Bien évidemment, dans un pays où on est bien plus habitué à la puissance qu'à la finesse, Marcassin l'emporta haut la main, d'autant plus qu'à lire le commentaire de Robert Parker sur le La Tâche, cette bouteille avait manifestement un problème dans la mesure où le même vin, en Europe, reçoit des commentaires bien différents.
Cette dégustation pose un problème récurrent, bien connu du GJE, qui est de juger de l'opportunité de comparer des crus finalement assez dissemblables, quand bien même ils proviennent du même cépage.Le pinot noir possède cette surprenante qualité d'exprimer des sensations diverses en fonction des lieux où il croît (comme la syrah ou le riesling), ce qui est bien moins le cas, par exemple, pour les cabernets-merlots. Bon : ce n'est que mon opinion hein : pas de généralités hâtives !
Dans un climat chaud comme ceux de Californie, d'Oregon ou même de l'état de Washington, et sur des types de terroirs bien différents, les pinots noirs expriment avec bien plus d'évidence une force, une puissance, une richesse aromatique, un style qu'il vaut mieux comparer, si l'exercice s'annonce légitime, à quelques grands Corton ou autres côtes de beaune de grande lignée ou à quelques exemples allemands ou italiens. Comparer un Marcassin à un Mugnier, à un Roumier, à un Leroy, à un La Tâche, surtout là-bas, c'est aller au casse-pipe illico presto.
Vous me direz que l'inverse - déguster Marcassin à Nuits St Georges, par une équipe de bourguignons - semble également évident.
Alors, quelles conclusions - si conclusions il y a - tirer d'un tel exercice ?
A : de telles dégustations sont bien plus des moments de nationalisme un peu dépassé, un peu comme le jugement de Paris, que de véritables outils à quelques hiérarchies dont on ne voit pas trop l'utilité sinon de satisfaire à faible coût des egos en mal de notoriété
B : plutôt que de juger et hiérarchiser les multiples facettes du pinot noir selon les régions où il est cultivé, il vaut nettement mieux mettre en évidence les différences de style apportées par ce cépage insolent selon ses terroirs, son histoire, ses hommes. Le GJE, invité cette année à Hong Kong en novembre pour une dégustation comparative des grands pinots noirs européens, fera particulièrement attention à mettre en évidence ces différences de style plutôt qu'à hiérarchiser les crus que nous présenterons.
C : mais surtout, il eût fallu - comme nous le faisons au GJE - non seulement avoir un Jury international, réaliser cette dégustation en un endroit plus neutre que l'ouest américain, et surtout avoir l'élégance, face à une bouteille de La Tâche qui, manifestement avait un défaut, en ouvrir une autre. Personne n'est parfait, nous en premier et on a certainement à recevoir autant de critiques après 15 ans de sessions du GJE, je le concède volontiers.
Qu'Hélène Turley, la papesse américaine des meilleurs crus californiens ait connu à cette occasion les vertiges irradiants d'une subite notoriété internationale, là où un De Villaine eût été d'une modestie et d'un relativisme exemplaire, ça se comprend et même être pardonné dans la noble tradition de nos enseignements chrétiens.
Là où les choses me chagrinent un tantinet, c'est le commentaire de Robert Parker. Ses mots sous nettement sous-tendus par ses vieux relents anti-bourguignons qui trouvent leurs origines dans le fameux procès qu'il a perdu contre François Faiveley, il y a de ça plusieurs décennies. Depuis cette cuisante déculottée, il n'a pratiquement jamais remis les pieds en Bourgogne - Rovani et Schildknecht s'en sont occupé et maintenant Antonio Galloni - et, si ce n'est quelques très belles notes de dégustations sur tel ou tel cru, Parker a vite compris qu'il ne pourrait pas « bouger » la Bourgogne comme il a bougé le Bordelais, ce qui, quelque part, semble l'avoir rendu mari.
Ça se comprend. « Nobody is perfect « (le final superbe de « Some like it hot »)
Il n'empêche : bien que nous sachions tous que son commentaire sur la DRC lors de cette dégustation ne changera pas un iota de nos opinions européennes et même américaines sur les vins du Domaine (relire Tanzer et Burgound) , à son niveau de réputation, nous eussions aimé qu'il prenne une dimension, une hauteur de vue bien différente de ce que nous constatons là.
Bon : assimilons cela à une faiblesse momentanée, à quelque sursaut de vanité à l'aube d'une fin de carrière d'exception, et souhaitons lui de perdre cet inutile dédain et incompréhension pour des vins qui restent simplement les plus belles expressions offrant les plus belles émotions du vitis vinifera.