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M'en allant toute guillerette, tout comme Perrette, qui sur sa tête, portait ses projets en pagaille, aussi remplie d'innocence et de joie que la pauvrette de la fable, j'emprunte l'escalator journalier et je le vois de loin, il fait semblant de jouer de la guitare. Dans les oreilles, entre Trent Reznor et Dead can Dance, je me rapproche mais reste à bonne distance, technique je l'ignore. Soudain, il s'assied sur le bord du quai, gesticule, rit, s'esclaffe. Je regarde le marqueur, métro dans deux minutes, je regarde les quatre pelés autour de moi, personne n'esquisse le moindre geste. Je m'avance vers lui, I-pod, toujours sur les oreilles, je lui prend la main, grande, chaude et sèche, j'essaie de le tirer pour qu'il se relève, mais il résiste. Alors je le regarde loin dans les yeux et dis: "monsieur s'il vous plaît, levez-vous!" (il est probable que je gueule fort). Il répond: woo non, ça vaut pas la peine, son haleine pèse des litres d'alcool, il ne lâche pas ma main. Je fais des moulinets avec l'autre bras regardant les gens autour, language non verbal, aidez-moi bande de connards, tout en essayant de le tirer à nouveau. Il fait poids lourd, je lâche sa main et m'éloigne de deux mètres, métro dans une minute...Je me demande, est-ce que j'aurai la force de le tirer au moment fatiditique, on dit que dans ces moments là, la force est décuplée. En face, les gens s'affolent, mais tout à coup il se relève, recommence à danser en riant... Je monte dans la rame, tremblante comme un lapin qui vient d'échapper de justesse au fusil d'un chasseur acharné. La semaine commence très bien, je l'avoue sans honte, la honte n'étant pas une de mes émotions favorites.