J’imagine que la plupart d’entre-vous a vu le film The Social Network. Certains ont peut-être même lu le livre The Accidental Billionaires dont il est tiré. On peut aimer ou détester ce film, il a toutefois l’intérêt de présenter − à sa manière très romancée − l’envers du décors d’un acteur majeur du paysage informatique actuel. Jusqu’ici, seul le téléfilm Les pirates de la Silicon Valley offrait quelque chose à ce sujet, en montrant comment Apple et Microsoft ont émergé jusqu’à devenir les deux monstres qu’ils sont aujourd’hui.
Il y a une phrase (qu’aurait dite Mark Zuckerberg) qui m’a marquée. Lorsque les jumeaux Winkelvoss le poursuivent en justice, parce qu’il aurait copié leur idée, il leur crie :
« Si vous aviez créé Facebook, vous l’auriez créé ! »
Derrière l’effet de manche, il y a toutefois une réalité. Les idées n’ont pas de valeur tant qu’elles restent à l’état d’idée. C’est la concrétisation d’une idée qui en fait le succès (ou l’échec). On ne peut d’ailleurs pas breveter une simple “idée” ; on peut breveter des procédés industriels, mais pas la notion fondamentale d’un produit ou d’un service, aussi innovant soit-il.
Si on y réfléchit bien, on dit souvent que la réalisation d’un projet informatique n’est pas non plus un critère prépondérant. La formule consacrée dit qu’il s’agit d’une commodité. Entendez par là que la plupart des idées pourront être développées par un groupe de prestataires ; il suffit d’allonger les billets.
Notez que je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette vision des choses, car le gain d’expérience né de l’internalisation des compétences est très important et peut se révéler déterminant face aux concurrents ainsi que pour réagir au marché. Mais il faut toutefois reconnaître que c’est en partie vrai.
Mais alors, si l’idée ne vaut rien tant qu’elle n’a pas été concrétisée, et que le travail nécessaire à cette concrétisation n’est pas plus valorisée, qu’est-ce qui est vraiment important ? Qu’est-ce qui fait le succès d’une entreprise ?
À mes yeux, la liste est assez courte :
- L’envie farouche de créer quelque chose, de concrétiser l’idée initiale.
- Le soucis du détail, le soin apporté au produit ou au service dans sa globalité.
- L’écoute (du marché, des clients, des prospects, des concurrents, de ses équipes), la souplesse et l’adaptation.
- L’obstination et la persévérance, quand les tripes nous disent qu’on a raison alors que tout le monde nous dit qu’on a tort.
- La chance, même si on doit la provoquer par une conjonction de facteurs.
Ce sont les critères qui permettent à un produit ou à un service de rencontrer le succès. Sans ces cinq points, une idée sera toujours mal réalisée, et donc la valeur de sa réalisation importera peu.
Si vous avez une idée d’entreprise, si vous vous êtes déjà dit «Oh, ce truc-là, j’y avais pensé, j’aurais dû le faire à ce moment-là !», faites-le. Lancez-vous à fond ou ne le faites pas pour de bonnes raisons, mais prenez une décision que vous ne regretterez pas.
Trop de beaux projets finissent mal parce qu’ils ont été faits à la va-vite, ou au contraire ont mis tellement de temps pour se matérialiser qu’ils avaient raté leur cible. Oui, on peut lancer un projet informatique sur son temps libre ; oui, ça marche très bien pour les projets libres, avec le succès qu’on leur connait ; non, ça ne marche pas très bien pour la création d’entreprise. Si même le créateur d’un projet ne s’y investit pas personnellement, il ne faut pas s’étonner de son échec.
Pour revenir à l’exemple de Mark Zuckerberg, son talent a été de réaliser un service plus généraliste que ceux déjà en place (MySpace, LinkedIn), ou de meilleure qualité (Orkut, …), en se donnant les moyens d’y arriver. Si c’était resté un projet d’étudiant, sans qu’il ne s’y investisse corps et âme, en n’y consacrant qu’une heure par-ci par-là, Facebook ne serait jamais devenu le site que l’on connait maintenant.