En général, les artistes sélectionnés pour le Prix Ricard sont de jeunes artistes plasticiens français, plus ou moins 'à la mode', mais assez représentatifs des tendances qu'on peut trouver ici, des recherches qui se font à Paris ou en province. Cette année, dès la lecture du communiqué de presse, on s'interroge : un texte en anglais sur le bar (seabass) et sa mauvaise traduction automatique en français, qu'est-ce à dire ? Et des noms d'artistes pour la plupart inconnus. Seul le nom du commissaire est connu : c'est lui qui présenta il y a peu David Hamilton comme l'artiste le plus important du siècle. Le catalogue nous apprend, après trois pages de banalités sur les affres du commissariat d'exposition, qu'il n'a pas justement voulu choisir des artistes connus, "ceux qui sont le produit du système et ont essentiellement l'envie de faire carrière". En effet, c'est plutôt de l'envie carriériste du commissaire qu'il est question ici.
La première réaction, au milieu de ce pataquès, est 'heureusement qu'il y a ici Loïc Raguénès' ! (la deuxième est de penser que c'est là un complot du consortium dijonnais pour le faire gagner à coup sûr, vu la faiblesse des autres candidats) Ce n'est pas parce qu'il est dijonnais, comme le commissaire et ses compères locaux, que Raguénès me plait (et que j'ai voté pour lui), c'est parce que son travail sur l'image est rigoureux, réfléchi, construit, systématique, empreint d'histoire, parce qu'il nous amène à nous interroger sur la décomposition et la recomposition de la représentation, parce qu'aussi il impose au spectateur la nécessité de trouver sa distance, son point de vue, son angle d'attaque, de vision.
Le reste du lot comprend un couple de designers à la mode qui s'étaient déjà imposés à Metz (parce que le design fait par des designers, c'est mieux que la sculpture faite par des plasticiens), un photographe de mode qui se pique de botanique (parce que la photo de mode c'est mieux que la photo plasticienne, d'ailleurs Guy Bourdin) et un autre qui photoshoppe des vagues et des palmiers, deux étudiants en architecture qui montrent les collages présentés pour leur diplôme (maisons de verre et la Betty de Gerhard Richter collée là à l'envers), et enfin un dessinateur coloriste que-je-vous-jure-Mâme-Michu-mon-fils-de deux-ans-il en-fait-autant.
Ce n'est même pas impertinent, juste pas pertinent, et un peu triste pour le visage que ça donne de la jeune création française cette année. Le dessin (gouache sur carton) de Loïc Raguénès ci-dessus est tout un symbole (Le balayeur).