Nous sommes confrontés à une crise de dévoiement de nos systèmes politiques et non face à une crise économique. Le capitalisme se porte comme un charme. La grande affaire des 10 ans qui viennent ne sera pas la réforme des systèmes économiques, mais bien la réforme de nos États.
Par Charles Gave
Quiconque lirait la presse de notre pays pour se renseigner sur la crise financière actuelle acquerrait automatiquement la conviction que le pelé, le galeux, c’est bien entendu le capitalisme – inefficace et injuste, cela va sans dire – sous-tendu qu’il est par cette abominable idéologie qu’est le libéralisme.Voila qui est pour le moins surprenant pour quelqu’un qui se contente de regarder les faits pour essayer de comprendre… ce qui est après tout le minimum pour un esprit scientifique.
Nous ne sommes en effet pas du tout – mais pas du tout – dans une crise du capitalisme, mais tout simplement dans une crise des États qui ont pratiqué avec beaucoup d’allégresse ce que j’ai appelé le social-clientélisme, qui consiste à acheter les voix des lecteurs en émettant de la dette que nos enfants ou petits enfants devront repayer. Or le principe essentiel de la Démocratie (qui a vu le jour en Angleterre) a toujours été « pas de taxation sans représentation » et pourtant nous taxons allégrement nos descendants alors même qu’ils ne sont pas encore nés et donc bien incapables de voter. En réalité, nous sommes en face non pas d’une crise économique mais bien d’une crise d’un dévoiement de nos systèmes politiques, capturés par une technocratie à la fois triomphante et incompétente, ce que chacun peut constater tous les jours.
Le capitalisme quant à lui se porte comme un charme, non seulement en Asie ou en Amérique Latine mais encore dans nombre de nos pays tels la Suède, le Canada, l’Australie, la Finlande, l’Autriche, le Danemark, tous pays où la population est soignée, éduquée, nourrie et prend sa retraite sans aucun souci, tout simplement parce que le capitalisme y règne et que la classe politique locale, contrôlée par les peuples, y fait son travail convenablement. Ces pays ne connaissent rien des affres que nous traversons et ils ont tous une caractéristique commune: ils ont remis de l’ordre dans leur État depuis un grand moment – citons la Suède en 1992 ou le Canada à partir de 1994 par exemple.
Par contre, dans les pays qui ont refusé de contrôler le Moloch, on constate partout le même phénomène: la part dans le PNB de ce que j’appelle le secteur communiste, représenté par la production de biens et de services où la concurrence n’est pas autorisée, a crû en moyenne de 1% par an de plus que la part du secteur capitaliste, où concurrence et prix libres sont la règle.
Comme ces secteurs non concurrentiels sont par définition toujours en déficit, la dette garantie par l’État qui les contrôle explose, ce qui met en danger la capacité de ces États à emprunter. Nos États, pris en otage par le personnel occupant ces secteurs, sont entrainés dans cette spirale infernale de la dette et la musique s’arrêtera, comme elle est en train de s’arrêter dans l’Europe du Sud, le jour où les étrangers refuseront de continuer à financer ce qui est à l’évidence insoutenable. Il ne s’agit donc en rien de je ne sais quelle « tyrannie des marchés financiers » ou « mur de l’argent » mais tout au plus de l’application à nos économies du vieux « principe de réalité » qui veut que personne ne puisse vivre au dessus de ses moyens indéfiniment. Le reste du monde n’a aucune raison de continuer à subventionner la France ad vitam aeternam et le reste du monde ne le fera pas.
Et donc nous allons nous heurter inévitablement à une réalité inconcevable pour le haut fonctionnaire de base. « Il ne va plus y avoir d’argent », ce qui d’après mes calculs devraient se passer entre 2012 et 2014.
Quand il n’y a plus d’argent, il n’y a plus d’argent et défiler derrière des drapeaux rouges ou noirs ne changera rien à cette dure réalité. Pour faire simple, nos États sont au bord de la faillite exactement comme l’était l’Union Soviétique en 1988 et pour les mêmes raisons, ce que chacun peut comprendre. Ce que nous sommes en train de vivre en 2011 c’est l’acte II de l’effondrement des idées communistes, et c’est bien sûr une bonne nouvelle – à long terme.
Allons plus loin et imaginons que nos hommes politiques décident dans leur grande sagesse qu’il faille taxer plus l’économie capitaliste pour boucher les trous de l’économie communiste. Ils ne feront bien sûr que transférer ce bien rare entre tous qu’est le capital de ceux qui ont une forte rentabilité du capital investi (le secteur privé) vers ceux qui ont une rentabilité négative (le secteur public) et donc le taux de croissance de l’économie continuera sa baisse structurelle, les rentrées fiscales s’effondreront, le chômage montera et avec lui les déficits budgétaires et la dette (voir les exemples Grecs et Italiens récemment ou la politique Laval en 1934).
La réalité est donc toute simple: nous sommes en train d’arriver a la fin des mythes keynésiens qui stipulent que les dépenses de l’État créent de la croissance. Chaque accroissement du poids de l’État dans l’économie s’est en effet toujours traduit par une baisse du taux de croissance structurel de cette même économie dans les années suivantes. Quand, après des années de « politique de soutien de l’activité », le taux de croissance de l’économie tombe en dessous des taux d’intérêts, le pays rentre dans ce que Keynes appelait une « trappe à dettes » et la crise financière est inéluctable.
Nous y sommes.
La grande affaire des 10 ans qui viennent ne va donc pas être la réforme des systèmes bancaires et économiques, mais bien la réforme de nos États. Keynes avait l’habitude de dire à ceux qui lui disaient que ces solutions ne marcheraient pas à long terme: « Monsieur, à long terme nous sommes tous morts ».
Pour en terminer avec celui dont les idées dévoyées sont à l’origine de tant de nos problèmes actuels, la réalité est encore une fois toute simple.
Nous sommes dans le long terme et Keynes est mort.
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