J'ai hésité à publier sur le 11 septembre : vous êtes assommés de rétrospectives et perspectives sur le sujet....
1/ Beaucoup estiment qu'il s'agit d'une date historique et cruciale, celle qui "lance le siècle", tout comme Waterloo ouvrait le XIX° et août 14 le XX°. C'est même l'opinion commune...
2/ Oui, mais quelques uns relativisent la chose : Immarigeon quand il conclut un de ses livres par "il ne s'est rien passé le 11 septembre 2001" (serait-il provocateur ?), ou plus récemment L Jospin.
3/ La vérité se tient probablement au milieu des deux. A coup sûr, c'est une date stratégique, qui rend visible la fin de l'hegemon américain : cela doit être aussitôt précisé.
4/ En effet, malgré les rodomontades de GW, et les inepties conceptuelles sur "la guerre contre la terreur", le 11 septembre n'a pas lancé le siècle du terrorisme.
- Mais il est vrai qu'elle a rendu populaire la notion de choc des civilisations, qui est discutable et instrumentée, qu'elle a modifié l'appréhension du terrorisme, qu'elle a lancé de nombreuses études sur insurrection et contre insurrection, et banalisé le terme de guerre asymétrique.
- c'est là la victoire stratégique de ben Laden : être devenu, un temps (un temps seulement) l'ennemi numéro 1 des Américains. Avoir fait croire à un affrontement de longue durée entre l'Occident et l'islam.
- pas de quoi "ouvrir le siècle" toutefois : le terrorisme ne sera qu'un moment, tout comme il l'avait été à la fin du XIX° (nihilisme russe) ou au XX° (RAF, Brigate Rosse, IRA, ...)
5/ Il reste que cette "guerre contre la terreur" s''est traduite dans deux guerres, Irak et Afghanistan. J'ai déjà dit ailleurs que je ne savais pas ce qu'était une victoire ou une défaite dans une guerre asymétrique.
- Constatons simplement qu'en Irak comme en Afghanistan, la "puissance militaire" américaine a été relativisée : on ne parle plus, mais alors plus du tout de la RMA.
- Autrement dit, the American Way of War a été relativisé : la force brute ne suffit plus. Le modèle stratégique US trouve ses limites.
6/ Car là est peut-être le point clef du 11 septembre : non pas l'émergence de ben Laden, mais l'affaiblissement de la puissance américaine, entrée dans une phase B Kondratieff...
- C'est pertinent dans les trois facteurs traditionnels de la puissance : militaire, donc, mais aussi économique (cf. les crises 2008 et 2011) et soft power (non seulement nous ne sommes plus tous Américains, mais chacun sait désormais que la mondialisation n'est pas une américanisation, comme nous Français l'avions cru dans la décennie 1990).
- c'est visible aussi dans l'éclatement du consensus intérieur US, rendu visible par l'insurrection Tea Party.
7/ Ainsi, malgré l'ambition d'un nouveau siècle américain, le 11 septembre nous dit une chose : non pas l'émergence de l'islam, mais la fin du siècle américain.
- Le vingtième siècle s'est terminé une première fois le 9/11 1989 avec la fin de l'URSS et donc du monde bipolaire ;
- il s'est achevé une deuxième fois le 11/9 m2001, avec la fin du monde unipolaire.
- pour autant, les Etats-Unis resteront, à vue humaine, une grande puissance. Mais relative, comme les autres.
Nous ne saurons que plus tard quelle est la vraie date d'entrée dans le 21ème siècle : qui sait, nous ne l'avons peut-être pas encore vécue.
références :
- la nouvelle impuissance américaine d'Olivier Zajec
- une puissance moins inévitable bibi
- la diagonale de la défaite Immarigeon
- faut-il souhaiter le déclin de l'Amérique ? par Thomas Snégaroff
O. Kempf