On n'oubliera jamais.
Combien cette journée fut belle.
Ça commémore à tout va. Aujourd'hui, des milliers de tours s'effondrent à la télé et des milliers d'avions s'enfoncent dans des bâtiments en béton, ça fait un sujet de discussion pendant le repas dominical, les conspirationnistes extrémistes vont se chicaner la gueule avec les extrémistes anti-conspirationnistes, chacun des deux camps s'étant réfugié depuis longtemps dans son extrême pour fustiger les mensonges de l'autre, tant et si bien que plus personne ne dit la vérité. D'ailleurs on ne cherche plus la vérité, on cherche a avoir raison, c'est tout.
Pas sur Cuisine TV. Sur Cuisine TV, c'est l'heure de la tarte aux girolles.
Qui nous rappelle combien cette journée, qui finit étrangement, fut belle. Il avait fait beau et chaud, le beau temps avait alterné avec quelques averses, et dans les sous-bois le sol était humide, ça sentait l'humus chaud, et la vie foisonnait, étant entendu que la vie foisonne quand elle veut elle est assez grande, mais particulièrement lorsqu'il fait chaud et humide.
Avec mon fils nous fîmes une récolte de girolles proprement extraordinaire, ce jour-là.
Je ne me déciderai jamais de savoir si je crois la version officielle ou la version conspirationniste.
Il y a des arguments pour et des arguments contre qui font qu'on n'arrive pas à y voir clair du tout.
C'est vrai qu'il y a de gros doutes dans la version officielle.
Dans la version officielle, si j'ai trouvé autant de girolles ce jour-là, c'est que c'était mon jour de chance. Miraculeusement, les gros cons de chasseurs présents habituellement dans les environs avaient disparu ce jour-là, sûrement pour aller traquer le chevreuil sur d'autres territoires. Ce qui nous laissa le champ libre. Or les gros cons de chasseurs sont à demeure sur ces terres champignogènes, et pas habitués à laisser leur place. On trouva de la girolle en grande quantité donc, et ce sur des terrains qui n'avaient pas habituellement non plus la caractéristique d'y voir pousser de la girolle, qu'on trouvait d'ordinaire plutôt sur des terrains sablonneux tout de bruyère et de fougères recouverts. Coïncidence supplémentaire, ces terrains d'habitude sujets à inondation n'étaient plus inondés, l'eau s'était résorbée en une nuit seulement.
Officiellement, toutes ces conjonctions d'évènements, en plus de l'alternance de la pluie et du beau temps, firent qu'on ramena une belle récolte. La version officielle ne tient pas une seconde.
Dans la version conspirationniste, si l'on s'en revint les bras chargés de paniers garnis de champignons ce jour-là, c'est que la nuit précédente, des lutins des services secrets eurent pour mission de planter des girolles partout où nous étions censés prospecter, ce qui aurait laissé supposer une complicité au sein de la famille, leur permettant de connaître notre itinéraire exact. Et si les terrains visités n'étaient plus inondés, c'est qu'on avait fait venir des pompes dans la nuit pour absorber toute l'eau en excédent. Pareil pour les chasseurs, la version conspirationniste soutient que les chasseurs ont été retenus par des services gouvernementaux dans un endroit secret avec du vin en grande quantité pour les détourner de leur funeste hobby. Or chacun sait que le chasseur n'est pas porté sur la bouteille, et s'il a en temps normal les oreilles et le nez rouges et le teint violacé, c'est qu'il se lève tôt et doit affronter le froid pour aller taquiner le canard, qui n'a comme différence d'avec le chasseur qu'une seule voyelle, un "a" à la place d'un "o", c'est tout con.
On le voit, les choses et les théories différentes sont bien embrouillées, difficile de se faire un avis.
Dix ans plus tard, aujourd'hui dimanche 11 septembre 2011, c'est encore un temps à champignons.
Comme quoi finalement, ces évènements n'ont pas bouleversé grand chose.
Du point de vue des champignons, déjà.