Novembre 2001. Les policiers débarquent chez Alain Marécaux, huissier de justice sans histoire, l’accusent de viols sur mineurs avec complicité de son épouse, l’embarquent en garde à vue, lui enlèvent ses trois gamins. C’est le début du cauchemar. L’Affaire d’Outreau : gigantesque erreur judiciaire, orchestrée par un juge d’instruction trop sûr de lui et des médias sensationnalistes. L’homme va tout perdre : sa femme, son étude, ses gosses, sa réputation, des années de sa vie. Pour parler d’un sujet encore brûlant et tabou, Vincent Garenq (Comme les autres), opte pour le réalisme brut, et l’exactitude des faits. Pour cela, il s’appuie sur le récit détaillé d’Alain Marécaux, et adapte son livre "Chronique de mon erreur judiciaire- Une victime de l’affaire d’Outreau ". Plutôt que d’analyser l’affaire dans sa globalité, il choisit le point de vue. Tout sera donc vécu, et entendu, du côté de l’homme, victime d’une machine judiciaire implacable et aveugle, sourde à ses revendications d’innocence. Si ce choix délibéré ne lui permet pas de traiter plusieurs aspects qui auraient tout autant mérité son attention (on pense notamment à l'impact de l'affaire sur le Juge Burgaud ou l’épouse de Marécaux, interprétée par Noémie Lvovsky), Garenq n’en signe pas moins un film bouleversant, fort, fidèle, poignant.
La mise en scène est sobre (pas de musique, pas d’effets visuels grossiers), mais soignée : nerveuse et brutale au début de l’affaire, plus apaisée à mesure que défilent les années, elle épouse viscéralement les émotions de la victime. Stupéfaction, colère, incompréhension, désespoir, résignation, soulagement. Tout du long, le réalisateur refuse de s’apitoyer sur son personnage. Il s’appuie sur un réel, surpuissant, surréaliste, qui se suffit à lui-même. Et sur un acteur. Philippe Torreton, incroyable, habité par l’homme qu’il incarne. Jusqu’à perdre 27 kilos durant le tournage. Jusqu’à la dépression. Un immense comédien qui retrace avec justesse le calvaire et l’opprobre, et qui dénonce, jusque dans sa chair, un système judiciaire français défaillant.