Décennie oblige, nous fûmes abreuvés, avec quelques journées d'avance, de ces rappels historiques nécessaires, ces hommages à l'émotion d'une journée, dix ans auparavant. Le 11 septembre est devenue une date sans année, reconnaissable entre toutes. Un attentat inédit, sur le sol américain, qui a entraîné l'Amérique et l'Occident dans une dérive sécuritaire.
Nicolas Sarkozy, comme d'autres, se devait de célébrer le triste anniversaire. Surtout, les évènements du printemps arabe, il y a à peine quelques mois, auraient pu le contraindre à adapter, un peu, son logiciel.
Mais visiblement, le logiciel sarkozyen gère très mal ses mises à jour.
Un candidat dangereux
En novembre 2010, le site Wikileaks publiait des centaines de câbles diplomatiques américains, au grand dam de l'administration Obama. Grâce à certains, nous avons obtenu quelques confirmations sur l'atlantisme débridé, inconscient et imprévoyant de notre Monarque.
En 2007, les diplomates américains décrivaient Nicolas Sarkozy, dans leurs comptes-rendus pour le Président Bush, comme « le président le plus pro-américain depuis la seconde guerre mondiale », tout en louant « le libéralisme, l'atlantisme et le communautarisme » du futur président. Le 1er août 2005, à l'ambassade américaine à Paris, celle-là même où il a prononcé son hommage anticipé ce vendredi 9 septembre, Nicolas Sarkozy avait confié à quelques diplomates américains qu'il se présenterait à la prochaine présidentielle. A l'époque, il n'osait dévoiler sa candidature au peuple français. Surtout, le futur président français leur avait « exprimé son admiration pour le président Bush » Pire, « Sarkozy s'est lamenté de l'état troublé des relations entre les Etats-Unis et la France au cours des dernières années. Affirmant que c'est quelque chose que lui 'ne ferait jamais', il a évoqué l'utilisation, par Chirac et Villepin, du veto de la France au Conseil de sécurité contre les Etats-Unis en février 2002 comme étant une réaction injustifiable et excessive.»
Les mêmes mémos de Wikileaks nous révélaient que notre futur Monarque voulait rapidement envoyer des troupes en Irak, pour aider l'Oncle Sam. Le même, candidat, promettait qu'il retirerait rapidement les troupes françaises d'Afghanistan, autre territoire guerrier atlantiste. A peine élu, il augmenta le contingent là-bas, et la France multiplia par 5 ses pertes humaines depuis.
Sarkozy, déjà, avait le mensonge facile.
En septembre 2001, Jacques Chirac, immobile, et Lionel Jospin, premier ministre, s'étaient décidés à approuver et participer à l'intervention américaine en Afghanistan. A l'époque, le mandat était clair et onusien: détruire les bases d'Al Qaïda, renverser le gouvernement talibans qui les protégeaient, et sécuriser le pays. A l'époque, la France n'envoya que des missiles, des avions et, sur le terrain, quelques centaines de ... gendarmes. Plus tard, Chirac puis Sarkozy décidèrent l'engagement militaire au sol. Des forces combattantes, au sol, pour une guerre qui, dès 2003, avait changé de nature. L'Amérique bushienne s'étaoit trouvé un nouveau Satan, désavouée par certains de ses anciens alliés (dont la France). Elle était en guerre en Irak et laissa pourrir la situation afghane.
En France, quelques mois plus tard, Nicolas Sarkozy, futur candidat, n'avait rien compris. Il enrageait contre le discours de Villepin à l'ONU, qui refusa la participation française à l'intervention stupide et sans motif en Irak.
Un président obsolète
Pour le 10ème anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, Nicolas Sarkozy avait paradoxalement fait le minimum: 10 petites minutes de discours à l'ambassade des Etats-Unis à Paris. La démarche est finalement surprenante et incohérente. On croirait à un caprice. George W. Bush n'est plus là, remplacé par un Barack Obama qui fait ombrage à la micro-stature de notre petit Monarque.
Evidemment, il a rappelé l'amitié franco-américaine : « Sans vous, les Américains, nous n'aurions pas pu conserver notre liberté. »
10 ans plus tard, Nicolas Sarkozy n'a quand même rien compris de l'échec collectif post-attentat: « Dix ans après, Ben Laden est mort. Al Qaïda est décapitée. L'Afghanistan n'est plus ce sanctuaire de l'obscurantisme d'où les terroristes planifiaient impunément leurs attaques à travers le monde. ». Certes, les Talibans ont été délogés, des attentats ont été déjoués, Oussama Ben Laden est mort.
Mais les Etats-Unis et, dans une moindre mesure, la France ont multiplié les lois sécuritaires. Les restrictions et atteintes aux libertés publiques ont atteint des niveaux inédits dans nos républiques respectives. L'administration Bush a transformé l'Amérique en un régime poutinien. Nos amis américains vivent sous le Patriot Act, nous avons les Loppsi I puis II.
De cela, Nicolas Sarkozy n'en a cure et n'a rien compris. « Après le doute né de l'effroi et de la violence du choc, nos sociétés sont restées ouvertes, sont restées fidèles à leurs valeurs. On ne combat pas les terroristes avec les méthodes des terroristes.» A ceux qui pensent que l'Amérique post-11 septembre a abusé de ses angoisses sécuritaires, il a cette réponse terrifiante: « On dit que l'Amérique ce jour-là, a perdu son innocence. Alors, ce que toutes nos démocraties ont gagné, c'est la conviction que nous, les démocraties, nous n'avons pas le droit d'être faibles. » Quel message ! Al Qaïda a gagné, les « démocraties » se sont durcies, elles ne sont que des épouvantails, elles ont perdu toute crédibilité à défendre ailleurs liberté ou démocratie, à coup de Guantanamo et autres guerre en Irak. Le gâchis est incommensurable.
Par un raccourci dont il a le secret, le Monarque enchaîna sur une conclusion grossière et indécente: « Chaque jour depuis ce 11 septembre, davantage de peuples, partout dans le monde, se réclament de nos valeurs. En Tunisie, en Egypte, en Libye, en Syrie, au Yémen, dans tout le monde arabe et musulman que les terroristes prétendaient incarner, des millions de gens se sont levés pour les valeurs de la démocratie et de la liberté. » Le constat est faux, le printemps arabe est une réponse imprévue aux attentats du 11 septembre. Les dictateurs renversés (Ben Ali, Moubarak, Kadhafi) ou contestés (en Syrie ou Yémen) ont été précisément des fidèles soutiens, ignobles, de la lutte occidentale contre le terrorisme islamiste.
En quelques phrases, Nicolas Sarkozy mélange tout, instrumentalise tout, confond tout. L'instrumentalisation est facile, à moins qu'il n'ait rien compris du printemps arabe.
Pour finir, le Monarque termina son discours sur un hommage... à son ralliement à l'OTAN. Il est comme ça, Sarkozy, incapable de recul et d'autocritique: « Pour ma part, je resterai très fier d'avoir été le président qui a fait revenir la France dans le commandement intégré de l'OTAN, pour le plus grand bénéfice de l'OTAN et pour le plus grand bénéfice de la France. En faisant ce geste, la France n'a pas renoncé à son indépendance. La France n'est pas soluble dans l'OTAN, comme un sucre le serait dans un verre d'eau. »
Même pour un triste hommage à un « fait divers planétaire », il a besoin de ramener la couverture à lui.
Ami sarkozyste, où es-tu ?