"Busted flat in Baton Rouge, waitin' for a train...".
J'ai toujours entendu cette chanson sans vraiment savoir de qui elle était. Depuis que je me rends régulièrement au Québec, je l'entends de plus en plus.
J'ai l'impression que les habitants de la Belle Province l'apprécient particulièrement. Cela ne m'étonne pas, en général, ils aiment bien ce côté country-rock venu du sud des Etats-Unis.
Au bout d'un moment, je m'étais mis dans la tête que la toune était de Janis Joplin car sa version est sans aucun doute la plus connue. Et l'accent sudiste de Janis Joplin colle parfaitement à Me and Bobby McGee, qui démarre sous une pluie diluvienne de Louisiane.
Joplin l'a enregistrée quelques jours avant sa mort en octobre 1970. Elle est sortie sur l'album Pearl en 1971.
La chanson est devenue le second succès posthume à atteindre la tête de charts dans l'histoire du rock, après (Sittin' On) The Dock of the Bay d'Otis Redding.
En fait, Me and Bobby McGee a été co-écrite par Fred Foster et Kris Kristofferson en 1969. Ce dernier a été l'amant de Janis Joplin, puis son ami. Cette histoire d'un couple qui sillonne les États-Unis n'a pas été écrite à propos de Janis mais, comme le racontera plus tard Kristofferson, en pensant à elle notamment pour le vers « The somewhere near Salinas, I let her slip away »
Car Bobby McGee, dans le texte original, est une femme. Comme le prénom est mixte, Janis Joplin, dans sa version, en a fait un homme et a changé quelques paroles. Janis était amoureuse de Kris Kristofferson.
Kris était pilote dans l'armée américaine et avait quitté l'uniforme pour tenter sa chance dans la country music à Nashville. Me and Bobby McGeecompte parmi les chansons qui vont lui mettre le pied à l'étrier. Elle sera interprétée par plus de 450 artistes. Kristofferson l'enregistrera lui même, en 1970, sur son premier album et l' interprétera lors du fameux festival de l' Isle de Wight cette même année.
Je vous propose une version live beaucoup plus récente :
Ce Texan a vraiment un physique de cowboy, j'adore !
Le premier à enregistrer Me and Bobby McGee, c'est Roger Miller, en 1969. D'après certaines sources, on devrait attribuer la primeur à Gordon Lightfoot mais c'est bien Miller qui l'a grava en premier et l'a rendit populaire.
Apparemment, pas mal de monde était sur le coup puisque dans une autobiographie, plusieurs membres du groupe country Statler Brothers déclarèrent que Kristofferson leur avait promis la chanson. Finalement, ils ne lui en ont pas voulu de l'avoir donnée à Miller.
Voici Roger Miller interprétant Me and Bobby McGee lors du show de l'immense Johnny Cash en août 1969. On est vraiment dans la pure country music :
Le Maître de la country lui même, Johnny Cash, reprendra Me and Bobby McGee en 1972 sur son album live, Pa Osteraker.
Me and Bobby McGee était une chanson foncièrement country. D'ailleurs, en introduction de son enregistrement, on entend Kris Kristofferson marmonner :"If it sounds country, man, that's what it is. It's a country song" ("Si ça sonne country, mon gars, c'est que c'en est. C'est une chanson country")
De nombreux artistes de cette mouvance ont donc repris le morceau. Notamment la papesse de la country music, Dolly Parton (photo ci-contre). Au début, je me demandais pourquoi elle avait attendu 2005 pour l'enregistrer. Un fois que j'ai eu écouté sa version, je me suis dit qu'elle aurait mieux fait d'attendre 2050...
Dès 1970, Bill Halley & His Comets enregistre une version plus rock du morceau :
Un an plus tard, Jerry Lee Lewis en fera une reprise que je trouve nettement plus originale, plus aboutie... Le pianiste fou y apporte sa touche si spécifique :
Après les versions country et les versions rock, je vous propose une version décalée, celle de l'indémodable Nana Mouskouri
Nana chantant de la country music, ça vaut vraiment le détour !
Toujours dans le registre décalé, mais dans un style tout à fait différent, je vous propose une interprétation très intéressante de Pink, qui ne nous a pas vraiment habitué à ce genre de musique :
Je terminerai avec deux interprétations québécoises qui me touchent.
La première n'a rien d'exceptionnel d'un point de vue musical. Cependant, mes fidèles lecteurs comprendront tout de suite pourquoi je l'apprécie. C'est celle d'IMA, chanteuse que j'adore depuis ce fameux 29 juin 2009, au FestiVoix, où, avec tout son charme, elle a réussi à me donner l'impression qu'elle ne chantait que pour moi.
Elle avait interprété Me and Bobby McGee ce soir là. Et comme chaque fois qu'elle la chante en live, elle l'avait introduite avec ces mots : "Si je n'avais plus qu'une chanson à chanter, ce serait celle-là"...
La seconde me touche car elle est jouée par la troupe de Showtime, revue musicale québécoise créée et produite par mes amis des Productions Fidel. Elle reflète assez bien la complicité qu'il y a entre les artistes de ce spectacle.
J'ai tourné cet extrait pendant l'été 2010, à Trois-Rivières, lors de la générale. C'est la sympathique et talentueuse Julie Levac qui est soliste sur cette belle interprétation :
"Freedom's just another word for nothin'left to lose" : ces mots sonnent comme un slogan pour une partie de la jeunesse de la fin des 60's et du début des 70's.
"Liberté n'est qu'un mot pour dire que l'on n'a plus rien à perdre" : on n'a rien, mais on est libre... toute une époque !!!