Jumper

Par Rob Gordon
Sacré Doug Liman. Le cinéaste le plus vaniteux du moment (il clame partout qu'il est un génie incomparable) vient de se prendre les pieds dans le tapis, au vu et au su du monde entier. Annoncé comme une nouvelle révolution marquant le début d'une série de films (trilogie ou plus) capable de concurrencer Matrix et autres oeuvres de SF supposément visionnaires, Jumper ressemble paradoxalement à un tout petit divertissement pour ados en rut, un prolongement fantastique des merveilleuses séries proposées à nos chers boutonneux les matins de vacances scolaires sur notre plus grande chaîne publique (oui, celle qui sera bientôt sans pub).
Passée une idée pas plus bête qu'une autre (faire évoluer des types capables de se déplacer à la vitesse de la foudre), Jumper fonce dans le mur au bout d'une poignée de minutes, décrédibilisé par une laideur visuelle assez hallucinante et par la vacuité totale d'un scénario bas de plafond. Pour résumer, "jumper" sert principalement à lever des poulettes n'importe où dans le monde (pourquoi se contenter de celles qui trainent dans le pub du coin?) et à donner une bonne leçon aux types un peu cons. Accessoirement, ça peut être utile pour braquer des banques, mais exploiter à fond une idée un tout petit peu intéressante semble hors de portée de la horde de scénariste qui sévit ici. Conscients qu'un film de ce genre ne peut exister sans un bon méchant, ceux-ci font rapidement apparaître un certain Roland, aussi charismatique qu'un char à voile, interprété par un Sam Jackson aux cheveux blancs, semblant avoir définitivement abandonné tout plan de carrière. Roland est le meneur des Paladins, un groupe de mecs qui n'aiment pas les jumpers et semblent prêts à tout pour les rayer de la surface du monde. Pourquoi? Visiblement, on s'en moque.
Refusant toute intrigue solide, Jumper se contente alors d'offrir un enchaînement de scènes façon teen movie mais avec un peu de jump pour satisfaire garçons et filles de moins de quinze ans. On fait l'amour comme des bêtes (c'est-à-dire sans enlever ses vêtements ni son appareil dentaire), on visite le monde en poussant des cris béats, on s'embrasse passionnément mais sans la langue. Et puis c'est tout. Hayden Christensen et Rachel Bilson incarnent parfaitement ce désir de plénitude par la platitude, se contentant de montrer leurs dents bien blanches pour montrer leurs émotions. Même l'arrivée tardive de Diane Lane ne relèvera pas le niveau ; elle permet cependant de faire naître quelques enjeux guère transcendants mais ayant au moins le mérite d'exister. Dans l'optique de la trilogie qui se profile (si les résultats financiers suivent, bien entendu), c'est un léger bon signe. En attendant de (peut-être) constituer le premier volet raté d'une saga regardable, Jumper n'est pour l'instant qu'un spectacle pathétique, antipathique et méprisant vis-à-vis de son spectateur.
2/10