Sur le 11 septembre dans les séries, on a beaucoup écrit. Aujourd'hui, avec le recul, on garde l'image de la symbolique Rescue Me, développée après, dans l'ombre de ces évènements, et dont le dernier épisode a été diffusé cette semaine aux Etats-Unis. Mais sans revenir sur la décennie écoulée, repartir 10 ans en arrière, c'est retrouver les premières réponses du petit écran aux évènements, écrites sans recul dans les semaines qui ont suivi les attentats. A l'époque, en septembre 2001, la saison télévisée s'apprêtait à reprendre. Si les diffusions seront quelque peu décalées, les scénaristes américains ont su faire preuve de beaucoup de réactivité. Certains ont essayé d'apporter, à leur manière, une réponse plus didactique, à l'image de l'exercice proposé par Aaron Sorkin dans The West Wing, avec une pièce pédagogique intitulée Isaac & Ismaël. Ecrit et tourné en quelques semaines, cet épisode spécial fut diffusé dès le 4 octobre sur NBC.
En 2001, dans le paysage offert par les productions des grands networks américains, il existait une série en particulier qui avait la légitimité, et sans doute le devoir, d'évoquer directement les évènements : Third Watch (New York 911). Créée en 1999, la série de NBC relate en effet le quotidien des pompiers, secouristes et policiers de New York (elle n'avait pas encore effectué le virage "cop-show" des dernières saisons). Cet automne 2001, elle allait débuter sa troisième saison. Et cet après-midi, je me suis replongée dans les trois premiers épisodes qui ont ouvert cette saison qui a démarré le 15 octobre 2001.
Third Watch était une série qui représentait New York. Au cours de ces trois épisodes, elle n'a sans doute jamais paru aussi proche des services de secours dont elle dramatise les vies pour le petit écran. Le premier épisode, In their own words, est un documentaire spécial, inédit en France, dans lequel des pompiers et policiers new yorkais racontent leur 11 septembre, et où plusieurs acteurs de la série interviennent à titre personnel pour s'adresser directement au téléspectateur. Molly Price (qui joue Faith Yokas), dont le mari est pompier, intervient comme une des interviewés. Cet épisode est et reste un témoignage, qui se conclut sous forme d'hommage par la liste des pompiers disparus ce jour-là.
Puis, les deux épisodes suivants marquent le réel début de la saison, reprenant le cours de la fiction pour y mêler la réalité. La série va intégrer les évènements dans ses intrigues. Je ne les avais jamais revus depuis leur diffusion sur France 2 à la fin de l'année 2001 lors d'une soirée spéciale au cours de laquelle la chaîne avait également diffusé Isaac & Ismaël. J'en gardais le souvenir d'une grande sobriété et de beaucoup de justesse dans la manière dont les scénaristes avaient su traiter de ce sujet, surtout en repensant au contexte dans lequel les épisodes avaient été écrits. Dix ans après, avec plus de recul, le travail réalisé pour prendre en compte ces évènements de manière si rapide apparaît encore plus admirable. Dans le même temps, devant cet exercice très particulier, on a conscience aussi qu'il s'agit désormais d'une part d'histoire qui s'écrit et que l'on peut l'analyser comme tel.
De façon très bien dosée, Third Watch prend le parti scénaristique d'évoquer l'avant et ensuite l'après du 11 septembre, en sautant le "pendant" et laissant donc s'écouler une dizaine de jours dans sa ligne temporelle entre les deux épisodes.
Le premier, September Tenth, est une illustration parfaite de l'expression, "le calme avant la tempête". La vie suit son cours pour nos protagonistes, avec les tracas du quotidien. Tout y paraît très anecdotique, surtout du point de vue du téléspectateur. L'épisode se conclut le matin du 11 septembre, se terminant sur l'impact du premier avion dans une des tours. Aucune image des attentats ne nous sera montrée : c'est à travers les réactions des personnages à la nouvelle que l'épisode nous fait vivre, et surtout ressentir émotionnellement, l'évènement. Il se clôture sur l'effervescence qui règne en ville, chacun répondant aux sirènes et se rendant sur les lieux pour faire, tout simplement, le job qui est attendu d'eux.
Puis, le second épisode, After Time, s'ouvre dix jours après. Il se concentre une nouvelle fois sur la manière dont chacun vit l'après-coup, le deuil des disparus, la fatigue qui se fait de plus en plus sentir, et puis la nécessité de reprendre sa vie... Il frappe par la mise en lumière de la solidarité new yorkaise : en filigrane, c'est la reconnaissance du travail et du sacrifice des pompiers, dont un certain nombre ont trouvé la mort en accomplissant leur mission. Versant dans un émotionnel souvent poignant, l'épisode n'en fait pourtant jamais trop. Il y a une forme de début de deuil qui s'esquisse, dont l'épisode semble être finalement une partie intégrante. On perçoit la recherche d'une mise en scène de communion collective avec la population, et à travers elle, avec les téléspectateurs américains qui regardèrent NBC à l'époque. Il dépasse largement le seul cadre de la fiction, et cela en fait un objet télévisuel à part.
Revoir ces épisodes dix ans après, c'est constater qu'ils n'ont rien perdu de leur force originelle. Aujourd'hui, plus qu'une intégration réussie d'un bouleversement réel dans les intrigues de la série, ces épisodes apparaissent comme un témoignage et le reflet d'un état d'esprit particulier, retranscrivant l'impact des évènements sur la population new yorkaise dans les semaines qui ont suivi. C'est un vrai instantané très poignant.
C'est pour cela qu'ils garderont toujours une place à part dans l'histoire télévisuelle. La fiction pourra sans doute se réapproprier de manière plus aboutie, plus recherchée, plus travaillée, ces quelques jours qui ont marqué les Etats-Unis, mais Third Watch aura proposé un apport d'une authenticité et d'une sincérité qui resteront inégalés en raison de la spontanéité de l'écriture de ces épisodes, faisant d'eux des sources d'Histoire, qui mériteront toujours un visionnage.
La fin de l'épisode September Tenth (le premier impact à travers les différents personnages) :
Le début de l'épisode After Time (dix jours après) :