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Olé n°191 : Notre République, tu l’aimes ou tu l’acquittes

Publié le 12 septembre 2011 par Toreador

La mythologie grecque raconte que le Sphynx posa à Oedipe cette énigme"Quel être, pourvu d'une seule voix, a d'abord quatre jambes, puis deux jambes, et finalement trois jambes ?" - Oedipe répondit "l'Homme".

Nous serions tentés aujourd'hui de préciser derrière "l'homme … politique". Car, s'il n'a bien qu'une seule voix dans l'isoloir, comme vous ou moi, il passe bien par 3 états ambulatoires dès que la Justice s'intérèsse à lui. 

Quatre jambes : trop tôt pour juger

Regardez M. Guerini. Des centaines de preuves et de témoignages accablants démontrent qu'un système délictueux a parasité et dévoyé les embauches au Conseil Général des Bouches du Rhône, ainsi que les marchés publics passés par le Département. Le parquet tire la pelote et petit à petit, tout le who's who du PS est invité à l'évêché*.

In fine, M. Guerini est finalement mis en examen – mais il ne démissionne pas, et, si vous voulez mon avis… il a raison !

Il a raison, parce que les électeurs, malgré les preuves effarantes réunies contre lui, l'ont réélu, et parce que ses pairs l'ont remis en haut du perchoir. Des juges peuvent-ils, au nom du peuple français, défaire ce que le peuple lui-même a souhaité ? J'en doute !

Peut-on protéger le peuple contre lui-même ? Nemo auditur propiam turpitudinem allegans…

N'aurait-il pas un blanc-seing pour agir comme il le souhaite avec l'argent des contribuables-électeurs ? Les électeurs singent Madame Bettencourt…

En plus, Guerini, en sus de son assurance d'élu, a droit au régime général – il est présumé innocent. Il marche donc à 4 pattes, écrasé par ce qu'il appelle "une machination", à tout le moins la procédure. Mais il ne paye pas encore ses crimes – il est libre, max. 

Deux jambes : trop peu pour juger

Dieu merci, cette très longue période d'instruction ne dure qu'un temps. Ensuite, la Justice rentre dans l'âge adulte – elle finit par se dresser sur ses ergots, et abattre ces puissants qui jouent avec la morale publique. Enfin, abattre… le mot est fort.

Tiens, au hasard – Notre justice est quand même arrivée à relaxer Dominique de Villepin en première instance du procès Clearstream au motif que laisser faire des services qui pourchassent Sarkozy, ce n'est pas donner des instructions en ce sens. Le vrai coupable, c'est Gergorin – il n'y a qu'à se demander "A qui profite le crime ?", et vous verrez que c'est Gergorin qui avait tout à y gagner. Il voulait être candidat en 2007, c'est de notoriété publique. Et il détestait Sarkozy. 

Aujourd'hui, on nous a appris que le même Villepin collectait pour Chirac des millions d'euros en liquide tout en faisant la morale sur l'Afrique. Villepin crie au complot, mais cela fait quand même beaucoup. Voilà que Robert Bourgui dessine un autre visage – méconnu – de l'ancien Premier ministre. Heureusement que Villepin n'était pas jugé aux Etats-Unis, le procureur aurait sans doute trouvé que ces éléments "entament gravement la crédibilité" de la victime. 

Mais comme la Justice (Française) ne trouve rien à redire, Villepin est sur ses deux pattes, fièrement campé, prêt à se présenter en 2012. Comme le coq gaulois, qui est notre emblème, parce que même les pieds dans la merde, il continue à chanter.

Comme le dit le Parisien : "Si de Villepin s'est intéressé de très près à l'affaire des prétendus comptes occultes, « pressentant l'avantage politique qu'il pourrait tirer de cette révélation dans un contexte de rivalité notoire au sein du gouvernement », il n'a pas commis d'infraction pénale. Reste des zones d'ombre, des mensonges, des contradictions. Mais le tribunal n'est pas là pour donner des leçons de morale."

Trois pattes (et un canard) : trop tard pour juger

Mais rassure-toi public. Quand il y a VRAIMENT des preuves, et que la culpabilité ne fait aucun doute (enfin, des fois mieux vaut pas assez outreau ? on se le demande ), le droit triomphe. La Justice finit par statuer. Contradictoire, avocat dès la première heure, vice-de-forme, renvoi, Instance, appel, cassation, question préliminaire de constitutionnalité, Cour Européenne des Droits de l'Homme, Cour de Justice des Communautés Européennes… la Justice met 20 ans.

Et au moment où elle pourrait punir les vilains – tiens, au hasard le toujours-présumé-innocent-Chirac… elle finit par apprendre que le dossier a besoin d'une canne pour avancer, comme le prévenu. Désormais trop âgé pour être jugé. Faut dire qu'en 13 ans de procédure, on n'a pas encore vu de condamnation. 

Ca me rappelle le procès Papon, jugé à 87 ans – 16 ans de procédure.  Ou le procès du canal de Panama, scandale de corruption publique qui ruina 85 000 petits épargnants à la fin du XIXème siècle. De tous les prévenus, seul celui qui avoua fut condamné – un dénommé Charles Baïhaut.

Et c'est ainsi que meurent les présumés-innocents, au royaume où l'Egalité est une passion – Et oui, les grandes passions sont muettes !

* Siège de la police à Marseille


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