur la vie humaine. Les alternatives énergétiques existent, l’heure est venue de sortir du nucléaire ».
En effet, l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) a demandé des comptes à l’ASN concernant l’incident, et en a profité pour rappeler la nécessité d’améliorer la sûreté nucléaire, 6 mois à peine après la catastrophe de Fukushima et presque 10 ans après AZF.
Les associations écologistes et anti-nucléaire ont elles aussi vivement réagi suite à cet incident, en précisant que même si l’accident n’est pas nucléaire, il s’est produit à proximité d’une centrale qui abrite un réacteur nucléaire à l’arrêt, qui stocke des grandes quantités de déchets nucléaires et radioactifs et qui manipule du MOX, un combustible hautement radioactif. Sans compter que le site compte plusieurs milliers de salariés qui auraient pu être touchés, les conséquences si l’incendie n’avait pas été maîtrisé auraient pu être catastrophiques.
- Avis Sequovia
Même si l’incendie a été maîtrisé et que le risque de fuite radioactive est écarté, il faut tout de même considérer cet incident comme un accident grave, qui a causé la mort d’un salarié et qui aurait pu faire des dégâts beaucoup plus catastrophiques avec la proximité de matières hautement radioactives sur le site de Marcoule.
Les manquements à la sûreté pointés par l’ASN sur l’installation Centraco et le site de Marcoule sont inadmissibles étant donné les leçons de l’histoire comme Fukushima récemment ou AZF il y a 10 ans. Cet incident fait donc ressurgir le problème de sûreté des installations nucléaires mais alimente aussi le débat énergétique.