Amis Bibliophiles bonjour,
Dans les commentaires du message consacré au salon de Lourmarin, vous avez été plusieurs à évoquer la nuance entre les définitions et les statuts du libraire (de livres anciens) et du bouquiniste. J'ouvre à nouveau ce débat.
Je suis plutôt d'accord avec Pierre quand il suggère si la frontière semble floue (mais Pierre est libraire, et je reviendrai plus tard sur ma vision de bibliophile) il existe bien "une différence entre le bouquiniste et le libraire d'ancien... Il ne s'agit pas d'un problème de compétence, nous sommes bien d'accord ! Le libraire d'ancien axe son offre sur des ouvrages mieux catalogués, plus rares, mieux reliés et souvent plus chers pour une clientèle ciblée et fidèle. C'est un choix qui l'amène à négliger des ouvrages plus courants qu'il ne présente pas dans sa boutique. Le bouquiniste a un choix beaucoup plus large d'ouvrages à son catalogue qui dépend du hasard de ses achats du moment. Sa clientèle est moins fidélisée. De beaux ouvrages, faute de clients, lui resteraient sur les bras..."
A mon sens l'image est juste, même si le tableau est malgré tout quelque peu idyllique: j'ai en effet rencontré beaucoup de libraires et de bouquinistes et les bouquinistes ayant des vraies connaissances "bibliophiliques" sont rares, beaucoup plus rares par exemple que les libraires d'anciens dont les compétences feraient d'eux d'honnêtes bouquinistes, mais guère plus. Je ne suis pas certain que la différence principale entre les deux catégories soit d'ordre financier: d'un côté le libraire ayant une clientèle fidèle, une capacité financière supérieure et un choix d'ouvrages restreint, de l'autre le bouquiniste, sa clientèle de passage, son équilibre financier précaire.
Mon impression de bibliophile est que le libraire d'ancien a une vision et une ambition différente (ce qui n'est pas péjoratif): il fait le choix de s'entourer d'ouvrages choisis, de les étudier en profondeur, de les décrire, voire de la cataloguer et assume un certain risque, celui de ne pas trouver immédiatement d'acheteur, et donc d'immobiliser des fonds. A contrario, le bouquiniste (et j'écarte les bouquinistes des quais, qui ne savent hélas eux-mêmes plus qui ils sont) favorise les ouvrages à bas prix, dont le stockage n'impose pas de risque financier important. D'une certaine façon, il "fait du volume".
Choix personnel, ambition personnelle (encore une fois, rien de péjoratif), ce sont ils me semblent deux projets différents, et si tous deux partagent l'amour du livre, leur quotidien est à mon sens très différent... même si les deux métiers sont souvent en situation économique difficile*.
Du point de vue du bibliophile que j'essaie d'être, j'ai depuis fort longtemps renoncé à l'espoir de trouver un livre ancien du type de ceux que je recherche chez un bouquiniste. De fait, je ne fréquente que rarement leurs échoppes, ou alors dans un autre but. Mais de chopin jamais, je les ai plutôt faits ailleurs.
Donc en ce qui me concerne, c'est le choix des livres, et leur connaissance, qui distinguent le libraire d'ancien du bouquiniste, deux professions éminemment estimables.
Je redonne la parole à Pierre le sage, qui nous rappelle d'ailleurs qu'il ne faut pas se fier aux apparences, et qu'un "libraire peut être bouquiniste par nécessité et libraire d'ancien par passion"... ce qui est un argument de plus pour visiter nos amis bouquinistes.
Et vous? J'aimerais beaucoup que les nombreux libraires et bouquinistes qui lisent le blog nous donne leur avis.
H* je me promenais hier dans le quartier Saint-Jean, à Lyon, et j'ai réalisé qu'en 3 ans dans la capitale des Gaules, j'ai vu trois librairies anciennes (où se situant justement entre "bouquiniste au choix relevé" et libraire d'ancien) fermer leurs portes... Triste