Qui est Aïda Touré ?

Publié le 09 septembre 2011 par Rm Communication

Jean-Jacques Dikongué|Tribune2lartiste.com

Quand on a minutieusement parcouru l’univers artistique qu’elle couvre, qu’on l’a écoutée ou lue, on se pose la question de savoir s’il existe un domaine ou un sujet que Aïda Touré aborderait sans afficher tant d’aisance, de lucidité, de sérénité et surtout avec tant d’humilité comme lorsqu’elle parle des activités qu’elle pratique et pour lesquelles, j’ai tenu à en savoir un peu plus. Découvrez et laissez-vous séduire par cette jeune femme dont la profondeur du propos est à la dimension de son talent.

Qui est Aïda Touré ?
Je suis une artiste Gabonaise et Malienne qui vit à New York, je travaille dans le domaine des arts sacrés. Je suis auteur de trois recueils de poésie Soufie intitulés “Les Poèmes Immanifestes”, “La Sphère Sublime” et “La Lumière Nocturne”. Ces recueils sont étudiés dans des établissements aux États Unis et au Canada. Je suis aussi peintre, compositrice de musique et j’ai conçu une ligne de bijoux qui sont en fait des versions miniatures de mes tableaux. Mes œuvres ont été publié sur quatre continents.

A quel moment l’origine de la création a été un sujet de questionnement pour vous ?
Dès le plus jeune age, je me demandais d’où provenait cette immensité autours de nous: le ciel, les océans, les astres, les montagnes, la nature en général; tout ce spectacle grandiose me fascinait et m’intriguait.

Est-ce cette intrigue de la création qui vous amène à la peinture ?Cette intrigue m’a d’abord amenée à une introspection qui me semblait primordiale car j’avais un certain détachement par rapport aux attentes mondaines; je ne les vivais pas comme étant des priorités, elles me semblaient totalement étrangères et voir même oppressantes. C’est lorsque je me suis harmonisée avec cette disposition contemplative que j’ai découvert ma voix sous différentes formes, elle recelait des activités artistiques fondées sur la spiritualité.

“Visual Sufi Poetry”: Pouvez-vous nous expliquer ce que c’est ? 
Visual Sufi Poetry”, la “poésie Soufie visuelle” est le terme que j’attribue à mon art car il s’est formé à partir de la poésie Soufie que je compose. Je lisais un de mes poèmes un jour et il m’a inspiré des images d’une beauté indescriptible et c’est ainsi que j’ai commencé à peindre, sans avoir reçu de formation. C’est donc cette poésie Soufie que mes tableaux représentent. Le Soufisme, qui est la dimension spirituelle de l’Islam, prône la quête du Divin en soi. Cette tradition lumineuse, qui est l’essence des religions, s’est manifestée initialement à Kemet en Afrique et au cours des siècles, elle s’est répandue dans différentes cultures et nations à travers le message des prophètes (paix sur eux) et des sages. Le Soufisme est reconnu pour la beauté sublime de ses expressions qui célèbrent l’amour pour le Divin. La poésie Soufie à ce jour est la poésie la plus lue au monde, par sa profondeur, elle transcende toutes les différences dressées entre les hommes, elle les rassemble en son essence, dans l’unité.

Y a-t-il un lien entre votre religion (Islam) et votre travail d’artiste peintre ? Si oui comment se traduit-il ?
Mon travail d’artiste peintre se fond avec mon vécu de l’Islam qui est un état intérieur ou l’être se rend à sa Source Divine. La créativité, en elle même, est un prolongement de cet état car pour la vivre pleinement, il faut savoir s’effacer.

Vous cumulez les casquettes de chanteuse, peintre et poète ? Comment vous organisez-vous pour les faire vivre tous les trois ?
Je suis compositrice de musique méditative instrumentale. La poésie, la peinture et la musique me sont venues de manière naturelle, donc elles palpitent d’elles mêmes; elles sont l’expression d’une même réalité et elles  reflètent mon amour pour l’harmonie, la splendeur et la sagesse.

Est-ce la même idée qui sous-tend votre travail dans les 3 arts que vous pratiquez ?
Oui ces trois arts s’étalent pour exprimer la même idée de ravissement qui est continue et intemporelle, à travers mes activités artistiques, j’aspire à l’honorer et à la partager avec mes semblables car elle émane de cette luminescence qui nous porte tous, qui nous rassemble en la même Source.

Pensez-vous que l’on puisse avoir la trajectoire qui est la vôtre en restant au Gabon, au Mali ou même au Cameroun ? Ou faut-il nécessairement sortir de son Afrique et même quitter la France pour s’épanouir artistiquement. 
Nous faisons partie du même Univers, les frontières disparaissent lorsqu’il s’agit de la créativité. Ce n’est donc pas en soi l’emplacement de l’artiste qui compte mais plutôt la conscience de son identité intrinsèque qui transparaît à travers son art. Si l’artiste effectue un travail de profondeur sur soi, s’il cultive l’amour et maîtrise son ego, l’aspect splendide de cette expérience sera palpable à travers son art qui sera unique, vivant et lumineux. C’est ce travail intérieur qui est le plus important car dans un tel contexte, les opportunités de partager ses œuvres viennent naturellement à l’artiste où qu’il soit car la beauté est universelle, tout le monde la reconnaît, l’apprécie, et la sollicite. Je recommande toujours aux artistes d’avoir un site web ou blog sur le net et d’exposer leur art, de le partager quelles que soient les conditions difficiles dans les quelles ils travaillent, quelle que soit l’indifférence des institutions qui devraient soutenir la culture, il ne faut pas se décourager, au contraire il faut utiliser ces obstacles pour se forger, pour se surpasser et transcender ces structures qui faillent aux besoins réels du peuple. C’est par l’expression de la créativité que la valeur authentique est crée, la richesse et l’avancée des civilisations se manifestent toujours à travers l’inspiration, les idées élevées, alors il faut créer, innover et célébrer ce processus d’autant plus qu’il a toujours eu une intensité particulière en Afrique. Malgré la confiscation systémique de ses ressources et le mal-développement ainsi causé, la Terre Mère porte toujours l’étincelle de l’ingéniosité, les ressources naturelles ne sont pas que matérielles, elles sont aussi spirituelles mais encore faut-il les véhiculer afin que ce qui nous a été pris par la force nous revienne par l’amour; il faut que les générations futures puissent enfin jouir librement de ces richesses. Voilà un des rôles importants de l’expression artistique, alors il faut soutenir et valoriser notre culture pour l’émancipation de notre descendance.

Quel regard portez-vous sur l’intérêt que l’on accorde à la Culture dans certains pays africains francophones ? 
Je crois qu’il y a une sorte d’éveil, les peuples s’intéressent de plus en plus à la richesse de leur culture ancestrale qui a été infériorisée par la colonisation, ils revendiquent ardemment leurs droits d’être libres, de prospérer, d’être respectés, ils ne veulent plus être traités comme des exclus sur leurs propres terres alors ils exigent que les représentants des institutions s’harmonisent avec cet élan au lieu de tenter de le réprimer. Les populations sont révoltées par la confiscation de leurs ressources, et même culturellement ce sentiment est de plus en plus exprimé par les artistes Africains et cela ira en s’accroissant tant qu’il n’y aura pas de changement véritable.

Que pensez-vous de l’attitude des autorités sénégalaises qui continuent de séquestrer les œuvres des artistes africains présents au Fesman 2010 ? (http://www.tribune2lartiste.com/?p=5689)
Je n’étais pas au courant de ce problème mais s’il s’avère que les œuvres des artistes qui ont participé au festival sont vraiment séquestrées, j’espère qu’elles leur seront restituées sinon cela risquerait de ternir le prestige du festival et la réputation de ceux qui l’organisent. Ce serait vraiment dommage car ce genre d’initiative qui célèbre les Arts Noirs devrait être pérennisé.

Quelle est votre définition du succès ? L’avez-vous au regard de ce que vous avez déjà accompli et de la reconnaissance de votre travail ?
Ma conception du succès est un peu inconventionnelle car je l’évalue selon des normes d’intemporalité. Je suis reconnaissante pour toute l’attention que reçoivent mes œuvres mais je n’aurai un sens réel du succès que si dans le temps elles contribuent à instiller la révérence pour l’étincelle divine de mes semblables, cette révérence qui leur est déniée par un système global inharmonieux et inégalitaire.

Quelle est la recette à avoir dans ce métier ?
Il faut avoir beaucoup de patience, de persévérance, de dévotion, ne pas craindre d’innover et d’être soi-même. Il est tout aussi important de s’informer sur ses droits en tant qu’artiste et les faire respecter en exigeant des contrats plus justes qui permettraient à l’artiste de bénéficier des futures ventes de toute œuvre originale cédée. Avec le temps la valeur de l’œuvre artistique augmente donc elle génère des revenues de plus en plus important, il faut que le créateur puisse aussi bénéficier de l’augmentation de la valeur de son œuvre dans le temps.

Nous vous laissons le choix de prendre deux de vos peintures et de nous les commenter.

1-Amina-Disamu

Cette toile fait partie d’une collection de tableaux intitulée « La Matière Noire Lumineuse » qui célèbre les attributs du principe féminin sous sa manifestation originale sur Terre, donc Africaine. “Amina~Disamu” évoque le rôle sacré du principe féminin dans les sociétés évoluées. Dans mes œuvres, la femme est une métaphore de l’âme, alors ses ornements et vêtements somptueux reflètent la richesse innée que nous possédons tous en tant qu’êtres provenant de la sphère la plus élevée de l’Existence. Sur cette toile, la grâce du sujet démontre que la vie est une ressource naturelle par les capacités qui sommeillent en nous, c’est sur la révérence de cette vie et l’encouragement de ces capacités que repose l’essor de toute société. Le sujet sur ce tableaux émane toute la subtilité et la force douce que peut contenir la femme, manifestation physique de l’âme qui, elle, est le vaisseau des attributs divins. Sa harpe dans ce contexte symbolise la vie qui rétablit la vérité, l’amour et la justice sur Terre.


2.Sur le Bord de l’Union

 Ce tableau démontre l’interaction entre le principe féminin et le principe masculin qui, lorsqu’animés par l’Amour Divin, aboutit à l’unité et l’équilibre totale. Sur cette toile, la partie droite reflète le principe masculin qui veille sur l’activité sacrée du principe féminin à sa gauche. Lorsque l’équilibre établi entre les deux principes se manifeste, l’harmonie triomphe et elle radie dans notre environnement. Voyez-vous, tous les maux que nous vivons sur Terre sont dus au déséquilibre entre ces deux principes qui sont présents en l’être et en tout ce qui existe. Seule la complémentarité de ces deux principes enclenche le développement de toutes nos capacités innées.

En vous laissant le mot de la fin, tout en vous souhaitant de porter encore plus haut les couleurs de l’Afrique.
Merci à Tribune2lartiste de donner la parole aux artistes du continent, c’est très important de soutenir l’art et les artistes car à travers la création artistique, nous convergeons avec nos semblables vers une réalité qui nous élève, qui magnifie ce que nous avons été, ce que nous sommes et ce que nous deviendrons à travers l’émancipation totale des générations futures.

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