Contrairement à ce qu’annonce le titre, il ne s’agit pas de la première aventure de Salvo Montalbano, héros récurrent de l’auteur sicilien qui fait fureur au-delà des Alpes et que m’a vivement recommandé un lecteur assidu, époux d’une belle italienne de surcroît.
Je me suis laissée piéger mais je ne regrette pas, car c'est sans doute une bonne manière d'aborder l'oeuvre complète. En fait, dans ce même petit livre, on a trois histoires différentes, trois courtes enquêtes dont la première – Sept lundis - est totalement surréaliste, la deuxième raconte l’arrivée du commissaire nouvellement nommé à Vigata, son installation dans la villa du bord de mer à Marinella, la troisième, intitulée « Retour aux origines » une histoire de kidnapping. Seul point commun à ces trois récits : pas de sang. Un choix de l’auteur assumé.
Ce que je retiens surtout, c’est le style extraordinairement imagé de l’écrivain et le parti-pris du traducteur, Serge Quadruppani, dans son interprétation du dialecte sicilien comme des tournures italiennes. On remarque tout de suite le basculement du verbe à la fin de la phrase, comme une réminiscence du latin de notre jeunesse « Montalbano, je suis », la prolifération de verbes devenus subitement pronominaux « il se faisait un rêve »…sans compter les transpositions de déformations orales, qui doivent avoir encore plus de sel dans le texte original mais qui émaillent un discours d’hommes et de femmes du peuple sicilien. Et les délicieux plats servis au commissaire dans sa trattoria préférée, ainsi que ses relations étranges avec l’amie de son cœur.
Naturellement, il est inutile de rechercher la petite ville de Vigatà sur une carte, elle est aussi réelle que le Plassans des Rougon-Macquart. Mais je ne connais pas assez la vie politique italienne pour perdre mon temps à chercher des clefs. Et me voilà embarquée à nouveau dans une série innombrable d’histoires où les comparses du commissaire Montalbano font partie intégrante du décor : Fazio, Mimi Augello, le journaliste Nicolo Zito, le questeur qui, à la grande différence de celui de Venise dans les romans de Donna Léon, est un type intelligent et un ami de Montalbano, et l’inénarrable Catarella, standardiste du commissariat incapable de transmettre une identité exacte …Un monde selon Camilleri qui fut, avant d’écrire, metteur en scène pour le théâtre, la radio et la télévision, auteur de poèmes et de nouvelles.
La première enquête de Montalbano par Andrea Camilleri, traduit du sicilien par Serge Quadruppani, au Fleuve Noir et chez Pocket, 347 p. 6,60€.