Quand un livre comporte "musée" dans le titre, je me sens presque obligée de sauter dessus. Alors quand il est signé Pamuk, c'est ni une, ni deux !Ici, le grand écrivain turc signe un véritable chef-d'oeuvre, une histoire d'amour tragique, classique, portée par un style qui l'est tout autant mais dont les ressorts narratifs laissent des surprises.Le cadre ? Istanbul, 1975. Kemal Bey va se fiancer avec Sibel mais couche avec Fusun, sa jolie cousine (éloignée, je vous rassure, pas d'inceste dans l'histoire). Il ignore qu'il vit là ses meilleurs moments et que sa vie se déroulera à l’affût des signes que voudra bien lui laisser Fusun. Car le riche stambouliote tarde à prendre conscience qu'il n'éprouve pas que du désir envers Fusun mais un véritable amour. Bien entendu, cela complique un peu ses relations avec Sibel... Et avec tout son entourage, d'ailleurs. Mais il est épris, pris au piège. Rien ne la lui fera oublier, surtout pas l'absence. Dans ce livre, il est question d'amour, de souvenir, de mémoire, d'êtres chers, d'Istanbul, de révolutions et de coups d'état, de vie quotidienne, de cinéma, de sexe, de mariage, de littérature, d'objets (kitch souvent)... Et de musée. Car notre héros, Kémal, construit à sa belle un véritable sanctuaire dans lequel il conserve tout ce qu'il a pu garder d'elle, virant cleptomane et fétichiste. Kémal et Fusun, ce n'est pas qu'une histoire d'amour banale. Ce roman replace les débats sur la virginité et le mariage dans la société turque, les questions de censure, d'occidentalisation, de politique (de loin)... Bref, c'est en arrière-plan une véritable histoire de la Turquie des années 80 qui s'écrit. Sans fioriture, avec lenteur, un rythme propre à ce pays, de façon très picturale, deux héros romantiques prennent corps devant nous.Superbe, parfois un peu lent mais toujours sensible.