Depuis dimanche, l'un de ses proches, spécialiste de l'Afrique, s'épanche dans les médias sur les mallettes de billets qu'il aurait déposé dans les bureaux du couple Chirac/Villepin pendant une décennie. La charge est unilatérale, sarko-compatible, et intervient alors que Pierre Péan livre son dernier ouvrage sur d'autres transports de mallettes.
De la faillite morale à la faillite tout court, il n'y a qu'un pas. Nicolas Sarkozy pouvait s'inquiéter des nouvelles secousses de la planète finances. Malheureusement, il a toujours les yeux rivés sur l'accessoire ou l'anecdotique, la course présidentielle à droite.
Agitation politicienne
L'alliance centriste se retrouvait, dimanche 11 septembre, pour une première célébration collective à la Grande Motte. Une université d'été avant même que le parti ait une quelconque existence politique nationale, la démarche ne visait que l'élection présidentielle.
Jean-Marie Bockel, ancien socialiste, ancien sarkozyste, président d'un groupuscule baptisé la Gauche Moderne financé par l'UMP, était présenté comme le grand instigateur de l'opération. Il y a un an, alors secrétaire d'Etat à la Justice, il faisait encore du pied de grue auprès du Monarque. Il applaudissait la chasse aux Roms, le discours de Grenoble et déclarait publiquement combien il était sûr que Nicolas Sarkozy le conserverait dans son équipe. En novembre, extrêmement déçu de ne pas avoir été reconduit, il expliquait, toujours publiquement, qu'il était « tombé de l'armoire » en apprenant son éviction. En février, il quémandait une mission sur la délinquance auprès de Nicolas Sarkozy. Las, la collaboration s'arrête là. Sarkozy ne le réintègre toujours pas dans son appareil à la faveur des mini-remaniements provoqués par les affaires et le printemps arabe. Pour Bockel, c'est fini.
Aujourd'hui, le même Jean-Marie Bockel tient un autre discours: « C'est à cause de nos spécificités sur le fond que nous avons pris nos distances avec l'UMP ». Bockel n'a ni honte, ni remord, ni mémoire.
Quoiqu'il en soit, cette agitation centriste agace toujours autant l'Elysée. Il y a 10 mois, quand Jean-Louis Borloo refusa de rester au gouvernement Fillon faute d'en avoir le leadership, Nicolas Sarkozy était resté calme. Les mois ont passé. Borloo a franchi un cap. Celui qu'on décrivait hésitant va partir. Il s'obstine. Plus Sarkozy fait pression, plus le dissident se motive.
A Nice, l'UMP avait organisé un contre-meeting, à quelques centaines de mètres de l'université d'été du Front National. Il s'agissait en fait d'une session de rattrapage, après le fiasco du « campus UMP », le weekend dernier à Marseille.Il fallait montrer que l'UMP était « zen » et « rassemblée » malgré ses
Inquiétude économique
La véritable actualité était évidemment ailleurs. Lundi, la Sarkofrance avait deux raisons de trembler, la bourse... et les affaires.
La planète finance s'affolait toujours autant. Samedi, Christine Lagarde avait du « relativiser » les évaluations de recapitalisation des banques françaises réalisées par ses services. Le gouvernement Sarkozy a peu apprécié que celle qui faisait encore partie de l'équipe il y a peu se permette de changer d'avis sur l'incroyable résistance française à la crise aussi rapidement. La directrice du FMI participait à un sommet sans décision des ministres des finances du G20. Un rapport préliminaire du fond sur la stabilité financière mondiale évaluait à 200 milliards d'euros le besoin des banques européennes en capital. Finalement, on nous explique qu'il s'agit d'une erreur méthodologique... Faudrait-il cacher la panique ?
Lundi, les banques françaises voyaient encore leur cours chuter en Bourse. Le Monde nous prédit une baisse prochaine de la note de crédit des banques françaises. L'agence Moody's confirme: ce serait « imminent ». La Société Générale est particulièrement attaquée: « je rassure les épargnants, je rassure nos clients, tout fonctionne, il n'y a pas de souci » s'excusait son directeur général lundi soir. Nous sommes revenus en septembre 2008, la crise de la dette souveraine en plus... Quasiment jour pour jour. L'agitation sarkozyenne depuis 3 ans n'aura servi à rien.
Le CAC perd encore 4%. On frôle le gros krach. François Fillon, qui parlait dans un colloque, veut rassurer, trop tard: « Il ne faut pas qu'il y ait le moindre doute sur notre volonté de protéger la zone euro ».
Et après ? Après c'est la France, la Sarkofrance, dépensière et incertaine. L'Allemagne doute officiellement du maintien de la Grèce dans la zone euro.
Faillite morale
Côté justice, les accusations fracassantes de Robert Bourgi dimanche ont fait le bruit espéré. L'avocat d'affairesétait dimanche soir sur TF1, puis lundi matin sur Europe1. Au premier, il confirment les millions de dollars ou d'euros que Jacques Chirac et Dominique de Villepin auraient reçu, entre 1995 et 2005, de la part de quelques chefs d'Etat de Françafrique. Au second, il précise le montant total, « environ 20 millions de dollars », s'excuse de n'avoir aucune preuve autre que sa parole, et élargit l'accusation à Pompidou, Giscard et Mitterrand.
Un peu plus tard lundi, Bourgi s'épanche sur BFM-TV. C'est Jean-Marie Le Pen qui se voit associé à l'affaire, l'avocat balance que « que monsieur Jean-Marie Le Pen, avec le discours xénophobe, raciste qui est le sien, a fait le détour de Libreville et d’Abidjan avant les élections présidentielles de 88 » et que « le président Bongo a financé la campagne électorale de monsieur Jean-Marie Le Pen en 1988. » Quelques heures plus tard, Jean-Marie Le Pen éructe, sur i-télé: « Je me suis renseigné sur Robert... Gourbi... Bourgi», « cet énergumène est un arabe chiite (...) qui ferait des passes au Bois de Boulogne. » Quand Le Pen est touché, il dérape, et toujours gravement.
Seul Nicolas Sarkozy, pour lequel Robert Bourgi travaille « en exclusivité » depuis septembre 2005 n'aurait jamais gouté de ce pain-là des mallettes... On se demande pourquoi Sarkozy n'a pas saisi la justice quand Bourgi l'informa de l'ampleur de cette corruption. Interrogé dimanche, Claude Guéant, proche de Robert Bourgi, dédouana son patron: «Je crois que Robert Bourgi a effectivement évoqué en termes très généraux des financements. Je ne pense pas qu'il soit jamais descendu dans ce luxe de détails qu'il a fournis aujourd'hui»
Mieux, le site Mediapart a publié le discours prononcé par Nicolas Sarkozy, à huit-clos, quand il a lui-même remis la Légion d'honneur à l'avocat Robert Bourgi, « sur la suggestion de Claude Guéant » et à la demande de Renaud Dutreil. Ce 27 septembre 2007, la cérémonie n'était pas mentionnée dans l'agenda officiel, et il n'y avait que quelques ambassadeurs d'Etats africains pour entendre Nicolas Sarkozy louer « une amitié de 24 ans » et se féliciter de « pouvoir continuer à compter sur ta participation à la politique étrangère de la France, avec efficacité et discrétion ». Une video amateur a été publiée sur le site du Point.
La faillite devient protéiforme en Sarkofrance.
Lundi, en fin de matinée, une explosion tuait une personne et en blessait trois autres dans la centrale nucléaire de Marcoule dans le Gard. L'Elysée n'a pas réagi.