Seulement deux films à mon programme, aujourd’hui à L’Etrange Festival, mais il faut préciser que le premier d’entre eux, Endhiran, durait la bagatelle de… trois heures.
Une durée excessive pour nous, occidentaux, qui sommes plutôt habitués à des longs-métrages de 90 à 120 minutes, mais une durée normale pour le public indien…
Car oui, Endhiran est un film indien. Mais non, ce n’est pas une production bollywood. Soyons précis, il s’agit d’une production kollywood.
La différence, c’est que les premiers sont tournés à Bombay, en langue hindi et que les seconds sont tournés à Chennai, en langue tamoul. Pour le reste, le principe reste le même : une trame de film de genre américain, une touche de romance, une pincée de comédie, un zeste de contexte local et de nombreux numéros dansés et chantés pour enrober le tout…
Ici, l’intrigue tourne autour d’un scientifique, Vaseegaran (Rajinikanth, l’acteur-star du cinéma en langue tamoule) qui, à force d’un travail acharné, a réussi à créer un androïde extrêmement évolué, ressemblant parfaitement à un homme, mais doté de capacités physiques et intellectuelles bien supérieures…
Et là, désolé, mais ce n’est pas du tout crédible. Non, non et non, c’est impossible…
Pas que le gars ait réussi à fabriquer un robot, hein. Non, ça, on veut bien l’admettre… En revanche, on ne nous fera pas croire qu’un gars qui a pour fiancée la sublime Sana (Aishwarya Rai) puisse préférer huiler son tas de ferraille et bidouiller des logiciels en compagnie de ses deux crétins d’assistants plutôt que d’aller bécoter la belle. Ca non!
Bref, le scientifique finit de mettre au point son robot et le lâche dans la nature pour qu’il apprenne les us et coutumes des humains et enrichissent sa base de données avec du vécu…
Au début, tout se passe bien. Malgré quelques bourdes amusantes – dont un échange burlesque sympathique avec un agent de police – l’androïde, baptisé Chitti, s’avère être un serviteur zélé, bien pratique pour les tâches ménagères et la cuisine ou pour mettre une raclée aux jeunes voyous qui terrorisent le quartier…
Mais cette invention agace le professeur Bohra, jaloux de voir son élève réussir à sortir un prototype d’androïde parfait quand lui-même n’arrive pas à obtenir une intelligence artificielle digne de ce nom.
Aussi, il use de toute son influence pour empêcher Vaseegaran de réaliser son objectif, vendre son invention à l’armée pour créer une force de défense efficace, dissuasive vis-à-vis des agresseurs potentiels. Il argue notamment qu’une machine, incapable de ressentir des émotions, et donc de connaître le prix d’une vie humaine, peut très bien se retourner contre son créateur.
Mais Vaseegaran ne s’avoue pas vaincu. Il implante à Chitti un programme complémentaire qui lui confère ce qu’il y a à la fois de plus beau et de plus nuisible chez l’homme : des sentiments.
Cela fonctionne un peu trop bien, puisque Chitti tombe amoureux de Sana et se met à éprouver jalousie et colère vis-à-vis de son créateur… Et c’est le début des ennuis…
Au début, on se demande ce qui peut bien justifier le budget phénoménal de ce film – avec ses 40 M$, il s’agit de la plus coûteuse des productions indiennes – puisque le film repose surtout sur des gags discrets, quelques bagarres, un brin de romantisme et quelques séquences dansées assez minimalistes. On en vient à penser que les fonds servent à payer les salaires des superstars du film ou les esthéticiennes de Mlle Rai…
Et puis, d’un coup, le récit met le paquet sur l’action et les effets spéciaux – conçus par les équipes du vétéran hollywoodien, Stan Winston.
Le gentil androïde se transforme en ersatz de Terminator et sème la terreur. On a droit à une spectaculaire course-poursuite sur l’autoroute, puis au combat entre l’armée indienne, les forces de l’ordre et un bataillon de super-robots capables d’adopter des formations de combat plutôt impressionnantes.
Bon attention, ce n’est pas un show pyrotechnique à l’américaine non plus, hein…
Et ça reste du cinéma populaire indien avec tout ce que cela suppose de kitsch et de ringardise (pour les décors, les costumes,…) et de cabotinage (pour les acteurs).
Soyons clairs, Endhiran n’est ni le plus beau, ni le plus subtil des films indiens. Mais c’est un divertissement assez complet qui se laisse voir avec plaisir, sans jamais susciter l’ennui malgré sa durée conséquente…
Et comme le cinéma populaire indien, après une courte période d’intérêt des exploitants de salles, entre Lagaan et Devdas, se fait désormais plutôt rare sur nos écrans, il aurait été dommage de laisser passer l’occasion de découvrir ce film-là…
Les polars asiatiques ultra-noirs et ultra-violents, en revanche, bénéficient d’une belle exposition médiatique dans l’hexagone depuis le succès de thrillers sud-coréens tels que Old boy ou The Chaser.
On a fréquemment l’opportunité d’en voir et, à force, on en connaît bien les ficelles scénaristiques.
C’est peut-être pour cela que Revenge : A love story, polar “nihiliste” hongkongais, m’a laissé de marbre, malgré une mise en place prometteuse.
On suit tout d’abord les policiers, qui enquêtent sur ce qui semble être un tueur en série. Deux cadavres de femmes enceintes sont retrouvés. L’assassin leur a ouvert le ventre pour pratiquer un accouchement forcé avant de les laisser agoniser et de se débarrasser des foetus… Point commun entre les victimes, leurs maris sont tous deux des flics qui travaillaient dans la même unité, et sont tous deux portés disparus. Simple coïncidence? Pas vraiment…
Le policiers arrêtent un suspect, un jeune homme qui ne leur est pas inconnu…
Pendant que le garçon est interrogé – plutôt brutalement – par les détectives, un flashback revient sur son passé et les raisons qui l’ont poussé à commettre ces actes horribles. C’est là le seul vrai intérêt de l’oeuvre, ce petit tour de passe-passe obligeant le spectateur à changer totalement de regard sur les “bons” et les “méchants”…
Le hic, c’est qu’on devine assez facilement les tenants et les aboutissants de l’intrigue et que, du coup, on s’ennuie bien trop vite. D’autant que, pour un “catégorie III” qui cherche à choquer, avec ses flics ripoux, ses scènes de viol et de violence, le film reste curieusement assez soft…
Pire, le cinéaste finit par s’emmêler complètement les crayons dans une dernière demie-heure laborieuse, où les personnages font n’importe quoi et où le propos vire à un moralisme religieux assez incongru.
On attendait mieux de cette production de studio 852 Films, la société dirigée par Josie Ho et son conjoint Conroy Chan. Surtout après nous avoir offert, l’an passé, le réjouissant Dream home.
Bilan mitigé, donc, pour la sélection asiatique du jour. Un film indien divertissant/pas mal fichu et un film hongkongais décevant/assez médiocre. On verra demain si les premiers films japonais de la sélection Sushi Typhoon, dont la quasi-intégrale sera présentée ce week-end à L’Etrange Festival, feront mieux que leur homologue hongkongais…
A demain, donc, pour la suite de ce voyage dans le fascinant monde de l’étrange…