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L’Etrange Festival 2011, Jour 7 : Sushis avariés…

Publié le 11 septembre 2011 par Boustoune

Pour les derniers jours (déjà…) de L’Etrange Festival cuvée 2011, les organisateurs ont choisi de rendre hommage au cinéma japonais déjanté, en projetant la quasi-intégrale des films produits par le label Sushi Typhoon.
La nuit de samedi à dimanche, quatre films de cette société seront diffusés à un public de courageux noctambules. Mais avant cela, les festivaliers auront pu découvrir Cold Fish , Dead Ball et Horny house of horrors, ces deux derniers films étant au programme de cette septième journée…  

Avant que les puristes nous tombent dessus, précisons que Horny house of horrors n’est pas une production Sushi Typhoon, mais nous l’incluons dans le programme car elle partage la même philosophie – faire des films de série B à budget très restreint et ne lésinant pas sur les excès en tout genre – et fait intervenir les mêmes personnalités.
Yoshihiro Nishimura, qui a oeuvré sur les effets spéciaux de Horny House of horrors est aussi le réalisateur de Helldriver, qui sera présenté au cours de la nuit de samedi à dimanche. Et l’actrice Asami joue dans les deux films.
Dead Ball, en revanche est bien issu de cette société de production, filiale de la Nikkatsu…

Nishimura

Que nous apprennent ces deux films?
Eh bien que pour réaliser un film d’horreur, au Japon, il n’y a pas besoin de grand chose…
Pour la base de la recette, opter pour un mélange de comédie, de film de genre et de grand n’importe nawak gore.
Ajouter une belle intrigue abracadabrante qui remixe différentes parties d’oeuvres occidentales ou de productions locales, films ou mangas.
Napper de litres, que dis-je, d’hectolitres de fausse hémoglobine rouge-orangée
Orner de filles sexy nues ou en tenues ultra-moulantes (si possible des actrices porno) et des… joueurs de baseball!
Hein? Quoi? Des joueurs de baseball? 

Oui, des joueurs de baseball, avec casquette, gant et tenue blanche… Allez savoir pourquoi…
Dans Horny House of horrors, les trois “héros” viennent de disputer un match et sont encore en tenue quand ils décident d’aller se faire alléger les bourses (au sens propre comme au figuré) dans le cabinet de masseuses/massacreuses de l’Enfer…
Dans Deadball, c’est un peu plus normal qu’il y ait des joueurs de baseball, vu que le script tourne autour d’un match de baseball carcéral assez particulier, où tous les coups sont permis.
On suit l’arrivée en prison d’un jeune homme violent et rebelle. Il s’agit d’un ancien champion de baseball qui, à cause d’un lancer un peu trop extrême, a accidentellement tué son père. Très affecté, Il a alors sombré dans la délinquance (même s’il ne s’attaque qu’à des pourris, des mafieux et des criminels…), et s’est juré de ne plus toucher à une balle de baseball de sa vie.
Mais, dès ses premiers pas dans l’établissement pénitentiaire, le directeur et la gardienne en chef le pressent d’intégrer l’équipe des détenus, qu’ils comptent faire jouer au cours d’un tournoi de baseball inter-prisons.
Suite à un vil stratagème, il finit par accepter, mais se rend compte qu’il s’agit d’un piège. La partie contre les Black Dahlia, de violentes criminelles, est truquée et n’est qu’un prétexta à offrir des morts spectaculaires à un parterre de… néonazis.

Dead ball - 4

Oui, des néonazis, avec costume troisième reich, brassard à croix gammée et portrait de Hitler bien au chaud dans la poche… Allez savoir pourquoi…
Après tout, si on met des joueurs de baseball dans un film d’horreur, pourquoi pas des nazis dans un film de baseball… 
Et puis, je vous l’ai dit, ces films-là recyclent à tout va. Ici, le cinéaste a choisi de ne pas trop insister sur le côté baseball de la chose. Le seul rapport avec Les Indians serait éventuellement la propension des joueuses adverses à scalper leurs adversaires à coups de balles tranchantes…

Dead Ball - 3

En revanche, il y va à fond dans les références à des classiques inénarrables du film d’exploitation tels que Ilsa, la louve du goulag, avec matonnes nazies adeptes des sévices corporelles et de la fouille anale…  Et quitte à verser dans le n’importe quoi, il s’autorise aussi des références à Avatar (un joueur portant des lunettes 3D anaglyphes devient bleu suite à un empoisonnement!) ou Ratboy (un nabot à tête de rongeur meurt dans un piège à souris géant, avec morceau de fromage ad hoc…). Oui, hein, sans jeu de mot, c’est gratiné…

On comprend bien la démarche. Le but est de livrer un spectacle complètement délirant, avec gags macabres et effets gores bidonnants. A ce niveau-là, c’est réussi… Mais cela n’exempte pas du devoir d’écrire un scénario cohérent, qui donne envie de suivre jusqu’au bout les mésaventures horrifico-comiques des personnages, et de donner un minimum d’épaisseur à ces derniers. Et de ce point de vue-là, Deadball est un naufrage total. L’histoire est débile, les personnages ne sont pas attachants. L’ensemble est tellement bordélique, tellement outrancier qu’on finit par trouver cela parfaitement ridicule et lassant. 
Balle out!

Revenons maintenant à Horny house of horrors qui ne verse pas non plus dans la finesse, c’est le moins que l’on puisse dire…
Là aussi, le script, vaguement inspiré de Motel hell, est des plus minimalistes : un groupe de trois copains, coéquipiers de baseball donc, veulent fêter l’enterrement de vie de garçon de l’un d’entre eux, sur le point de se marier et tombent sur un fashion health (cabinet de massage érotique) bon marché. Malgré les réticences du futur marié, ils se laissent tenter par la perspective d’un doux moment en compagnie des trois charmantes hôtesses. Ils ignorent que dans ce salon de massage de l’enfer, on paie en liquide… rouge sang…
Les trois filles ont en effet pour mission de zigouiller leurs clients pendant l’orgasme et de rapporter leur pénis comme trophée à leur manager, une sorte de samouraï pas commode chargé de veiller à ce que personne ne s’échappe des lieux… Evidemment, tout ceci n’est que prétexte à montrer des filles dénudées et des tortures gore, sur fond d’humour lourdingue et, là encore, de grand n’importe quoi…

horny house of horrors - 4

Cela dit, ça peut être éducatif, ce genre de film… On découvre, par exemple, qu’un homme séquestré par deux psychopathes peut quand même réussir à avoir une érection, qu’un type émasculé peut quand même avoir mal si on lui balance un coup de pied dans l’entrejambes, et qu’un coup de poing bien placé peut suffire à faire jaillir des yeux de leurs orbites. Ah, et qu’un joueur de baseball minable peut cacher un maître karatéka. Il faut le savoir… 

Sinon, on peut aussi trouver un avantage écologique à ce film de Jun Tsugita… Son introduction va faire beaucoup pour la préservation du thon rouge (espèce menacée) en dégoûtant les spectateurs des sushis…
Bon appétit…

Plus sérieusement, à moins de voir cela au douzième degré ou après s’être jeté plusieurs verres d’alcool fort derrière la cravate, il faut bien admettre que tout cela n’est pas bon du tout et n’incite franchement pas à assister à la nuit Sushi Typhoon où les oeuvres proposées ont l’air d’être du même acabit…  

Pour donner un peu de hauteur à la programmation du jour, il y avait au choix, l’excellent Take Shelter, l’un des films-surprises du dernier festival de Cannes – nous aurons l’occasion d’en reparler – la carte blanche donnée à Julian Temple avec la projection de son documentaire sur Detroit Requiem for Detroit et l’hommage à Liliana Cavani avec la projection, en copie restaurée de Portier de nuit.

Personnellement, j’ai opté pour cette dernière option et ne l’ai pas regretté.
Le film, qui traite de la relation amoureuse trouble unissant un ancien tortionnaire nazi, devenu portier de nuit dans un hôtel viennois, et une de ses anciennes victimes, a plutôt bien vieilli et bénéficie du jeu subtil de ces immenses comédiens que sont Dirk Bogarde et Charlotte Rampling.
Evidemment, le sujet à suscité la polémique en son temps. De nombreux critiques avaient rejeté le film car ils considéraient que l’on ne pouvait pas traiter du nazisme en se focalisant sur le cas particulier de cette relation sado-masochiste entre un bourreau finalement assez touchant et une victime aux sentiments ambigus.
Quand on voit que maintenant, les nazis sont utilisés dans une série Z nanardesque japonaise, le reproche prête à sourire…

Portier de nuit - 2

De toute façon, Portier de nuit n’est pas un film sur le nazisme à proprement parler.
C’est avant tout un film romantique noir. Une histoire d’amour impossible, condamnable et condamnée d’office, entre deux êtres brisés par la guerre. L’un, rongé par la culpabilité des exactions commises pendant la guerre, mais encore enclin, par moments, à exprimer cette barbarie présente en lui. L’autre, brisée par ces mois de captivité, de viols et de soumission, culpabilisant d’être restée en vie grâce à sa liaison avec son bourreau mais éprouvant aussi du désir pour ce dernier… Deux fantômes poursuivis par des hommes de l’ombre, dans une ville de Vienne à l’aspect onirique…

C’est aussi une oeuvre sur les mécanismes du fascisme, sur le procédé qui consiste à séduire, à charmer, pour mieux asseoir son emprise sur le peuple. La relation entre Dirk Bogarde et Charlotte Rampling repose un peu sur le même principe, un mélange de contrainte, de domination et de fascination…

C’est enfin un film qui prône le devoir de mémoire, en opposition à ce groupe d’anciens dignitaires nazis qui organisent leur propres procès comme une thérapie aux actes barbares perpétrés pendant la guerre, tout en éliminant les témoins de leurs crimes, pour que soit définitivement rejeté dans l’oubli leur passé meurtrier…

Liliana Cavani

Certains vont dire que ce n’est pas un sujet très fun, ça, et que ça plombe un peu l’ambiance…
Oui, il est clair que Portier de nuit n’est pas une aimable comédie, ni un film qui joue la carte de l’outrance et du délire visuel. On est à des années-lumière des productions Sushi Typhoon.  
Mais personnellement, ma conception du cinéma me pousse plus naturellement à aller vers un film à la mise en scène sobre, élégante, à l’image soignée, au jeu d’acteur professionnel plutôt que vers des délires potaches stupéfiants de bêtise et de mauvais goût… Chacun son truc…

A demain la suite de ce voyage dans le fascinant monde de l’étrange…

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