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SON CORPS EXTREME, de Régine DETAMBEL

Par Geybuss

SON CORPS EXTREME, de Régine DETAMBEL

Roman - Editions Actes Sud - 148 pages - 17 €

Sortie le 12 août 2011

RENTREE LITTERAIRE

L'histoire : Un poteau, une voiture pliée.  Alice, la cinquantaine, est désincarcérée de la taule qui la gardait prisonnière déjà comme dans un cercueil. Elle est dans le coma et son corps est brisé de partout. Les jambes surtout.

Par les mots de l'auteur, nous partageons et vivons ce lent, très lent retour à la vie d'Alice. La conscience, puis la réappropriation du corps et sa rééducation.

Tentatrice : Clara

Fournisseur : Actes Sud, merci pour l'envoi.

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  Mon humble avis :Ce sont des ouvriers d'un chantier de nuit, une nuit à étoiles filantes, qui aperçoivent en premier la voiture. On ne sait d'où elle vient... S'il s'agit d'un accident ou non.... D'ailleurs, on ne le saura jamais vraiment, car là n'est pas l'important. Laissons à Alice ce doute, ce secret, cette intimité. Nous retrouvons Alice dans le coma, puis éveillée, de services hospitaliers en autres services, avec des voisines de chambres différentes, plus ou moins rassurantes, plus ou moins encombrantes... Enfin, Alice arrivera dans un centre de rééducation fonctionnelle. Dernière étape, mais pas des moindres. Presque deux ans encore.

 A mes yeux, ce roman brille avant tout par sa haute qualité littéraire. L'écriture est sublime, soignée, polie, délicate, poétique. L'écriture peut être aérienne ou très franche, voire tranchante suivant la situation.

J'ai beaucoup aimé ce livre, même si sa lecture n'a pas été facile. Le sujet est très grave, lourd et n'est pas sans évoquer un épisode interminable de ma vie, même si les proportions ne sont pas les mêmes.

Pour moi, ce fut un AVC... Quoiqu'il en soit, c'est le milieu hospitalier, le rapport avec le personnel soignant (que je trouve plus attentionné dans le roman que dans la réalité. Peut-être parce que justement, dans le roman, les soignants ont le temps... là où dans "la vraie vie", chacun est débordé par le manque de personnel et de moyen). Il est souvent question de douceur au fil des pages... J'aurais aimé la sentir cette douceur quand c'était mon tour... L'hôpital est mécanique, comme un garagiste. On soigne le corps au mépris de l'esprit... On vous interroge sans cesse sur l'échelle de 1 à 10 de votre douleur physique... mais jamais une question sur votre souffrance morale. Bref, petit message personnel en passant. 

Cela mis à part les jours et les nuits de l'hôpital, les bruits, des chariots, des portes, des pas... Tout est parfaitement décrit dans ce roman. Lorsqu'Alice reprend conscience, elle se rapproprie son esprit, ses souvenirs. Entre moments d'abattement et de repos. Un psychiatre l'aide à démêler cela, à fouiller dans un passé que l'on découvre assez sombre.  Je me suis demandée à quelle branche Alice allait se rattraper pour se battre et survivre.... Et trouver le déclic.... Le déclic, ce moment où son cerveau décidera qu'il est temps de ce rapproprier son corps. Je ne sais pas si ce déclic est conscient, choisi ou inconscient... Juste un instinct de survie. Le miracle de l'alliage le plus mystérieux : le corps et l'esprit.

La dernière partie m'a particulièrement émue. La rééducation fonctionnelle où les victoires se calculent en mètres et en mois...

Ce roman est très foisonnant, je vous laisse découvrir la personnalité complexe d'Alice et les différents personnages qu'elle croise tout au long de son retour à la vie, tout comme l'impact inconscient de son patrimoine familial sur sa vie. Vous vous demandez sans doute pourquoi je n'octroie pas 4 étoiles à ce livre qui pourrait grandement les mériter. Parce que la méthode narrative m'a parfois un peu égarée... J'avais l'impression que me retrouvais tantôt dans les souvenirs d'Alice, tantôt dans son présent, sans être prévenue de ce changement par une ponctuation, un changement de style ou un : Alice pensa que.... le psy lui répondit que... même si j'en suis consciente, le style s'en serait alors retrouvé alourdi. Cela m'a perturbée.

Pour moi, "Son corps extrême" est un vibrant hommage à tous les cassés de la vie, accidentés ou en longue maladie, qui ont la force, le courage de se battre, de survivre, de revivre... Et surtout, la patience de prendre le temps. Ce temps nécessaire autant au corps qu'à l'esprit pour se renconstruire. La patience, c'est tellement dur quand le temps a failli s'arrêter. Et pourtant, le temps, on est les seuls à pouvoir se le donner vraiment.

Voilà, je redoutais la rédaction de ce billet que je reportais depuis plusieurs jours. C'est tout ce que je peux donner, même si c'est peu devant la brillance et la richesse de ce livre. 

"Telle est la mission de l'alitement forcé, faire qu'on s'arrête et qu'on regarde mieux... pour que le cours de la vie reste cohérent et fluide"

"Alice comprit qu'elle voulait que tout ait un sens, il fallait toucher les gens. Elle parlait beaucoup du regard"

"Alice écrit que vivre sans terre ferme sous ses pieds, c'est vivre sans droit et sans liberté".

"... Tout ce populo est bien résolu à  former un corps digne de ce nom à nouveau. Croire en la passivité d'un malade est un affront. Des transformations silencieuses. On imaginerait à tort la vie d'Alice comme une vie murée et incapable."

" Quand donc a commencé la guérison ? Une chose est sûre, tout a changé sous les yeux d'Alice sans qu'elle s'en aperçoive. Un grand chavirement s'est produit et maintenant, voilà que le déclin lui même décline.... Pendant quelques mois, guerir est plus rapide que vieillir et même renverse la vapeur. On rajeunit";

"Lorsque l'on veut comprendre quelque chose de sa propre vie, il faut en parler avec le premier venu. Nul besoin d'un esprit particulièrement pénétrant, l'illumination viendra en parlant."

  

"Elle jubille.Le lendemain, elle réclame un chronomètre. Parcourir 4 mètres lui prend une minute et 54 secondes, ce qui représenterait un sprint de 100 mètres en un peu moins d'une heure..."

Juste après ma lecture, après la dernière page, je suis sortie, je suis allée prendre l'air. Avec mon podomètre, je suis allée marcher dans la compagne tourangelle. Chacun de mes pas avait une autre saveur, une autre valeur...

 Les avis de Clara, Leiloona et de Liliba

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