le mariage du lieutenant Laré (d'après Maupassant)

La région était infestée de Prussiens.

Une nuit, Laré, jeune lieutenant

Reçut une dépêche du général Gratien 

Provenant du château de Breil :

« Si votre détachement

N’arrive pas très vite à Cormeilles

Nous sommes perdus, mes hommes et moi.»

 

Ce mois de janvier était très froid.

Laré et sa petite troupe partirent.

Ils avaient huit lieues à parcourir

Et progressaient très prudemment.

-Prenez à droite ! souffla Laré.

Le château était tout près. 

J’y vais en reconnaissance.

Soudain, une voix traversa le silence :

-Père, nous allons nous égarer. »

Le lieutenant Laré

S’approcha

Et interrogea :

-Votre nom ?

-Pierre Darmon.

-Profession ?

-Sommelier du comte de Méthion.

-Cette jeune fille,

C’est votre fille ?

Que fait-elle ? Quel est son âge ?

-Au château, elle est femme de ménage.

-Où allez-vous ? –Nous fuyons.

Là-bas, les uhlans fusillent

Tout ce qui bouge, sans sommation.

Alors j’ai eu peur pour ma fille.

 

Sous la protection des hommes du lieutenant,

Ils pérégrinaient maintenant,

Le sommelier marchait à côté de Laré

Mais sa fille suivant de près,

Bientôt soupira :

-Je suis éreintée.

Laré ordonna qu’on confectionnât

Une litière avec des branches coupées.

Le détachement s’était regroupé.

-Cette femme grelotte

Qui veut donner sa capote ? 

Dix manteaux furent proposés.

-Qui veut la porter maintenant ? »

Poursuivit le lieutenant.

Tous les bras s’étaient avancés.

Quatre épaules robustes enlevèrent

La litière,

Comme si elles portaient une arche.

Les hommes reprirent leur marche,

Plus allègres, plus costauds.

 

Au coucher du soleil,

Ils atteignirent le poste de Cormeilles.

Le général Gratien héla :

-Que portez-vous là ? 

Deux petites mains écartèrent

Les grosses capotes bleues.

Un joli minois aux yeux clairs

Apparut :

-C’est moi, monsieur ! 

Gratien aussitôt le reconnut

Et prit le bras du sommelier :

-Mon cher comte, voici l’officier

Qui tout à l’heure

Vous a sauvé du malheur.

Laré, je vous présente le comte de Méthion.

 

Tel un imperator,

Le comte fit alors

Cette pompeuse déclaration :

-Lieutenant,

Vous avez sauvé la vie de ma chère enfant.

Je n’ai qu’un moyen

De vous dire ma gratitude

Pour votre si généreuse attitude

Vous voudrez bien…

Dans quelques mois…venir

Me dire…

Si ma fille vous plait… 

 

Un an après,

À l’église Saint-Paulais

Le capitaine Laré

Épousait Louise de Méthion.

 

Elle apportait une dot d’un million