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Nicolas Sarkozy défie l'institution judiciaire

Publié le 23 février 2008 par Exprimeo
Les relations entre Nicolas Sarkozy et le Conseil Constitutionnel traduisent un malaise bien plus général et profond sur l'ensemble de l'institution judiciaire dans notre vie publique. Les relations entre Nicolas Sarkozy et le "milieu judiciaire" ont toujours été tendues. Pendant la présidentielle, ses déclarations sur la responsabilité des magistrats avaient animé des rapports tendus. De façon plus générale, depuis le milieu des années 80, les relations entre la Justice et la politique ont beaucoup évolué. Cette évolution traduit un changement profond des rôles respectifs des différents " pouvoirs ". A l'origine, la répartition des fonctions est supposée simple: * le politique décide, * le juge contrôle l'application de la loi, * le journaliste relate les faits et les commente. Ce schéma a beaucoup changé. Désormais, dans les faits, le journaliste devient celui qui juge chaque jour et publiquement. Le juge décide en dégageant le sentiment qu'il est l'ultime, voire le seul, pouvoir dans un univers institutionnel excessivement précarisé. Le politique commente et devient une sorte de journaliste observateur de la situation qu'il est pourtant censé maîtriser par ailleurs… Dans cette confusion des rôles les trois " pouvoirs " sont perdants. Mais le principal perdant de cette situation reste le citoyen qui n'a de prise que sur les élus. Les jugements sont certes rendus " au nom du peuple ". Mais un juge rencontre-t-il le peuple ? Quand lui rend-il compte ? Cette situation est dangereuse. En matière de presse, la France a une presse nationale quasi-entièrement détenue par des groupes très dépendants de marchés d'Etat. Sur le plan local, la presse quotidienne régionale est un exemple caricatural de " monopoles " respectueux d'une répartition officielle des territoires et d'une approche quasi-ouvertement légitimiste surtout quand les subventions des collectivités de proximité tombent par exemple au gré des suppléments thématiques de publi-rédactionnels. L'abolition du " privilège de juridiction " pour les élus est une erreur majeure. C'est d'abord un nom de baptême totalement immérité puisque le dépaysement d'une affaire mettant en cause un élu local visait à permettre à celui-ci d'être jugé dans un cadre territorial rétablissant son anonymat. Comment pouvoir considérer qu'un juge puisse être doté d'une impartialité incontestable quand il va se prononcer sur le dossier de quelqu'un qui a pu politiquement par exemple être concurrent de la carrière politique de son conjoint ? Cela fait 20 ans que ces questions sérieuses n'ont parfois pas été posées durablement mais surtout n'ont reçu aucun traitement à la hauteur de l'importance de ces dossiers. 20 ans pendant lesquels, les évènements ont semblé dégager le sentiment que l'essentiel était de " faire la part du feu " dés l'instant que des " puissants suprêmes " seraient épargnés. C'est une situation indigne d'une démocratie. Pouvoir et responsabilité doivent toujours être intimement liés car ce sont les deux facettes de l'autorité : l'une étant la contrepartie naturelle de l'autre. La vie publique française retrouvera un sens quand elle intégrera pratiquement cette réalité. Plus une personne détient du pouvoir, plus cette personne doit être irréprochable et exposée à des mécanismes forts de contrôles. La défausse, les fusibles, le bouc émissaire…: toutes ces manoeuvres sont des vrais fossoyeurs de la démocratie. La mise en oeuvre actualisée d'une vraie séparation des pouvoirs demeure le grand sujet de notre démocratie comme de tant d'autres démocraties. " Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser " disait Montesquieu. Pour éviter ce risque, il faut installer un vrai pluralisme de pouvoirs car seul le pouvoir arrête le pouvoir. La question de la composition du Conseil Constitutionnel doit être réouverte. Les déclarations récentes du Président du Conseil sur la "vie privée" du Chef d'Etat sont difficilement concevables par exemple dans la bouche du Président de la Cour Suprême des Etats Unis d'Amérique. C'est l'ensemble du fonctionnement de l'autorité judiciaire en France qui doit être remis à niveau.

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