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"La chanson est une clé à molette" de Michel Bühler

Publié le 11 septembre 2011 par Francisrichard @francisrichard
Du 22 au 24 octobre 2010 a eu lieu le XIIIe sommet de la Francophonie à Montreux ici :
"La Suisse romande, la Suisse francophone, pays organisateur, a été représentée par un seul artiste, Jérémie Kisling, à qui l'on a imposé de chanter une oeuvre immortalisée par Claude François (paroles du Vaudois Patrick Juvet): "Le Lundi au soleil".

On n'a pas entendu un air de chez nous."
C'est pourquoi le chanteur Michel Bühler a décidé de pousser un coup de gueule, tout à fait compréhensible.
Ce coup de gueule c'est La chanson est une clé à molette, publié directement dans la collection de poche des éditions Campiche ici. Il s'y fait l'ardent défenseur de la chanson francophone, et plus particulièrement de la chanson de Suisse romande dont il est un insigne représentant ici.
Une clé à molette ?
"Prenez une clé à molette: avec elle, mon garagiste démontera vos roues et changera - pour pas cher
- vos plaquettes de freins. Tel autre estourbira sa belle-mère.

Pour l'art qui nous occupe, c'est pareil: tout dépend de l'usage que les hommes en font..."

Michel Bühler n'aime pas les chants militaires ou religieux, ou encore les hymnes nationaux. Il aime les chansons qui "rassemblent et soutiennent, lorsque les temps deviennent troublés", autrement dit révolutionnaires, ou encore quand elles retracent "mille ans d'histoire humaine", enfin l'histoire qu'il retient, et qui s'exprime par exemple dans la vieille Complainte de Mandrin.
Michel Bühler ne m'en voudra pas si je suis moins exclusif que lui, si je préfère son Pays qui dort, écrit alors que j'avais vingt ans, ou Je t'attendais, à ses chansons engagées, telles que Mondialisation ou Démocratie. Car, comme lui, la chanson "que j'aime d'abord, c'est la chanson poétique, signifiante".
Mais j'aime tant sa voix, et les mélodies qui accompagnent ses paroles, que j'accepte volontiers de ne pas être toujours d'accord avec ces dernières, pour ne retenir que son art de la chanson, qui n'est pas "un art mineur" comme le disait un Gainsbourg éméché, mais n'est pas non plus seulement "un art de pauvres", comme il le pense.
Comme lui j'aime donc Brassens, Brel, Leclerc ou Ferrat. J'aime aussi quand il écrit :
"Montrer à des amis lointains nos paysages, nos vies, nos personnages, rendre aux gens de chez nous une existence - oserai-je dire une dignité ? - parce qu'on les raconte dans des couplets, voilà ce qui me guidait ... et qui me pousse encore à écrire."
J'aime encore le récit qu'il fait de la Fête à la chanson romande, qui a eu lieu à Lausanne, au bord du Léman, sous un chapiteau, le 1er septembre 1979, au cours de laquelle fut ovationné "notre ancêtre à tous, Jean Villard-Gilles".
Parlant de l'Afrique, je n'aime pas comme lui que l'on coupe les "racines des gens pour mieux les dominer" :
"N'est-ce pas ce que la République française a tenté de faire également avec les Bretons, les Occitans ? Empêcher les gens de parler leur langue, la tuer, pour tuer un mode de vie et de pensée..."
J'écoute en ce moment un CD en basque d'Erramun Martikorena, dans ce Pays Basque que j'aime tant et où j'écris ces lignes ...
Comme lui je pense que la chanson francophone est en danger - la langue française elle-même l'est. Comme lui, je m'inquiète qu'il ne lui soit pas fait davantage de place dans les stations de radio de Suisse romande, qu'elles soient publiques ou privées, et qu'il soit fait une trop grande place aux chansons anglophones que j'aime pourtant également.
La solution ne se trouve pourtant pas comme il l'évoque dans les quotas ou dans des lois contraignantes. Les raisons d'espérer sont ailleurs, comme il le dit si bien :
"Internet donne la possibilité à chacun d'aller choisir, sur toute la planète, les airs qui lui conviennent, sans plus être tributaires des goûts des programmateurs radio; les iPods nous permettent d'emporter et de faire renaître partout les PPPCs (1) qui nous plaisent."
Mais on ne choisira la chanson francophone que dans la mesure ... musicale où elle vise à l'excellence...
Francis Richard
(1) Le PPPC est le sigle inventé par Michel Bühler du plus petit produit culturel qu'est la chanson. 


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