Khidr est le guide caché des soufis qui erre de par le monde sous de multiples déguisements, s'efforçant d'aider les hommes.
Un jour, Khidr rencontra un homme pieux et lui dit : “Que puis-je faire pour toi ?
- Ne fais rien pour moi, dit le dévot. Mais si tu rencontres mes disciples au cours de tes voyages, aide-les.”
Khidr lui demanda :
“Comment les reconnaîtrai-je ?
- À leur nom, dit l'homme pieux, je vais te donner leur nom…
- Nous autres, habitants du monde invisible, dit Khidr, nous ne reconnaissons pas les gens à leur nom, mais à leurs qualités.
- Ça n'est pas un problème, dit l'homme pieux : je peux énoncer les qualités de mes trois disciples. Le premier est charitable, le second est sobre, le troisième est maître de lui.”
Khidr promit par ces mots :
“En tant que membre du gouvernement invisible, c'est de toute façon ma tâche de venir en aide à ces gens-là.”
Peu après, Khidr rencontra un homme sans ressources et le vit donner son dernier sou à une femme méritante. Khidr passa son chemin sans l'aider. Puis il s'arrêta un instant écouter un homme prêcher l'abstinence et prier Dieu de l'aider dans ses travaux. Khidr ne fit rien pour lui. Enfin, il vit un homme bondir de joie à la pensée d'être vivant alors même qu'il était affligé d'une terrible infirmité. Khidr ne vint pas vers lui.
Il parcourut la terre. Ce voyage achevé, il retrouva l'homme pieux, qui lui dit :
“Ton chemin a-t-il croisé celui de mes disciples, et les as-tu aidés ?
- Il m'a fallu aider, répondit Khidr, parmi tous ceux que j'ai rencontrés, ceux qui méritaient de l'être. Mais je n'ai remarqué personne qui corresponde à ta description.
- Veux-tu me décrire ceux que tu n'as pas pu aider ?” demanda le dévot.
Khidr lui parla des trois hommes.
“Mais ce sont mes trois disciples ! s'exclama le dévot.
- Si c'est là ce que tu leur as enseigné, dit Khidr, peut-être es-tu pieux, mais tu fais assurément fausse route.
“Le premier des trois a donné son dernier sou, et cela lui a fait plaisir de le donner : il a été aussitôt payé de retour. Il n'est pas charitable. Le second était abstinent, mais seulement en certains domaines : il était avide de convertir autrui et d'obtenir la faveur divine, et ne s'abstenait pas de cette avidité. Quant au troisième, il est peut-être maître de ceci ou de cela, mais il n'est certainement pas maître de lui.”
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