Je suis totalement d’accord avec cette formule, dans « Le bonheur, désespérément » à la page 40, bien que je ne sois pas un adepte des phrases fermées, c’est-à-dire ne laissant pas aux nuances que la vie impose malgré notre esprit cartésien.
À la fin de la note précédente, dont celle-ci est l’extension logique, est entrée en jeu une autre notion, c’est le plaisir. Quand il y a plaisir, il n’y a pas manque, il n’y a pas de doute lié à l’ignorance et il n’y a pas non plus de dépendance à autrui ou à quelque chose, car le plaisir est immédiat, seule sa durée est inconnue. Ainsi, nous avons la définition d’un homme idéal, capable d’apprécier les plaisirs de la vie avec toute la connaissance nécessaire et agissant plutôt qu’espérant que la providence vienne à lui : « Le sage, en ce sens, est un ‘connaisseur’, comme on dit en matière de vin ou de cuisine. Le ‘connaisseur’, ce n’est pas seulement celui qui connaît, mais aussi celui qui aime. Le sage est un connaisseur de la vie : il sait la connaître et l’apprécier ». Entre aussi en jeu la notion d’amour, qui exclue aussi toute espérance. Personne n’espère aimer les choux de Bruxelles, en tout cas pas moi. Bien que l’amour engendre du manque et que l’on espère être aimé par quelqu’un qui nous est cher, on est déjà dans un sentiment d’amour vis-à-vis d’elle ou de lui ; L’amour est immédiat ou il n’est plus. Reste l’action et la volonté qui est son support : « la seule façon vraie de vouloir, c’est de faire ». Quand on agit, on maîtrise sa vie pour le moment de cette action. On ne dépend pas de quelque chose ou de quelqu’un. On sait ce que l’on fait. André Comte-Sponville nous donne une leçon stoïcienne très importante : « on veut toujours ce qu’on fait, on fait toujours ce qu’on veut – pas toujours ce qu’on désire ou ce qu’on espère, tant s’en faut, mais toujours ce qu’on veut ». Se réfugier derrière diverses contraintes externes ou internes ne justifie pas nos actions, car, dès lors que l’on agit, on fait ce que l’on a décidé de faire, donc on agit selon notre volonté même si on espérait faire autre chose. La crainte, nous indique André Comte-Sponville à la page 42, est le revers de la médaille dont l’espérance est la première face et il cite Spinoza : « il n’y a pas d’espoir sans crainte, ni de crainte sans espoir ». Il reprend l’exemple de l’examen que j’ai utilisé dans ma précédente note. On espère avoir réussi et en même temps on craint d’avoir une mauvaise note quand même selon l’examinateur. Et, si l’on refuse de connaître les bonnes réponses, si on préfère rester dans l’ignorance, alors on est encore plus dans l’espérance et dans la crainte. À partir du moment que l’on décide d’agir en recherchant les corrigés, l’action prend le pas sur l’espérance et le savoir sur l’ignorance. Si on se sent sûr de soi, il n’y a pas de raison de laisser planer le doute plus longtemps. Si, au contraire, on a peur à juste titre d’avoir échoué, alors autant le savoir tout de suite. À quoi servirait-il de laisser le suspense perdurer plus longtemps dans un cas comme dans un autre ? Toutefois, je ne condamne pas cette attitude, car elle peut mieux nous convenir que la vérité. Il faut simplement veiller à ne pas se leurrer soi-même.
Page 43, c’est la conclusion de la seconde partie sur la « critique de l’espérance » de cette conférence. André Comte-Sponville définit les trois principales façons de désirer : « trois occurrences principales du désir : l’amour, la volonté et l’espérance ». Il conclut en disant qu’il vaut mieux l’amour et la volonté que l’espérance comme désir de vivre, un bonheur en acte.
17 août 2011